Mon prof d'anglais d'hypokhâgne. Avec lui, ça fusait, les jeux de mots, les anecdotes sur tel ou tel auteur, les mots compliqués pour le plaisir de voir qui savait, les analyses de tableaux, de scènes de film, de passages célèbres de roman ... Pour le plaisir de nous faire découvrir quelque chose. Il savait en même temps suivre son programme de cours et sauter du coq à l'âne dans tout ce qu'il disait, c'était quelqu'un de vraiment incroyablement impressionnant. Il était très distant avec ses élèves, du genre "un élève est un élève, pas un ami", mais ça ne l'empêchait pas d'être présent si on avait un gros problème, de nous écouter d'un air un peu froid et de finalement nous sortir LA phrase réconfortante.
Il ne parlait pas beaucoup de lui, mais quand il le faisait, on le sentait très humain, c'était vraiment un type formidable. Aussi un des rares hommes sérieux que j'ai pu entendre dire qu'on n'avait, objectivement, aucune preuve de l'existence mais aussi de la non-existence des fantômes ! et capable avec ça de nous parler sciences pendant dix minutes alors qu'on était sur un sujet de littérature.
Bref. Un monument de culture. LE prof qui m'a marquée.
Je reviendrai, il faut que j'explore le cas de mon prof de lettres de khâgne.
Mon prof de lettres de khâgne, donc. Il a une ressemblance physique frappante avec Michael Moore ; il a passé l'année à râler contre l'ENS qui fait des programmes "à chier", à traiter Stendhal de facho et à débiner sur tous les grands noms de la littérature française. C'était incroyable. On aurait cru que pour lui, rien n'était sacré : il reconnaissait le génie de quelques-uns, mais s'empressait de nous rappeler que c'était des gens qui avaient des comportements "de merdeux", ou qui avaient "raté leur vie", qu'ils étaient méprisables, et que si ils n'avaient pas écrit de livres ... C'était génial parce que j'ai appris à ne pas considérer les auteurs comme des génies parce que ce sont des auteurs, mais à voir le génie en eux, et à les voir en tant qu'humains. J'explique mal, mais ses cours m'ont beaucoup touchée. Il essayait tout simplement de nous montrer que ce que le bien commun considére comme supérieur ne l'est pas forcément.