Je me pose une question : est-ce que finalement les politiques n'ont pas
intérêt à jouer le jeu de Daech ? le terrorisme ne menace pas un Etat en soi, surtout quand c'est les civils qui sont touchés et pas le gouvernement , ce n'est justement pas une guerre... par contre ça permet de créer un climat de peur... de discours sécuritaire... et avec la loi travail et les élections qui approchent et leur popularité au fond des égouts, je me demande vraiment si nos politiques n'ont pas plus intérêt à jouer le jeu du terrorisme parce que s'ils essayaient de faire les choses dans les règles, ils se feraient ficher dehors avec quelques millions de coups de pied au cul.
Ou peut-être que je suis en train de devenir parano
Personnellement, je ne pense pas que ça arrange vraiment le gouvernement actuel. La popularité de François Hollande n'est pas du tout aidée par le climat sécuritaire car il n'est pas spécialement perçu comme un mec à poigne.
Je pense qu'en faire trois tonnes sur certaines questions sécuritaires relativement bien maitrisables peut effectivement aider les personnalités politiques (la menace de l'immigration, les banlieues dangereuses etc.) mais le terrorisme c'est franchement trop incontrolâble pour que ce soit un avantage. Je ne crois absolument pas que Daesh aider à faire passer la réforme du travail, d'autant plus que l'état d'urgence créé des tensions qui alimentent à leur tour les conflits sociaux et politiques.
Par contre, je pense qu'il peut être effectivement avantageux d'en faire trois tonnes sur le terrorisme pour cacher le fait qu'on a une réponse inadaptée et inefficace. En entrenant les gens dans la peur, on les empêche de questionner les décisions politiques. Dire "oh la la c'est très grave Nice, on va continuer ce qu'on fait!", ça met en avant la peur pour cacher l'inutilité de la réponse. Et pour l'opposition, utiliser la peur sert à discréditer le gouvernement "oh la la c'est très grave Nice vous avez vu ces gros nazes qui n'ont pas su empêcher ça?" et à se poser en sauver alors que les réponses proposées sont tout aussi nulles.
D'autre part, les idées d'extrême-droite ont progressivement su se présenter comme des idées "baromètres". Petit à petit, le FN et d'autres sont parvenus à convaincre les différents partis qu'il fallait flatter leur électorat pour être populaire. Or les questions sécuritaires sont chères au FN. Donc je pense qu'une priorité des politiciens d'aujourd'hui c'est de tout de suite rassurer l'électorat séduit par l'extrême-droite quand on parle de sécurité "alors vous inquiétez pas, nous aussi on sait faire de la sécurité bling bling!".
En plus, le respect de l'Etat de droit ça entraine pas mal de contraintes pour quelqu'un qui a du pouvoir. On ne peut pas faire tout ce qu'on voudrait, parfois on est sûr d'avoir raison mais on ne peut pas faire passer une mesure ou forcer les gens à se plier à la règle, on doit demander son avis à plein de gens, on est surveillé, on doit rendre des comptes. C'est tentant de vouloir se "libérer" d'une partie de ces contraintes. Et dans une démocratie, le seul moyen de le faire (temporairement) c'est quand il y a un grand danger qui nous menace. Donc pourquoi se priver de mettre en avant un danger réel quand on n'est pas suffisamment efficace pour gouverner avec les "contraintes" de la démocratie? Un gouvernement plus efficace et charismatique, avec un meilleur soutien de sa base militante, qui sait un peu mieux ce qu'il fait, serait certainement moins tenté de recourir à ces mesures. Moi je le vois un peu comme la solution de facilité parce que le gouvernement ne voit pas comment il peut gérer autrement les affaires du pays en temps de crise qu'en limitant au maximum les moyens légaux de s'opposer à lui.
Je suis 100% sûre que si Hollande pouvait faire comme si de rien n'était sur Daesh, le faire oublier par les médias, il le ferait. Tout simplement parce qu'il ne sait pas comment y faire face. Mais comme tout le monde en parle et que l'opposition s'en sert contre lui, il rentre dans le cercle vicieux du tout-sécuritaire.
Et puis il faut aussi rappeler que la fonction de Président de la République en France est souvent représentée comme une fonction "virile" dans le sens traditionnel du terme. Un bon Président, c'est un mec déjà, assez vieux (Valéry Giscard d'Estaing a été élu à 48 ans et c'est notre plus jeune président de la 5e République), riche, blanc, et puis il faut qu'il soit ferme, guerrier, qu'il paraisse dominer les responsables étrangers, sauf Barack Obama.
Quand il parle de droits de l'Homme c'est pour faire des remontrances viriles à d'autres chefs d'Etat qui inspirent l'autorité, comme des chefs d'Etat arabes ou Vladimir Poutine, mais sans spécialement mettre de sanctions derrière. Pour son propre pays, il ne doit pas vouloir résoudre les problèmes par la paix sociale et les droits fondamentaux, ça c'est un truc de gonzesses qu'on laisse éventuellement aux Ministres femmes.
Rien ne prouve que l'électorat pense vraiment comme ça mais c'est comme ça qu'on dépeint le Président de la République type, "le Chef des Armées". On voit bien que Hollande parlait plus de droits fondamentaux au début et on le traitait de mou. Giscard d'Estaing a aussi une réputation de Président fade et pourtant, il prônait pas mal d'évolutions sociales comme la majorité à 18 ans, la légalisation de l'avortement, la réforme du divorce etc. A l'inverse, le Président le plus populaire dans l'imaginaire collectif, de Gaulle, c'était un militaire, le patriarche idéal. Et oui, il y a eu des avancées sociales sous son gouvernement mais il compensait par son passé de résistants aux Nazis et par la guerre d'Algérie.
Donc je pense que les Présidents sont tentés de coller à ce schéma pour susciter l'adhésion.
Daesh ne choisit pas ses cibles au hasard. Il ne nous a pas choisi parce qu'on était le pays des droits de l'Homme mais parce qu'on est un pays justement trop faible pour porter ces valeurs en temps de crise. Il cherche la confusion, il a repéré que l'extrême-droite avait déjà très bien préparé le terrain et il lui suffi juste d'en rajouter deux-trois couches pour complètement perdre nos dirigeants dans une spirale nocive pour le pays.