Compte rendu du club de lecture du 13 mai
*Se saisit, tremblotante, de ses feuillets*
*Je ne ferai jamais aussi bien que
@ca_rou_selle *
Nous étions donc 4, chez Kallisto qui a eu la gentillesse une fois encore de nous accueillir chaleureusement sur ses terres.
@Bloody Jack a présenté
"Les fabuleuses aventures d'un indien malchanceux qui devint milliardaire" de Vikas Swarup.
C'est l'histoire d'un jeu TV du type "Qui veut gagner des millions?" qui commence en Inde. Un gamin de 18 ans, pauvre, sorti de nulle part y prend part en tant que joueur. Chaque chapitre du livre aborde une question qui lui est posée dans le jeu. A chaque question, peu importe le niveau de difficulté,il va avoir la bonne réponse. Et tout ceci, grâce à sa vie, ses expériences et non ses études. Il a vécu 1 000 vies en une! Pour autant c'est crédible. Si ça paraît fou, avec un peu de recherche Google, on se rend compte que c'est bien vrai! Les disparités restent importantes en Inde, notamment dans le système de caste qui persiste. Le livre évoque la petite histoire (personnelle) dans la grande histoire (du pays). Les personnages sont moins linéaires que dans la littérature occidentale de base.
L'écriture est très fluide, on se laisse porter. La fin est intéressante.
Le livre a par ailleurs été adapté au cinéma (sous le titre "Slumdog millionaire").
Mais aussi
"Le Dieu des petits riens" d'Arundathi Roy
@Bloody Jack a eu du mal à le lire, mais finalement... le livre est top!
C'est l'histoire de deux jumeaux (un garçon et une fille) sur deux temps: le présent et le passé. C'est parfois déstabilisant. L'élément perturbateur a eu lieu quelques années avant la narration; mais ce n'est pas ce qui va tout déclencher. L'autrice parle des choses avec beaucoup de nuances. Même dans les pires situations, il y a des choses jolies. Ce que Bloody Jack a particulièrement apprécié, c'est l'infinie délicatesse d'écriture. Le livre se termine avec des choses absolument atroces; mais quand a fermé le livre, elle avait le sourire. C'est un gros coup de cœur!
@Manon<3 a également présenté "
Le Dieu des petits riens"
Elle rejoint Bloody Jack sur le côté déstabilisant. Elle avait dans un premier temps lu les 30 premières pages, puis fait une pause. Effectivement, il y a beaucoup de personnages, de lieux, de temps à repérer. Elle est néanmoins ravie de l'avoir lu!
On sait d'office qu'il y a un drame, même si l'autrice ne nous dit pas d'emblée de quoi il s'agit.
Nous avons à la fois la version de la sœur et la version adulte; le point de vue de narration reste externe. On ne sait pas ce que ressentent les personnages.
@Bloody Jack ajoute qu'on se traîne l'enclume des personnages. Il y a un gros secret de famille qui te met aussi mal que si c'était le tien.
@Manon<3 : les enfants ne comprennent pas tout. Les personnages sont loufoques et pleins de contradictions: un communiste chef d'entreprise et sado-maso; une fille religieuse et rigide qui va être raide dingue d'un prêtre; et bien sûr l'histoire des castes, très présente...
Les contrastes de l'Inde nous reviennent en pleine face.
Manon
a été très touchée par la façon dont ça a été écrit, en laissant un sentiment de "trop plein et pas assez en même temps".
Pourquoi le Dieu des petits riens? Plusieurs hypothèses; les petits riens sont aussi les petits biens parsemés dans le livre; les petits riens, c'est aussi cette multitude de petites choses qui font la vie, dans ce qu'elle a de meilleur et de plus amer...
Bref, ce livre est un trésor. Manon
nous explique que l'autrice a écrit le livre chapitre par chapitre, sans jamais modifier les chapitres précédents, ce qui explique certains passages un peu surprenants.
@Kallisto a présenté
"Fous de l'Inde" de Régis Airault
C'est l'histoire d'un psychiatre qui a bossé dans une ambassade en Inde, pour aider ceux et celles qui ont le syndrome de l'Inde. Ce dernier touche les occidentaux, surtout les jeunes: en gros, les gens pètent les plombs en arrivant en Inde. Ils-Elles brûlent leurs papiers, vivent dans des Ashram, développent des troubles psychologiques... L'auteur est prof de psychiatrie: il évoque un retour à l'enfance quand les gens vont en Inde.
Il cite plusieurs cas: une femme qui se retrouve dans un village reculé de l'Inde et qui y reste loin de tout, un tueur en série, des délinquants, des personnes toxicomanes...
Cela s'explique de plusieurs façons, notamment par la massification du tourisme en Inde.
Ce livre est plutôt un document scientifique: c'est intéressant, mais il faut supporter le blabla psy. Il porte néanmoins une réflexion sur la pensée indienne, avec des tableaux explicatifs des castes et des sous-castes. Les intouchables représentent ainsi 30% de la population, les sadou qui renoncent à vivre en société etc.
L'auteur tire son analyse de son passé professionnel: pendant 20 ans il a fait du rapatriement, bossé pour des agences de voyage, une ambassade...
Mais aussi
"India: un Britannique au coeur du Raj. 1900-1947" de Arundathi Virman.
C'est l'histoire de Malcolm Darling, un administrateur en Inde de la région natale du père de l'autrice*. Il avait une vision; les colonisateurs sont caca et l'indépendance est indispensable. Sauf que ce n'est pas si simple... Lui-même est un pur produit de l'Empire, il a des réflexes d'occidentaux. Il a toutefois beaucoup donné le pouvoir aux paysans. L'Inde n'est pas homogène: hindous, musulmans... Et à l'époque, on s'en fout des paysans! Malcolm Darling a lutté toute sa vie pour des coopératives avec un succès mitigé: la décision de se constituer en coopérative doit venir des gens, sinon ça ne fonctionne pas. Pour lui, l'Empire britannique sert de temps de préparation à l'indépendance. L'obtention d'icelle ne rend pas pour autant les choses simples. Il y a une partition entre la vision universaliste de Gandhi et la création d'un territoire indépendant: le Pakistan.
Les castes sont en théories supprimées mais dans les faits restent dures à abolir. Les droits des femmes sont complètement ignorés à l'époque. Globalement, l'indépendance de l'Inde a été mal gérée.
Malcolm a une femme, des enfants. Il déteste la société "anglo-indienne"; il a lui-même été le précepteur d'un prince hindou. Il meurt en 1969.
Le point de vue de l'autrice est très intéressant, puisque c'est la perspective d'une femme indienne sur la vie et le parcours d'un représentant de l'Empire.
* Merci à
@Kallisto de sa précision!
Moi-même,
@Graine, j'ai présenté "
La démocratie des autres" du (fabuleux) Amartya Sen
Il est prix Nobel d'économie et de bout en bout c'est un homme brillant.
C'est l'histoire de sa réflexion sur une idée simple: la démocratie n'est pas une invention grecque/occidentale. Simultanément à l'émergence d'expériences démocratiques dans certaines provinces de Grèce antique, des faits similaires ont eu lieu ailleurs dans le monde: en Afrique, en Asie (il cite notamment l'exemple de l'Inde).
Seulement... on n'en entend jamais parlé. Le but de son livre est donc, en s'appuyant sur des exemples, de s'opposer à l'idée que l'Occident a eu toutes les bonnes idées. Et si toutes les bonnes idées ne sont pas occidentales, raison de plus pour les considérer comme un bien commun donc chaque personne, chaque peuple peut se saisir et se réclamer.
Bref un très beau livre, court et pas compliqué mais ô combien précieux...
Voilà j'espère avoir rendu justice à mes camarades, et si ce n'est pas le cas: déso.