Bonjour
La société, à travers tout ce qu'elle enseigne sur le sujet, a tendance à tout voir comme un seul bloc monolithique qui n'a jamais aucune exception. C'est pourquoi pour beaucoup de monde, sexe = genre, et les deux termes sont souvent utilisés de manière interchangeable. Et même quand on commence à voir que ça n'est pas forcément vrai, il est difficile de voir ce qu'est le sexe et le genre exactement.
Quand on dit sexe, on a tendance à regrouper les fonctions procréatrices (mâle / femelle) et par extension tout ce qui est différence sexuée entre les humains.
Quand on dit genre, on a tendance à parler des rôles sociaux au sein de la société (être une femme / être un homme, et toutes les injonctions qui viennent avec) ainsi que l'identification d'une personne à un de ces groupes (c'est quand on se dit "je suis une femme" ou "je suis un homme" ce qui est constitutif de l'identité d'une personne). Ces deux définitions sont parfois scindées en deux: auquel cas, on parlera de genre pour l'identité d'une personne, et d'expression de genre pour la façon dont on genre les comportements en société (par exemple "porter des jupes c'est féminin") et d'injonctions genrées pour les pressions qu'il y a dans la société à adopter certains comportements en fonction de son genre (par exemple "les femmes doivent porter des robes et les hommes ne doivent pas en porter"). Mais même au sein du monde militant ces définitions ne sont pas forcément claires et on peut voir le mot "genre" utilisé pour parler d'injonctions de genre ou d'expression de genre. (C'est en tous cas ce que j'ai pu constater en lisant).
Et même comme ça, on continue de voir tout ça comme une sorte de "bloc" uni. Et c'est toujours vrai quand on parle de personnes intersexes (dont le sexe n'est ni clairement mâle ni clairement femelle) et de personnes non-binaires (dont le genre n'est ni homme ni femme).
C'est vrai quand on parle de sexe : on s'imagine qu'il y a un "package" féminin, et un "package" masculin et que la distinction entre les deux est extrêmement claire et précise. En fait ce n'est pas vrai: le sexe est la somme de tout un tas de données biologiques (chromosomes, hormones) qui va développer le corps d'une personne d'une façon ou d'une autre - et si pour la majorité de la population les organes génitaux sont clairement distincts, ce n'est pas vrai pour tout le monde; quant aux caractéristiques sexuelles secondaires (qui se développent à la puberté) elles ne sont que variables et jamais absolues : les femmes auront tendance à être moins poilues et moins grandes que les hommes, mais c'est loin d'être toujours vrai. Il en est de même pour le taux d'hormones selon les personnes (et varier ce taux d'hormones permet de faire développer les caractéristiques sexuelles différemment (même après la puberté, mais l'âge influe sur les effets) - une femme transgenre qui prend un traitement hormonal aura donc des seins qui poussent, un homme transgenre aura de la barbe).
Il apparaît donc que le terme "sexe" tel qu'on l'entend, c'est surtout des généralisations qu'on a transformées en règles absolues. Avec la définition qu'on en a, on ne peut même pas dire que toutes les personnes de sexe féminin ont leurs règles (ou les auront à un moment de leur vie) puisque cette définition englobe aussi les femmes stériles.
Le terme de "sexe" (qui à la base ne décrit que les fonctions procréatrices - donc d'un point de vue rigoureusement scientifique, on peut dire que tous les enfants, toutes les femmes ménopausées, et toutes les personnes stériles n'ont pas de sexe, puisqu'elles ne peuvent pas se reproduire, ça se tient) et l'utilisation dans la société des catégorisations binaires "masculin" "féminin" et même le terme fourre-tout "intersexe" montre que ce terme est utilisé pour parler de plus de choses que juste les fonctions biologiques, et qu'on l'utilise aussi pour faire une distinction et une coupure entre les gens. (On peut par exemple s'interroger sur la pertinence qu'il y à mentionner le sexe sur la carte d'identité ... même quand on essaye de dire que ça ne définit pas le genre d'une personne, la présence de cette information et sa formulation est inutile, problématique, et possiblement mensongère.) C'est pour ça que ce terme est délicat : il est trop flou. Et c'est pour ça qu'il vaut mieux nommer précisément ce dont on parle : utérus, vulve, pénis sont des termes moins flous, et moins faux que sexe féminin et masculin.
(Après, je ne suis pas biologiste / endocrinologue / etc, ce que je sais est surtout d'ordre général et lié au langage qu'on utilise pour parler de phénomènes physiques, plutôt que lié aux phénomènes physiques en eux-mêmes.)
C'est vrai quand on parle de genre : on s'imagine aussi bien souvent (mais c'est moins courant, surtout sur madmoizelle on dirait bien

) qu'être une femme, ou qu'être un homme, ça vient avec des éléments précis, et exclusifs à un genre ou un autre.
Beaucoup de discours sexistes fonctionnent là-dessus : par exemple "les hommes recherchent du sexe, les femmes recherchent de l'amour" ce qui définit abusivement un genre en collant dessus un comportement qui lui serait universel et exclusif.
Mais il y a d'autres discours, plus cissexistes, qui fonctionnent dessus : par exemple, que toutes les femmes ont leurs règles - alors qu'il y a des femmes qui n'ont pas et n'auront jamais leurs règles (les femmes intersexes, stériles, trans) et qu'il y a des personnes qui ont leurs règles et qui ne sont pas des femmes (certaines personnes non-binaires, certains hommes trans).
Il y a aussi des discours transphobes qui disent que les femmes trans ne sont pas vraiment des femmes car elles n'ont pas vécu la même chose que les femmes cis (la même puberté, la même expérience du sexisme) et réduisent abusivement le genre à un parcours de vie (qui est d'ailleurs bien souvent réduit à un parcours de vie de femme cis blanche hétérosexuelle valide de classe moyenne, et efface donc tous les parcours de vie différents que peuvent vivre les femmes cis en disant qu'il n'y en a qu'un seul et qu'il est universel) tout en niant la spécificité des parcours de vie des personnes trans qui est intrinsèquement différent de celui des personnes cis à cause du décalage entre leur genre réel (celui auxquelles elles s'identifient et qui est leur identité) et leur genre assigné (celui que la société leur force) et en niant l'existence des genres non-binaires.
Il y a donc très peu, sinon aucun, point commun à toutes les personnes de même genre sinon le fait qu'elles ont le même genre. La seule chose qui est commune à toutes les femmes, c'est qu'elles sont des femmes.
La conception binaire des genres est mise à mal par l'existence de genres non-binaires (d'où leur nom) qu'on essaye souvent de comprendre en fonction des deux genres homme et femme (les genres binaires) qu'on connaît. On s'imagine que les genres non-binaires sont comme une sorte de différent tons de dégradés de couleur entre l'homme et la femme, alors que la réalité c'est que non, pas toujours, pas forcément, parfois il y a un lien entre les différents genres et parfois non. C'est assez flou, et c'est quelque chose que je connais mal, je ne m'étendrais donc pas plus là-dessus. La seule chose à retenir c'est qu'il ne faut pas se dire que les genres hommes et femmes sont les seuls qui existent, ni qu'ils sont des points de référence mais seulement deux genres parmi d'autres.
Bref, le genre, le sexe, et tout ce sujet-là, c'est compliqué
