Raconte nous... Une histoire qui fait peur !

1 Janvier 2009
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On va essayer un nouveau format pour l'atelier écriture, je suis preneuse de toutes vos idées de thème, animation ou organisation.

Pour ces deux semaines, vous aurez pour mission de nous raconter une histoire qui fait peur. vous pouvez taper dans tous les registres qui vous viennent à l'esprit, fantastique, supernaturel, réaliste, tout ce que vous voulez, soyez créatives et effrayantes ! Bon courage ! :d
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J?ai appris ce matin une nouvelle désastreuse. Moi qui suis plutôt d?un naturel primesautier et bondissant, ça m?a ôté toute envie de bondir et de primesauter, et pourtant Dieu sait si il en faut. Je traînais, l??il torve, le mégot aux lèvres et le café à la main, le cheveu en bataille avec ma coutumière élégance matinale, évoquant plus la longue et cruelle agonie du mammouth le soir au fond de l?ère mésolithique que la primevère aux pétales frissonnants s?éveillant sous la caresse des rayons de l?aube printanière, lorsque l?on frappa à ma porte. J?ai horreur qu?on frappe à ma porte, surtout à l?heure des premières caresses des rayons de l?aube sur la primevère frissonnante. L?homme civilisé attend que les primevères aient cessé de frissonner, et utilise la sonnette pour se présenter à la porte de mon appartement. Surtout depuis que j?ai installé un joli carillon qui sonne sur l?air de la Traviata à grands frais et sans aucune utilité. Aussi, je n?allais pas ouvrir. Mais le rustre derrière la porte (je le haïssais déjà*; je hais tout ce qui bouge avant huit heures du matin.) s?acharnait à grands coups d?articulations inter phalangiennes sur le bois. Et pour cause. Il avait une nouvelle désastreuse à m?apprendre. Aussi, lassée de l?entendre martyriser ma porte, je me dirigeais vers l?entrée, heurtant au passage tout ce que je pouvais heurter. Les orteils cramoisis et le sourcil froncé, un rictus de douleur dégoulinant des lèvres, je me présentais à la porte, l?ouvris d?un grand coup, assénant par là un énième choc à mes pauvres doigts de pieds.

Elle était là, petite, tordue, son cireux visage sillonné de rides profondes. Dans son regard brillait une flamme glaciale, et lorsqu?elle le posa sur moi, une nausée tournoyante m?envahit, mon sang se glaça et je frissonnais*; à moins que ce ne fût le manque de caféine et l?horaire indu de sa visite. Elle tendit vers moi son doigt osseux, qui s?échappait d?une manche de chemisier en dentelle vieilli, le pointa sur mon c?ur battant, et croassa d'une voix aussi crispante que la Danse du Sabre sur accordéon discordant son inéluctable sentence.

«*Vous allez mourir.*»

Et pour peu que je ne me crusse aussitôt aspirée dans les abyssales limbes où elle m?avait appelée, le flou envahissant mon regard, les membres déjà figés dans leur ultime paralysie et la bouche entrouverte pour laisser passer mon dernier souffle duquel s?échappait encore un peu de la fumée de la cigarette que j?avais omis d?éteindre. Mais au lieu de l?infinie dégringolade, de l?escapade dans un long corridor sombre ou de la noble élévation de mon pur esprit, un bien réel son se matérialisa à mes oreilles.

«*Mamie, veux tu bien rentrer et cesser d?embêter les voisins.*»

Encore assez vivante dans mon impromptue agonie, j?aperçus une petite demoiselle sortant de l?ascenseur et saisissant la Parque par le bras. Ébahie des libertés qu?elle prenait avec une si terrifiante déité, je m?attendais à la voir s?écrouler à terre, frappée par la macabre puissance de l?apparition. Mais il n?en fut rien. Celle que j?avais pris pour la terrible annonciatrice de l?immédiate et irréversible cessation de ma terrestre existence lui sourit gentiment et se dirigea vers la cabine.

«*Excusez ma grand-mère, mademoiselle, me dit la jeune fille. Elle ne sait plus très bien ce qu?elle fait.*»

Et voyant la vieille dame occupée à dégonder la porte du local à vélo, elle se précipita vers elle et l?entraîna au loin. Je refermais la porte avec lenteur, encore toute chamboulée de cet entretien absurde. Bien que rassurée par ma jeune voisine sur les pouvoirs mortifères de la vieille, je ne pouvais oublier la constante prophétie qu?elle m?avait délivrée. J?allais mourir.
Non pas que je vinsse à peine de le découvrir. La chose était certaine, mais reléguée au fond de mon esprit comme une question hors d?actualité et d?intérêt, avec la découverte du sens de la vie et la façon de régler le problème de mon découvert. Mais lorsqu?on me le jetait ainsi en pleine face, avec autant de violence que le penalty percutant le crâne du gardien de but, ça prenait des airs de nouvelle désastreuse. De fait, c?est très mal élevé de rappeler ainsi aux gens leur mortalité, et même si il m?est personnellement arrivé de prier certains chauffeurs malavisés d?aller encastrer leur boîte crânienne ailleurs que dans la lunette arrière de ma voiture, l?homme civilisé évite de papoter du trépas de son prochain avec ledit prochain.

Je restais seule, avec la pensée de ma totale et certaine annihilation. Pendant deux jours je méditais ainsi, n?ayant plus goût à rien, tout étant devenu insipide du fait de son éphémérité.

Puis, mon incorrigible optimisme reprenant le dessus, je décidais peu à peu, puisque je ne pouvais éviter la confrontation avec la lame de la Grande Faucheuse, sauf à me lancer à corps perdu dans la recherche de la Pierre Philosophale, dont les laboratoires me piqueraient mesquinement de toute façon le brevet d?utilisation, de la retarder le plus possible. Me relevant de ma torpeur, je retournais alors mon appartement entier à la recherche de toute substance, de tout objet, de tout microcosme assassin dont la présence aurait pu arracher quelques centimètres de plus au fil de ma vie. Hors de ma vue, infâmes paquets de cigarettes aux écriteaux menaçants et goguenards. Adieu, la mort lente et douloureuse, adieu, le cancer mortel du poumon, adieu la baisse du taux de spermatozoïdes*! Quoique celle-ci, je m?en contrebalance un tant soit peu.
Loin de moi, la bouteille de vodka à consommer avec modération. Vade retro, le traître éthanol cirrhosant, le fourbe CH3-CH2-OH et sa cohorte d?hypertension artérielle, de cardiopathie, d?hypertension portale avec varices gastriques et ?sophagiennes, d?insuffisance veineuse*! Gayet-Wernicke ne passera pas*!

Dans mon élan vers une vie saine et longue, je m?attaquais alors au frigo. Au cachot, les acides gras saturés aux molécules insidieuses boucheuses d?artères, facteurs d?hypercholestérolémie abusive*! Même chemin pour le glucose mielleux et son armée de surpoids, de caries, de diabète, d?ostéoporose, de vieillissement prématuré, d?addiction mentale*! Et l?abject chlorure de sodium aux relents d?hypertension artérielle, hors d?ici tout à l?heure avant que je ne m?énerve.

A peine calmée par la destruction de ces puissants agents mortifères, je décidais de sécuriser au mieux mon milieu naturel. Après avoir passé la totalité de mon appartement à l?acide tannique, et manqué de m?éclater les astragales en épongeant mon plafond, je condamnais toutes les prises électriques et débranchais tous mes appareils. Outre la conjuration d?une probable électrocution, j?économisais par là même une énergie onéreuse et polluante nuisant à la qualité de l?air.

L?air*! Qu?il me fallait de même éviter à tout prix*! Les frères d?Azote, monoxyde et dioxyde, artisans de troubles respiratoires, de l?inflammation des voies aériennes et de l'augmentation de la sensibilité aux attaques microbiennes*; les chlorofluorocarbones, le méthane, le dioxyde de souffre, les particules en suspension de pollen, de métaux lourds, de chlore, de résidus radioactifs, imperceptibles empoisonneurs de mes bronches innocentes*!

Il ne restait qu?un seul meurtrier sous mes yeux, et je l?envoyais rejoindre sans attendre la horde de bandits chimiques, biologiques et industriels dont j?avais déjà purgé ma vie. Adieu donc, portable scélérat cachant sous tes multiples équipements rigolos et inutiles les terribles ondes foudroyantes et leurs cauchemardesques conséquences*: perturbation du cerveau, tumeurs du cerveau et de la glande parotide, dégénérescence de l??il, altération de la mémoire et de la formule sanguine*!

Là, mon masque à gaz sur le nez, enroulée dans ma couette antibactérienne, je me sentis enfin en sécurité. Seule, sans contact humain, sans occupation, sans clopes, sans musique, sans chocolat, ni saucisson, sans martini, sans bouger. Finalement, je décidais de me tuer.
 

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