Pourquoi la parentalité est-elle vue comme un sujet chiant réservé aux gens qui ont des enfants ?

7 Septembre 2011
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Paris
Perso je pense que la libération de la parole a pas mal contribué à ce truc. Enfin disons qu'avant les mères étaient de toutes façons stigmatisées mais il y avait autour du truc une espèce de sacralisation qui faisait qu'on osait rien dire. Je pense que c'était ultra nécessaire et je m'en réjouis. Par contre du coup sous couvert de libérer la parole j'ai l'impression qu'on a fait de la maternité un truc vraiment relou dans certains cercles dont même en tant que mère il est bon de se moquer / raler / dire que ça fait chier et que c'est chiant même si ça n'est pas (uniquement) le cas. Entre mères ou avec les collègues plus jeune ça va se faire de dénigrer un peu sa position de daronne et parfois même ses enfants, pour bien montrer que on reste un individu à part entière cool, qu'on sait faire preuve d'autodérision et je pense qu'il y a un petit effet de mode, et même si je comprend bien d'où vient cette mode. Comme disait @Clémence Boyer ça manque de nuance, d'un côté t'as celles qui disent que c'est si beau l'amour toujours, et celles qui disent que c'est terrible et trop dur (car c'est ce qu'elles vivent à ce moment là et elles ont le droit de le dire mais forcément quand on traine dans certains milieux on se retrouve facilement confronté à des témoignages de maternité nécessaires mais hyper durs qui pourraient donner l'impression que la parentalité c'est ça exclusivement) et forcément vu que ce sont deux extrêmes, ou c'est vu comme niais (donc chiant) ou comme ultra dur (donc chiant). Personnellement la maternité ça a pour moi quelque chose d'indicible, c'est une accumulation de petits trucs qui rendent l'expérience si riche, si belle, si complexe, si triste parfois (avec tous les sujets durs auxquels on s'éveille comme l'écologie, le feminisme...) mais en même temps je ne me vois pas forcément en parler car c'est presque un truc intime, j'aurais l'impression de sonner faux en fait, du coup ce que mes proches en retirent ce sont des faits et les faits c'est souvent les trucs du style manque de sommeil, maladies etc etc... alors que même si ce sont des trucs qui effectivement sont trop pénibles c'est pas l'essence même de la chose. Enfin dans mon cas. Et en ca je peux comprendre le "- tu peux pas savoir tant que t'en a pas", cette méconnaissance ne touche pas les opinions qu'on peut légitimement avoir meme sans être parent, mais plutôt la force et la nature des trucs qu'on peut ressentir a leur égard. En tous cas moi avant d'avoir mes enfants j'avais jamais ressenti ça, et pourtant même si c'est un sentiment très chouette, c'est pas forcément un truc dont on parle volontier avec mes copines meres même si c'est tacite et que je "sens" qu'elles éprouvent la même chose.
 
Dernière édition :
7 Février 2010
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Ce qui est certain, c'est que la parentalité est devenue, qu'il soit chiant ou non, un sujet de conversation à part entière au fil du temps. Mais le problème est que ce sujet est embarqué dans plusieurs formes de discours qui ne cohabitent pas toujours très bien : je voudrais m'intéresser ici à : qui parle des parents? Pour classifier un peu les discours de chacun :

1) le discours issu de l'expérience personnelle des parents : dans une première idée, ce sont les parents qui parlent des enfants. Ils ont des enfants, les élèvent tant bien que mal ; n'ont pas forcément de diplômes liés à la petite enfance. Ils sont des parents et revendiquent leur droit à être imparfaits ; ils sont forcément investis dans les débats qui les concernent de près ou de loin. Ils sont aussi aux prises avec des mythes, des fantasmes, des peurs : le mythe de la bonne mère, la théorie de l'attachement, mais aussi des fantasmes horrifiques : la pensée obsédante de faire mal à son bébé, peur de ne pas l'aimer....ils sont partagés entre l'image du parent qui aime son enfant plus que tout et celle du parent qui vendrait son rein pour parfois passer du temps sans ses enfants...

2) le discours issu de l'expérience professionnelle : il existe tout un univers autour de la petite enfance : infirmières puéricultrices, auxiliaires de puériculture, éducateurs spécialisés, professeurs des écoles, ass mat, les psy, la pmi....ces gens sont formés et ont des diplômes dans "la petite enfance", et leur avis est un mélange de théorie et de pratique ; c'est une pratique moins à fleur de peau ou sensible que celle des parents (enfin en principe). Ces gens là éduquent/élèvent/soignent/s'occupent des enfants des parents, non pas parce qu'ils les aiment de façon innée, mais parce que c'est leur métier.

Il y a forcément une interférence entre l'univers du 1) et du 2), cette interférence peut être harmonieuse mais parfois aussi conflictuelle puisqu'il peut y avoir des désaccords entre les parents et les professionnels sur certains sujets. Il en a été question dans ce sujet. A titre personnel, j'apprécie la neutralité et le professionnalisme dont fait preuve le monde de la petite enfance. Il me fait beaucoup de bien (ma fille va à la crèche). Un phénomène que j'ai constaté en revanche ces derniers temps, c'est débordement du 2) sur le 1). Je m'explique : il existe de plus en plus une forme d'injonction à la professionnalisation des parents. L'idée que les parents ne doivent pas être imparfaits mais doivent eux aussi respecter des courants, des guides, des idées fortes pour élever leurs enfants au mieux. L'idée répandue que tel acte engendrerait telle conséquence irréversible. On a déjà bcp parlé, sur ce forum et surtout sur Rockie, des conséquences, parfois, de l'éducation bienveillante poussée à son paroxysme ; chez certaines mères vulnérables ou en mal de repères, peut parfois naître l'idée que l"on peut "casser" son enfant si on s'éloigne ne serait-ce qu'un peu de la voie tracée de la bienveillance : une punition, un cri, par exemple. Cette injonction à la professionnalisation je la vis parfois comme un signe du recul de l'autorité des soignants et des professionnels (je trouve qu'ils sont de plus en plus défiés et remis en cause) et la volonté de bien des parents de "faire leur recherche eux-même". Les confinements multiples ont crée un repli des mères sur elles mêmes et l'éloignement des aînées (soeurs, mères, grand-mères) n'a pas toujours facilité les choses. Mais ce n'est. que mon avis !

3) le discours issu des childrees : des personnes revendiquent leur droit et leur volonté de ne pas vouloir d'enfant. Si certains n'ont absolument pas envie de parler de ce sujet, d'autres au contraire le souhaitent pour s'emparer de la parentalité d'une autre façon, en défendant une autre image: celle d'une parentalité que l'on ne veut pas subir, celle d'une parentalité qui bien souvent asservit la mère, en bref c'est la défense d'une liberté de choix et de volonté pour.

Il y a une interférence entre l'univers du 3) et du 1) qui est pour moi parfois conflictuelle, mais salutaire. Les parents ont besoin des childfree car cela leur permet de comprendre que la parenté ne doit jamais être une fin en soi dans la vie d'une personne (et surtout d'une femme). Cette interéference est conflictuelle lorsque les émotions de chaque camp ne sont pas pas toujours bien gérés ; le childfree peut se sentir jugé car il ne veut pas d'enfant (il serait égoïste, passerait à côté de quelque chose) ; le parent peut se sentir jugé car il est parent (il serait égoïste aussi, mais pour d'autres raisons). Mais pour moi les débats entre parents et childfree sont ce que j'apprécie le plus sur les forums.

4) le discours de santé publique/ordre public, bref de l'Etat : s'il existe bien évidemment une liberté du parent qui s'exprime à travers l'autorité parentale, il existe aussi des règles et des obligations à respecter qui s'appliquent aux parents et peuvent parfois remettre en cause leur liberté : obligation vaccinales, interdiction de la déscolarisation, et bien sur respect de l'intégrité physique et morale de l'enfant, interdictions de violences, etc. etc. Ces interdictions/réglements existent soit pour protéger l'enfant, soit pour préparer l'enfant à la collectivité (c'est-à-dire la société) Ce discours est bien sur en intérférence avec le discours des parents (1) et plutôt en harmonie avec le discours de la majorité des professionnels de la petite enfance (2), ces derniers devant même parfois prendre des mesures pour protéger le mineur contre ses parents....Les univers du 1) et du 4) sont souvent complémentaires (il suffit de voir toutes les aides mises en place par l'Etat aux parents), parfois contradictoires (pour les parents anti vaccins ou pro éducation à la maison, par exemple). Il s'agit de règles légales souvent et donc bien établies, contrairement au courant que j'ai décrit dans le 2) de professionalisation des parents qui est plus insidieux (des courants, des théories, des bonnes ou mauvaises pratiques) si bien que les parents peuvent parfois s'y perdre.

5) le discours de la société (j'aurais pu y intégrer le 3) ; là c'est un peu plus confus....j'aimerais plutôt que de parler de la société en son entier parler de celle qui nous ressemble le plus ici (en tant que membres du forum). Je ne peux pas m'empêcher de constater qu'il existe aujourd'hui à travers les articles, les blogs, les comptes instagram, une construction identique et systématique d'un discours que je lis très fréquemment : un discours qui voudrait déconstruire l'image de la bonne mère/ou plutôt de l'injonction à être une bonne mère. L'idée que tout sujet lié à la maternité serait tabou. L'idée qu'il faudrait parler de tout ce qui va mal pour aider les mères justement. Le post partum les premiers jours du bébé, le burn out parental, les peurs de faire du mal au bébé...en ressort une déconstruction de la maternité idéale qui est telle qu'elle engendre a son tour la construction d'une image d'une maternité subie, difficile, en elle-même négative. Je m'interroge parfois sur cette époque que nous vivons et les mots qui sont employés. Si on parle autant, aujourd'hui, comme on a jamais parlé, des aspects négatifs de la maternité, peut-on continuer à dire qu'il s'agit d'un tabou? Est-ce que ce discours permanent peut transformer l'image de la mère? Et surtout, peut-on continuer à dire qu'il existe une figure de la mère idéale qui serait la mère au foyer ou la mère sacrificielle ? Je ne sais pas du tout...



Tous ces propos ne sont que mon avis et surtout, sont des pistes de réflexions lancées en réaction aux lectures sous ce post. Je ne prétends détenir aucune vérité. Et surtout, pour donner cette espèce de "typologie des discours sur la parentalité", je suis consciente d'avoir sans aucun doute utilisé plein de clichés et d'images qui sont très certainement beaucoup plus nuancées !!! Donc agree to desagree avec tout le monde.
 
12 Octobre 2018
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@envoituresimone
Ton poste est super interessant et structuré et c'est vraiment bien de reprendre les différentes personnes qui peuvent finalement sexprimer sur le sujet mais je rajouterais que pour moi il faut y ajouter les gens qui n'ont simplement pas d'enfants, sans etre childfree pour autant. Eux peuvent aussi parler de leur experience en tant qu'enfants quand ils étaient petits par exemple, mais comme je l'ai exprimé plus haut, peuvent aussi ne pas avoir forcément envie de s'exprimer sur un sujet sensible pour eux
 
3 Mai 2021
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Je rebondis sur les échanges avec les childfree. Deux de mes meilleures amies le sont, et j'ai avec elles de échanges très riches sur la parentalité. On en parle car nous sommes amies et que c'est qqch d'important dans ma.vie, tout comme on va parler de leurs projets de voyage pu d'achat de maison par ex. Et je trouve ça super, une vraie preuve que notre relation n'est pas superficielle car on s'intéresse à des vies et projets de vies qui ne sont pas le nôtre.
Et le fait que ce soit dépassionné aussi, car elles ne sont aucune projection perso sur ce qu'elles feraient à ma place par ex.
 
7 Février 2010
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@envoituresimone
Ton poste est super interessant et structuré et c'est vraiment bien de reprendre les différentes personnes qui peuvent finalement sexprimer sur le sujet mais je rajouterais que pour moi il faut y ajouter les gens qui n'ont simplement pas d'enfants, sans etre childfree pour autant. Eux peuvent aussi parler de leur experience en tant qu'enfants quand ils étaient petits par exemple, mais comme je l'ai exprimé plus haut, peuvent aussi ne pas avoir forcément envie de s'exprimer sur un sujet sensible pour eux

Ah oui totalement. Je n'en ai pas parlé ou alors j'aurais du mettre des sous-catégorie dans "la société" ; je cherchais en outre des discours qui interféraient les uns les autres, dans les deux sens. Mais il est évident et c'est toi je crois qui en a parlé dès le début de ce sujet, et j'étais entièrement d'accord, que si le sujet de la parentalité peut paraître "chiant" pour certains, ce n'est pas du tout pour cette raison mais plus parce que c'est un sujet éminemment personnel et intime. Et donc on ne peut pas toujours prétendre le politiser à outrance auprès de tout le monde.
Je pense notamment aux femmes qui essaient d'avoir des enfants, aux femmes ayant fait des fausses-couches. Il sera tellement difficiles pour elle de séparer la souffrance que ce sujet leur procure pour en parler sereinement.
Je pense aussi aux femmes qui ont vécu le deuil d'un enfant.
Or, notre époque est justement celle du "grand déballage" autour de ces sujets sur lesquels on pense, à tort ou à raison, s'être trop longtemps tues. Hé bien pour beaucoup de gens, ces sujets sont très sensibles.
 
25 Juin 2015
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@missaaj alors oui on a tous été enfant et donc on a tous une expérience à ce niveau là. Mais il faut parfois faire attention à ce type de discourt. Je vais prendre un exemple que je vis régulièrement : on a tous été élèves et donc tout le monde pense être a même de juger l'éducation nationale selon son propre vécu. Hors les choses dans l'EN changent, évoluent régulièrement. Et donc parfois on peut entendre/lire "il faudrait que *telle chose* soit vu à l'école", et quand on répond que c'est ce qui est fait certaines personnes refusent de l'entendre car elles n'y ont pas eu droit quand elles étaient à l'école... Par exemple le développement durable est dans les programmes actuels, mais ne l'était pas quand j'étais moi même ados.
Si je me recentre sur le sujet en cours, on est nombreux je pense à avoir reçu une éducation avec une ou deux, ou plus, gifle ou fessé. Hors on est nombreux à lutter contre le discourt "j'ai reçu une gifle dans ma vie et je n'en suis pas mort". Bref l'expérience personnelle à toujours ses limites, et dotant plus je pense quand c'est une expérience "ancienne" car forcément les choses ont évoluées. Autre exemple les grands-parents qui peuvent parfois tenir des propos problématiques alors qu'ils parlent "d'expérience". Entre les "il faut les laisser pleurer" et autre remarques dans le même genre... Les connaissances évoluent et donc les façon de faire également.
 

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