Je viens d'assister au cours d'anglais le plus hallucinant que j'ai jamais eu, et c'est pas peu dire !
Je vous dresse le tableau. Ma prof en est à sa dernière année d'enseignement. Elle est vieille, elle met toujours le même vieux pull hideux, et a la voix la plus insupportable qui ait jamais existé, une espèce de couinement aigu qui grince un peu, c'est atroce.
Au niveau du caractère, c'est pas mieux. Aucun humour, elle n'hésite pas à mettre les hommes sur un piédestal (on y reviendra, mais sachez qu'ils ne sont que cinq dans ce cours), et passe son temps à interroger les étudiants étrangers sur leurs pays respectifs. On a découvert au bout de quelques cours qu'elle était présente sur les listes du Front National depuis de nombreuses années.
Aujourd'hui, elle nous présente un texte sur le harcèlement sexuel au travail. Il s'agit d'une jeune financière "de haut vol", qui n'a même pas trente ans, qui gagne bien sa vie, qui est jolie comme tout (on a même droit à une photo nous présentant un belle blonde aux yeux bleus, très naturelle), et qui s'est fait mettre au placard sans raison professionnelle valable. Elle passe plusieurs mois en dépression, fini en hôpital psychiatrique avant de s'en sortir et de porter plainte contre son ancien patron. Elle affirme qu'il a essayé de la faire tuer par un professionnel russe, qu'il amenait des prostituées d'origine asiatique dans leur réunion de travail, et qu'il les a forcé, elle et une collègue, à se rendre avec lui dans un Strip Club avant de leur demander une danse privée.
La jeune fille se fait débouter par le juge faute de preuve.
En cours, notre rôle est de débattre : qu'aurions nous fait ? Aurait-on accédé à sa demande de dommages-intérêts ou non, et pourquoi ?
Et là, tout a dégénéré.
Quelques hommes annoncent qu'ils n'auraient eux non plus pas accédé à la demande de la jeune fille, faute de preuves et surtout vu l'improbabilité de l'engagement d'un tueur russe. Pour être honnête, je pense la même chose.
Puis certaines filles affirment qu'elles ne sont pas d'accord, qu'elles croient ce qu'avance la demoiselle, si ce n'est pour le tueur russe, au moins pour les faits de harcèlement sexuel, car on n'emmène pas une femme qui travaille pour nous dans un Strip Club, et tout le monde est d'accord. Sauf la prof.
"Oh, mais moi j'y suis allée dans des strip club, c'est très marrant, et je ne vois pas en quoi c'est dégradant pour les danseuses ou pour l'employée qui ont porté plainte."
Une jeune femme exprime un avis contraire, puis fini son propos avec humour en disant "Mais c'est bien connu, les hommes sont des porcs".
Un jeune homme, suite à ça, se lève, pointe le doigt vers l'étudiante, et lui hurle "Mais évidemment, parce que toi, tu es une
slut !" (tout se passe en anglais, bien sûr).
La prof explose de rire, hurle "Bravoooo !" en frappant des mains devant la classe consternée. Elle reprend "Ca alors, je n'aurais jamais cru que vous utilisiez ce mot, saviez-vous que c'est un vieux mot anglais ? C'est très bien que vous le connaissiez, je vais vous donner d'autres exemples ! Et jeune fille, vous n'allez quand même pas faire votre offusquée ! Vous êtes jolie, profitez-en, ce n'est pas avec une attitude comme ça que les hommes vont continuer à vous regarder !". Puis elle enchaine "Pour en revenir à l'affaire, ça me parait évidant que la jeune femme a tout inventé, vous avez vu sa tête ? Ca se voit qu'elle a trainé partout ! On le voit dans ses yeux, elle n'est pas du genre pudique, elle ! Et puis de toute façon, elle a un travail bien rémunéré, elle est jeune, elle n'est pas arrivé là par hasard enfin ! Et puis une danse privée dans un Strip club, c'est quand même pas bien méchant, appeler ça du harcèlement c'est une honte, elle n'a même pas été obligée de coucher !". Indignation générale, je vous passe la suite des débats, mais elle maintient sa position.
A la fin du cours, elle attribue des points bonus aux participants. On en vient à la jeune fille qui s'est fait insulté, et qui s'est défendue comme un beau diable pendant 20 minutes, en argumentant dans un anglais presque parfait : elle aura un point en plus.
On passe au jeune homme qui a lancé l'insulte et n'a rien dit d'autre de toute la séance... Et la prof lui accorde également un point, "parce que c'est un sacré mot que vous avez utilisé !".
C'est marrant, elle n'a pas entendu ma proposition de faire un concours d'insultes avant de se rouler dans la boue. Elle n'a pas voulu accorder de point pour avoir dit "supercalifragilisticexpialidocious", et pourtant ça, c'est un sacré mot !
Voilà, c'était un long récit mais j'avais besoin de m'offusquer encore une fois.