J'aime bien mes collègues écolo-gauchistes, mais des fois j'oublie que c'est des hommes - avec certains avis éclatés qui vont avec.
On parle de choix d'alimentation incohérents, genre les beaux-parents de Michel qui achètent des tomates cerises hors saison mais dans un packaging à emballage réduit.
Moi je comprends 100% l'idée de faire des efforts sur sa consommation parce que c'est le premier levier d'action à échelle individuelle - juste à un moment je trouve ça bien de rappeler que si on veut prendre en compte les saisons, le transport, l'emballage, le type d'agriculture, tout ça en même temps par-dessus les considérations diététiques - juste c'est impossible d'être parfait, et c'est une charge mentale de plus dans un monde où les femmes sont déjà éduquées à surveiller non-stop ce qu'elles mangent.
(Sous-entendu : oui les efforts c'est bien juste attrappez pas notre veste à la moindre erreur sinon on va pas s'en sortir)
Et ils me répondent quoi ?
"Oui bon la charge mentale c'est un peu ouin ouin problème de riches" "C'est pas une question de problème de femme ou d'homme"
Pardon ?
Vraiment les hommes écolos, bah ça reste des hommes hein. "La charge mentale tout le monde en a" eh gros ça y est, on souffle hein.
Même en-dehors de ça, y a un truc dans la vision de Michel en particulier qui me dérange, c'est le rapport quasi sacrificiel qu'il a à un mode de vie écologique, à un point où si on l'écoute il faudrait s'asseoir sur tout ce qui nous apporte du plaisir.
- Tu peux pas manger ce que t'aimes parce que c'est plus important de manger de saison/sans pesticide/bio etc; (exit tous les troubles alimentaires qui découlent du fait de scruter non-stop ce que tu manges)
- Tu peux pas tirer des choses positives des réseaux sociaux, comme du support ou de la communauté, parce que pour bien faire tu devrais trouver ça IRL près de chez toi (quid de toutes les minorités pour qui c'est pas possible/faisable ?)
- Et en même temps dans sa bouche t'as l'impression que les liens d'amitié, la "famille choisie", ça compte pas autant que la "vraie famille" parce que c'est pas le même niveau d'engagement (??? Quid de si ta famille d'origine est abusive, de toutes les formes non-traditionnelles de famille et de communauté ???)
- Il poste des infographies sur l'impact écologique du foot ou du rugby en salle café - mais ça tu peux le faire pour n'importe quel secteur d'activité qui appartient au capitalisme; tu peux pas réalistement demander aux gens de renoncer à tous leur loisirs. La question c'est de les réinventer, pas de s'en détourner complètement.
Alors que c'est quelqu'un qui par ailleurs a fait plein plein de voyages dans le passé (qu'il reconnait regretter), a des enfants dont il admet qu'il ne se posait pas du tout la question écologique au moment de les avoir. Donc je me demande à quel point il surjoue pas la responsabilité individuelle par culpabilité vis-à-vis de son propre mode de vie passé.
Et ça me dérange, parce que passé un certain point la culpabilité individuelle ne sera jamais un levier de même poids que les changements politiques et systémiques. La société est déjà pas construite pour maximiser le bonheur, elle l'est pour maximiser les profits - les gens font ce qu'ils peuvent pour être un peu heureux envers et contre les circonstances qui les en empêchent, et si tout ce que tu proposes c'est sortir le bâton pour taper sur chacun de ces trucs pas assez pur pour toi, sans avoir rien à proposer aux gens qui ont des besoins différents des tiens - spoiler, ça marchera jamais.