Je suis désolée de ne répondre que maintenant mais j'étais un peu découragée du fait du manque de réponses que j'ai reçues jusque-là... Donc je ne suis pas revenue depuis que tu as posté ce message... J'espère que tu le verras, parce que je suis très contente que tu montres un intérêt pour cette maladie. D'ailleurs, je me demandais pourquoi cet intérêt? Tu connais quelqu'un de schizophrène? Je dis ça parce que c'est quand même rare les gens qui s'y intéressent sans être touché de près, à part les psys...
Donc, pour répondre à tes questions, qui ne sont pas naïves puisque la plupart des gens ne connaissent pas cette maladie, dire que tu es naïve en posant la question reviendrait à dire que la plupart des gens sont naïfs et je ne le crois pas. D'ailleurs, tu as du mérite à poser des questions, démarche tout à fait louable à mon avis.
Concernant les causes de cette maladie, c'est assez flou pour moi et je crois que ça l'est aussi au sein de la psychiatrie. Dans mon cas, pour parler de ce que je connais, il n'y a pas une cause mais plusieurs facteurs qui ont fait qu'en se combinant, à un moment, j'ai "décompensé".
Ces facteurs sont différents: tout d'abord, il y a dans ma famille des gens qui sont aussi atteints de cette maladie, ou qui ont des troubles psychologiques. Cet état de fait pourrait aller dans le sens d'un facteur d'hérédité, mais je ne sais pas du tout dans quelle mesure on peut l'affirmer (n'oublions pas que je ne suis qu'une malade, et pas un médecin)
Ensuite, il faut savoir qu'à une époque je fumais beaucoup de cannabis, et je pense que ça a joué, puisque après ma première crise, je n'ai pas accepté tout de suite d'arrêter de fumer, et quand je fumais même un tout petit peu, mon état empirait. Quand j'en ai pris conscience, j'ai définitivement arrêté, je te rassure.
Puis il y a aussi une chose qui est à prendre en compte: les années qui ont précédé ma première crise ont été marquées par une relation très difficile avec un mec qui me battait, me séquestrait parfois... Ce qui m'a indubitablement fragilisée psychologiquement.
Et enfin, juste avant ma crise, j'ai fait une sorte de stage de communication, très intéressant et très stressant. Mais durant une semaine entière, je ne me couchais que très tard pour me lever très tôt, et certaines nuits je n'ai pas dormi du tout. Donc le stress, mêlé à la fatigue physique et psychologique, ont joué également un rôle important.
En ce qui concerne les symptômes, je sais qu'ils sont variables d'un individu à l'autre, puisqu'il y a plusieurs schizophrénies. Dans mon cas, schizophrénie paranoïde, j'ai entendu des pensées (pas vraiment des voix) qui ne me paraissaient pas venir de moi, et j'en ai déduit des croyances erronées, comme l'impression d'être télépathe, que je pouvais parler avec Dieu par ma pensée... J'ai eu de petites visons, aussi, je voyais des insectes dans le frigo, par exemple.
Et je pensais qu'il y avait un complot mondial contre les gens comme moi, qu'on allait essayer de me tuer ou de tuer ma famille. Je faisais difficilement confiance aux gens... A ma deuxième crise, j'avais du mal à prendre soin de moi, je ne me lavais que quand on me disait de le faire, et je ne savais plus comment m'y prendre pour effectuer les gestes quotidiens. Il faut quand même préciser qu'à cette époque, je faisais une allergie à un médicament, et je souffrais de ralentissement psychomoteur, ce qui veut dire que je mettais beaucoup de temps à effectuer des mouvements...
Sinon, dans les deux crises, j'étais incohérente dans mes propos, je réfléchissais à des millions de choses en même temps, ce qui me faisait paraître apathique, et j'étais "dans mon monde"... Je faisais des associations d'idées illogiques pour les autres, mais moi ça me paraissait logique.. Je croyais que j'influençais le monde par ma pensée et que j'étais responsable des guerres et des catastrophes naturelles. Je croyais aussi que tout ce que je lisais et tout ce que je voyais à la télé m'était adressé personnellement. Je me suis mise à pleurer une fois en lisant une lettre commerciale provenant d'un catalogue par correspondance, qui me disait des banalités habituelles, en pensant qu'il y avait un message codé qui me disait que cette boîte de vente par correspondance soutenait ma cause et était prête à m'aider pour lutter contre les "méchants" qui me voulaient du mal.
Donc, en bref, tu vis dans un rêve permanent qui peut tourner au cauchemar en un rien de temps.
Pour te dire aussi ce que je sais, sur le dédoublement de personnalité, c'est que ce n'est pas la schizophrénie. En fait, la racine du mot schizophrénie prête à confusion puisque elle évoque un "esprit partagé". Mais cette dissociation ne se réfère pas à un partage en deux personnalités distinctes(l'une bonne, l'autre mauvaise) mais aux composantes de la personnalité: pensée et sentiments. Pour expliquer cette idée, on peut dire que chez les gens normaux, quand on est triste, on a des pensées tristes, on pleure, on a un visage triste... Alors que les schizophrènes peuvent être gais en pensant à des choses tristes, ou ne rien ressentir du tout...
Ce que je viens de dire est extrait d'un livre que je te conseille, si tu veux en savoir plus sur cette maladie: "Les schizophrénies" de Catherine Tobin, éditions Odile Jacob, santé au quotidien, nouvelle édition 2004
Voilà, j'ai écrit un roman, mais je crois avoir répondu à tes questions. Si tu en as d'autres ou si tu ne comprends pas tout ce que j'ai écrit, n'hésite pas à me demander des précisions, je serai ravie de te répondre... Bisous