A côté de mon lieu de travail il y a toujours des SDF qui font la manche, on les connait bien à force de les cotoyer et même ceux qui ont l'air complètement cramés par l'alcool et la drogue se révèlent être plutôt sympathiques et drôles et gentils. Donc je fini souvent par discuter avec eux, de leur parcours etc. C'est impressionant et triste de constater qu'il y a milles façons de se retrouver à la rue et d'y rester et qu'évidemment à force de cotoyer la crasse on s'y enfonce toujours un peu plus. Les trois quart de ceux avec qui j'ai eu l'ocassion de discuter ne se droguaient même pas avant de finir là où ils sont. Et puis ça vient, petit à petit, alors qu'ils ont tous des parcours très différents et pas forcément très éloignés de la petite vie peinard qu'on mène.
Selon les jours les gens sont plutôt généreux, en une demi-journée ils peuvent se faire 50 - 60 euros en quatre heures; sans compter la bouffe que les gens leur donnent.
Hier je me suis fait sermonner par mon patron parce que je leur apporte des cafés (il fait sept degrés le matin bordel, faut être humain) et aujourd'hui les flics sont venus parce que la gérante du bureau de tabac devant lequel un SDF fait la manche les a appelés pour leur demander de venir le virer. Comme les keufs ne peuvent rien faire dans ces cas là, la gérante du bureau de tabac a jeté un bidon d'huile sur le sol, là où le type s'assoit pour mendier. C'est écoeurant, l'attitude de certaines personnes est parfois à vomir.
La plupart des mecs avec qui j'ai eu l'occasion de discuter choissisent de rester dans la rue, ils sont jeunes (moins de 35 ans), parfois on les voit tous les jours et puis ils disparaissent pendant des semaines. Quand je fume une cigarette avec eux je vois le regard obcène des passants, quand ils osent les regarder, c'est un mélange de haine et de mépris. La plupart des gens ne leur adressent même pas un sourire, ne répondent pas à leurs bonjours, ils sont une sorte de nuisibles invisibles.
Au quotidien je donne très peu aux SDF que je ne connais pas mais je suis toujours polie, je dis bonjour, non désolé, bon courage bonne journée, c'est la moindre des choses, un sourire et un mot gentil. Après j'essaie d'aider au mieux ceux que je connais, je leur donne à manger, à boire, des cigarettes, on discute, on s'écoute, enfin, des choses normales quoi. Je m'en fiche que l'argent que je peux leur donner finisse dans la boisson où la défonce, la générosité ne devrait pas être soutenue par la morale : on est généreux, point. Qu'ils utilisent ce qu'ils ont pour se faire du bien, moi je suis pas assistante sociale, je vais pas les sortir de la misère, je trouve ça très triste de savoir que si je ne vois pas J. pendant deux semaines c'est parce qu'il sniffe au fond d'un trou à rats et qu'il ne reviendra que lorsqu'il aura besoin d'argent pour recommencer son enfer. Mais c'est sa vie, pas la mienne, je me contente de compatir.