J'ai un rapport particulier avec Buffy et du coup, je ne suis pas vraiment "déçue" par ces révélations.
Quand Buffy a commencé à être diffusé en France, j'étais encore au collège et à l'époque, personne de ma classe ou de mes amis ne regardaient parce que ça avait commencé à passer sur Série Club avant la Trilogie du Samedi de M6 je crois, et les gens autour du moi n'avaient pas le câble, plutôt Canal Plus ou juste les chaines publiques. Du coup, j'ai commencé à regarder un peu "toute seule" et quand c'est arrivé sur M6, j'étais bien plus investie que mes amies. Je ne me souviens pas que j'avais d'autres réels fans autour de moi. Les gens connaissaient oui, mais ils ne suivaient pas avec autant de passion que moi qui n'en manquais aucun épisode. Même ma meilleure amie n'était pas si à fond que ça, je crois qu'elle regardait à moitié par amitié pour moi et quand on passait notre samedi ensemble, ça arrivait très souvent qu'elle aille faire autre chose pendant que je regardais Buffy. Je me souviens que pour certaines personnes, c'était un peu "malsain" que je sois prête à consacrer tous mes samedis soirs à une série.
A l'époque, il n'y avait pas de réseaux sociaux à part quelques forums sur lesquels je n'avais jamais pensé à parler de Buffy et Internet était encore assez peu développé, même les séries étaient pratiquement un "genre" nouveau pour la France et beaucoup de gens n'en regardaient pas. Du coup, le seul "fandom" qu'on avait c'était en gros nos potes de classe et les magazines pour ados, et comme j'avais pas vraiment de potes de classe fan autour de moi, il n'y avait que moi.
J'ai tout de suite adoré Buffy évidemment, en tant qu'héroïne elle comblait un tel vide dans le paysage de fiction, c'était vraiment une pionnière en termes d'héroïne d'action et pour la pré-ado en colère contre les inégalités de genre que j'étais (sans vraiment avoir de mots pour expliquer ça), c'était absolument merveilleux. Je rêvais de faire du taekwondo et du kickboxing comme Sarah Michelle Gellar, je lisais tous ses interviews.
Et puis bon, je sais pas trop, j'imagine qu'en devenant plus âgée, avec d'autres shows menées par des héroïnes fortes, je voyais plus les choses pareilles mais j'ai pas aimé du tout l'intrigue de Dawn et le fait de devoir faire comme si elle avait toujours existé alors que j'avais grandi avec Buffy fille unique, j'ai pas aimé le côté dark et triste de l'intrigue du cancer et j'ai trouvé la fin décevante et un peu déprimante, j'ai pas très bien compris qu'on présente Willow comme lesbienne "depuis toujours" alors qu'elle avait été clairement amoureuse d'un homme avant et qu'elle était donc probablement bi (même si à l'époque, je connais pas bien le concept de bisexualité, ça me perturbait beaucoup d'avoir l'impression qu'on devait faire comme si Willow qui flashe sur des mecs, c'est "une erreur de parcours" - mais j'ai jamais revu la série depuis, donc j'avais peut-être mal compris le message à l'époque) donc j'imagine qu'à la fin de Buffy, j'étais déjà plus cette fan absolue des débuts, mais je gardais toujours une immense affection pour cette série.
Et puis en fait, en commençant à aller sur les réseaux sociaux où je lisais "des inconnus" (ex: Twitter) plus activement, ben je suis un peu tombée des nues de voir toute la DEVOTION que certains vouaient à Buffy, toutes les qualités féministes, LGBT, progressistes etc. qu'on lui prêtait, le symbole militant que ça semblait être pour certains. Il y avait tellement de gens absolument fans comme au premier jour, ça m'a vraiment étonné, et puis quelque part, ça m'a un peu dégoûté de la série. J'avais l'impression qu'on en faisait un peu trop.
C'est sûr qu'on ne pourra jamais enlever à Buffy d'avoir offert aux petites filles, aux adolescentes et aux jeunes filles un modèle d'héroïne forte, elle a ouvert la voie à tellement d'autres héroïnes que c'est sûr que ça a changé des choses dans le monde de la fiction. Mais pour moi, le féminisme de Buffy s'est toujours plus ou moins arrêté là et je n'aurais absolument jamais pensé à qualifier Joss Whedon de "féministe" juste pour ça avant de lire ce titre qu'on lui accordait sur les réseaux sociaux. Je veux dire, George Martin aussi a un peu révolutionné l'écriture des héroïnes et j'ai pas du tout l'impression qu'il revendique à fond le terme de féministe, de même que Ridley Scott n'a jamais il me semble cherché à se faire couronner féministe pour avoir créé le personnage de Ripley dans Alien.
Du coup, je sais pas trop expliquer pourquoi, mais ça me gênait beaucoup qu'on défende à fond le féminisme de Buffy et qu'on fasse de Joss Whedon un porte-drapeau du féminisme, comme si un homme capable d'écrire une héroïne guerrière cohérente et d'en faire le personnage principal était automatiquement féministe au lieu de simplement un bon conteur.
En plus, je me souviens qu'ado, quand je lisais ses interviews, son explication sur "pourquoi Buffy est si populaire" c'était "oui, je fais des métaphores des difficultés de l'adolescence à travers les monstres, ça parle aux ados" alors que perso, j'avais absolument pas pensé que Buffy était une métaphore des difficultés de l'adolescence avant de le lire dans Star Club
Je me reconnaissais pas spécialement dans la vie de Buffy, peut-être parce que j'étais plus jeune qu'elle et que du coup, j'avais pas les mêmes prises de tête qu'une fille de 15 ans, mais aussi parce que c'était si américain! Pour moi, ça restait une fiction super palpitante avec des gens de ma tranche d'âge, pas un discours profond sur les troubles adolescents déguisés en monstres chelous. Par contre, l'héroïne féminine qui peut parfaitement triompher des hommes et n'est pas condamnée pour le reste de sa vie à rester dans son rôle de femme, ça c'était un peu révolutionnaire et c'était un immense attrait de la série, mais je ne me souviens pas spécialement qu'on abordait ce sujet du manque de représentation dans la ficiton pour les petites filles et les adolescentes dans les interviews de Joss Whedon. J'ai peut-être oublié, mais ça m'étonne un peu de ne pas me souvenir de ça à l'époque, je pense que ça m'aurait un peu "émerveillée" de découvrir le concept de représentation, donc j'ai tendance à me dire qu'il n'avait même pas conçu Buffy comme un show féministe au point où il le revendiquait après, quand tant de femmes lui donnait un crédit féministe.