Je ne perçevais pas le terme nude comme discriminatoire. En fait, je ne pense pas à la couleur beige pâle, aux nuances rosées (la couleur de peau blanche donc) mais à une mode vestimentaire et une façon de se maquiller qui se veut la plus proche possible de sa carnation naturelle, quelle que soit sa couleur. Moi qui suis métisse, si je veux un effet nude dans mon maquillage je choisirais un fond de teint très discret et léger, et des vêtements tirant sur le marron et le beige.
Après, il est vrai que la mode est raciste et qu'il exclus inconsciemment pas mal de personnes. J'ai regardé le reportage et je l'ai trouvé criant de vérité. A force de lire des interviews de mannequins, de feuilleter les magazines de mode, de regarder ne serait que toutes les pubs qui nous sont exposées sont le nez dehors, les affiches, les films, les clips, mais aussi rien qu'en constatant la difficulté que j'ai eu pour trouver des coiffures et des soins qui me sont adaptés, ou du maquillage, ou bien encore en recevant certaines critiques du fait que mes cheveux soient vraiment touffus et que le lisse dérangeait moins, car synonyme d'uniformisation... En constatant certaines pratiques abbérantes telles que le blanchissement de la peau, en constatant que moi-même j'ai parfois des complexes avec mes cheveux, que des filles noires assimilent le lisse et le fait d'avoir la peau plus bronze qu'ébène avec la capacité à être integrée, à être belle...
J'aime la mode. J'ai appris à l'aimer et à voir qu'il y'avait autre chose au delà de l'aspect inaccessible de la haute-couture et de l'argent, de ces corps souvent trop lisses. Il y'a une source d'inspiration qui se renouvelle tout le temps, une philosophie, celle de s'assumer et de se valoriser à travers son corps et son allure, une recherche de la Beauté qui correspond à mes aspirations. Et c'est pour cela que je trouve déplorable, dommage et horrible qu'en 2010 pleins de personnes se sentent diminués et exclus par la forme d'élite à imposer au monde la mode, un monde parfait faits de muses Nabokoviennes élancées, ethérées et blondes, des espèces de clones qui se ressemblent tous. Que cette élite représenterait la beauté suprême, et qu'on gobe parfois inconsciemment ce leurre.
C'est vachement dommage, parce que ça descredite la mode aussi. Les choses vont changer je l'espère... Parce que peut-être que cette centralisation sur le fantasme occidental ou sur le fantasme de la minceur est ancrée, mais sa perpetuation commence à faiblir du fait d'une part, que des pays comme l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud et la Chine sont devenus importants et que les médias internationaux à diversifier leurs modèles esthetiques... Et d'autre part, à l'heure de l'utracommunication dans un monde où on peut facilement se déplacer, le métissage prend une part importante (loin de moi l'idée de faire la démago en disant blablabla le métissage c'est l'avenir c'est beau c'est bien c'est bio), et justement, fermer les yeux sur des catégories de population ne va plus pouvoir être possible, parce que les gens en ont marre.
Autre chose, j'ai vu dans le reportage que le mec disait "une fille blanche trempée dans le chocolat" pour imager le fait que les filles noires doivent avoir les critiques morphologiques de Caucasiens (nez, lèvres et hanches fines) pour passer sur les défilés. Je ne bondirais pas sur le côté discriminatoire du truc, je crois qu'il est assez évident, mais sur le fait que les magazines de mode formatent souvent des types de beautés, morphologies et créent les termes et l'image quasi virtuelle d'hommes et de femmes à qui ils renvoient. Exemple, la Ronde, une fille pas trop mince mais surtout pas grosse, juste avec des formes aux seins et aux hanches et surtout sans cellulite hein. Avec un look pin-up retro si possible. Bon, y'en a d'autres évidemment... Et y'en a tellement que le truc c'est que j'arrête de prendre leurs articles au serieux.