Voilà, premier topic du forum écriture (et du forum entier en fait ^^), le thème est vraiment bien je trouve, j'ai pas pu résister à l'envie de m'y mettre :
- Thème : Sur le banc.
Assise sur un banc de béton glacial, le regard absent fixé sur un point imaginaire dans l?horizon bariolé de couleurs mornes, assise face à l?inconnu, j?étais simplement là. Quiconque serait passé devant moi aurait pu lire dans mes yeux le poids de mes soucis et sentir la lassitude de mes soupirs, pourtant personne ne passa. Ici, c'était la perdition, c'était le malheur du monde, la tristesse et la mort tout à la fois, et tout cela résonnait entre les feuilles de ces arbres et s'imprimait dans la froideur de l'air. C?était un non-lieu, un endroit invisible, un repère, un antre, un soulagement : le banc des oubliés. Délaissés par un monde d?apparence et d?hypocrisie, un faux-monde dans une fausse réalité, de pâles fantômes trouvaient leurs derniers instants de bonheur dans la contemplation de l'horizon. Une beauté coloré, merveilleuse, m?appelant comme l?écho de l?espoir, peignant le paysage sublime du possible, retirant de l?abyme les peut être, les pourquoi, pour que ressurgissent nos certitudes. J?étais seule depuis des heures, perdue dans mon refuges de pensées et la vie avait comme suspendu son court pour me permettre de réfléchir. J?avais besoin de temps, mais les aiguilles trop pressées semblaient vouloir m?abandonner, je courais derrière elles en subissant les aléas d?une vie qui ne voulait pas m?attendre.
Minutes après minutes après minutes après minutes? Puis la minute décisive, celle sur laquelle on sait que tout va se jouer, après avoir oscillé précairement entre le oui et le non, le bien et le mal, on trouve la solution dans cette dernière minute. J?avais la mienne, et me levais, satisfaite, un sourire baigné de larmes se dessinant sur mes lèvres. Presque heureuse. J?avais quitté le banc, alors, je redevins comme une personne normale, anonyme, une passante dont on n?imagine pas qu?elle puisse avoir une vie ou autre chose à faire qu'inlassablement passer et repasser dans cette même allée, et je repris dans mon dernier souffle ma course effrénée contre l?existence. Je m?étais assise pour trouver des réponses : comment finirait l?histoire ? J?avais enfin trouvé, cela m?était apparu comme une évidence : je ne resterais pas pour le savoir.
Je marchais d?un pas lent tout en sentant malgré moi la persévérance du soleil face à la nuit qui imposait son règne. Le cycle avait repris, j?entrais dans cette ronde mal à l?aise, comme une intruse, inutile, une inconnue qui n?appartiendrait pas à ce monde. Je n?ai pas craqué, j?aurais pu faiblir, me retourner et me rasseoir, de nouveaux me sentir bien, à ma place, mais je ne l?ai pas fait. C?est ce que tous le monde voulait : que je me rassois, rejoignant les ombres de ceux qui ont perdu, ceux qui ont été semés lorsque l?accélération à été trop brusque. Pourtant, ce sont eux les gagnants malgré tout, ils ont trouvé la clé, les réponses, ils savent tout et ce savoir les rongent peu à peu. Le c?ur balafré de déception, l?espoir n?est pour eux qu?un vague mensonge, une idée floue et lointaine. Ce lieu, cette différence, est ce la punition de ceux qui ralentisse volontairement ? Ce n?est un endroit pour personne, et pourtant c?est là leur seule place.
Dans un dernier mouvement, je tournais la tête pour le regarder une dernière fois vers le banc de l?oublie dont la peinture était écaillée par la force du temps. Qui pouvait imaginer le pouvoir de ce lieu, l?impact de la vision que nous offrait cette simple place assise dans cette grande allée d?arbres autrefois feuillus. J?imprimais cette image dans ma mémoire pour la repeindre avec mes yeux d?un flot de remerciement silencieux, j?avais retrouvé le courage et je m?en sortirais. L'horloge ne m'effrayait plus.
Puis soudain, alors que la fin m?était dessinée comme évidente dans mon esprit, alors que mes pas s'étaient allongés comme pour fuir le plus vite et le plus loin possible, je croisais une autre âme vagabondant pied nus sur l?herbe mouillée. L'insouciance de l?enfance se reflétait dans de parfaites boucles brunes alors que son visage terne annonçait son désespoir. Je regardais ces yeux, pensant inexorablement y croiser le chemin d?un sourire enjoué, mais j?y lit, surprise, une immense déception, un désespoir transandant.... Une petite fille qui dans sa course naïve a trébuché. Soudain le dégout me refroidit le c?ur. Ce n?était pas sa place, la cruauté de l?homme avait poussé ainsi à ses premières années de bonheur, une enfant à se perdre dans les propres profondeurs de son âme ? C?est d?un geste franc que je saisis sa main et affrontant son regard vide et dénué d?expression, je la conduis lentement tout au bout du chemin, tout au bout de la vie, loin, là d?où on ne revient pas. C?est à la dernière minute, d?une vie cette fois, que j?ai enfin compris que l?enfant c?était moi. J?avais si longtemps hésité, si longtemps visité ce banc sans pouvoir me décider, enfin, j?étais prête, enfin, j?avais trouvé ma place. Sur cet immense pont que j?entrevoyais de mon banc lorsque mes yeux se perdaient dans l'horizon, je sautais a pieds joints dans mon océan de bonheur.