Mon expérience dans le milieu de la restauration.
Milieu de l'année 2009, après quelques mois infructueux à la fac, je rentre chez moi, la queue un peu entre les pattes. Ces quelques mois constituent un échec, mais pas vraiment douloureux, car j'avais rencontré de nouvelles personnes, je m'étais faites quelques bonne copines, je m'étais bien amusée, c'était un peu comme rentrer d'un voyage.
Je décide de poursuivre un vieux rêve, celui d'être pâtissière. Pour ça, je dois passer une année de remise à niveau, apprendre le B.A.BA de la cuisine quoi. Je m'inscris donc à l'école hôtelière de ma ville d'origine, là ou j'étais au lycée, ville que je n'affectionne pas particulièrement, mais c'était plus simple pour tout le monde que je m'y installe, je crois. Je me trouve une place dans un restau (ou plutôt THE restau, le seul qui possède un macaron dans la ville), et emménage dans un petit appartement, juste à côté du restaurant.
A cette époque, j'étais vraiment motivée, je m'imaginais déjà pâtissière française au Japon, je voulais m'investir à fond là dedans, j'avais retrouvé toute ma confiance en moi, celle que j'avais perdu au collège. Je croyais être prête.
Pourtant, on m'avais prévenue, "la cuisine, c'est pas facile pour une fille, c'est un milieu macho, il faut avoir la tête dure, si tu veux te faire une place". J'avoue qu'une part de moi même doutais de mes capacités, mais j'ai décidé de ne pas m'écouter, et de tenter l'aventure.
La première semaine de travail était assez prometteuse : tout le monde était assez gentil, m'expliquait plus ou moins ce que je devais faire, et malgré une ambiance assez tendue pendants les rush, j'étais contente. On m'avait placé au poste des apéritifs, sous les ordres d'un commis qui partait à la fin de la semaine.
Mais voila, une fois ce type parti, tout à changé. Le second à brusquement haussé le ton, tout d'abord en me chambrant parce que je ne faisais pas bien, et finissant au bout de quelques semaines par carrément m'insulter quand je n'étais pas assez efficace. Le premier mois, je ne me suis pas vraiment inquiétée, me rappelant qu'on m'avait prévenue, et que je m'étais promise de ne pas pleurer. Les 4 mois qui ont suivi, c'était la seule phrase qui résonnait dans ma tête avant, pendant et après le travail. Ne pleure pas. Ne pleure surtout pas.
Mais je n'ai pas réussi. J'ai fini par pleurer, et c'était pire que ce que je croyais.
Quand je terminais mon service, quelques heures qui me paraissaient une éternité, je rentrais chez moi, et je me retrouvais seule, seule avec toutes les horreurs que je venais de subir pendant 5h. Et la je pleurais, pendant encore des heures. Si je rentrais à minuit, je ne dormais pas avant 2 ou 3h. Je crois qu'à une période, j'ai fini par ne même plus me rendre compte de ce qu'était devenue ma vie. Plus les jours passaient, plus j'avais peur, plus j'avais mal, plus j'angoissais à l'idée d'aller travailler.
Je n'ai parlé à personne, pendant 4 mois, de ce qui se passait au restaurant. Je ne voulais pas décevoir mes parents, surtout pas. Je voulais leur montrer que j'étais forte.
J'ai fini par aller voir le chef, pour lui dire que je n'en pouvais plus, que le second et moi ne nous entendions pas bien, que je voulais trouver une solution. Il m'a gentiment envoyé bouler, en me disant que c'était une baisse de tension, et que je n'étais pas une enfant (sympathique technique de culpabilisation). Désespérée, j'ai continué à encaisser toutes les saloperies que le second me hurlait 10h par jour. "T'est qu'une merde, tu fais que de la merde, tu sers à rien, casse toi, bouge toi, ne viens pas ici, viens ici, ferme la, arrête de sourire, t'as l'air conne, putain mais qu'est ce que tu fous la, rentre chez toi, bonne à rien, incapable", gentilles remarques doublées d'allusions sexuelles et dégueulasses à chaque fois qu'il en avait l'occasion. Le pâtissier du restaurant s'y est mis aussi, en rajoutant la note du racisme. Joyeuse ambiance qui m'à littéralement détruite.
J'ai fini par démissionner, au bout du rouleau. J'étais tellement vidée que je me rappelle avoir menti, un jour, pour ne pas aller travailler. Et, comme une enfant, j'ai demandé à mon père de venir me chercher. Je me rappelle du jour ou je l'ai appelé, en pleurs, d'une cabine téléphonique, quelques minutes avant de prendre mon service. J'étais terrorisée. Je criais au téléphone, je bégayais, et entre deux hoquets, je lui ai dit que je ne POUVAIS pas y aller, que mes pieds ne voulaient même plus me porter jusqu'au restaurant. J'ai démissionné quelques jours plus tard.
Je suis partie habiter à Montpellier à la suite de ça, avec mon petit ami. Malgré le soulagement que j'ai ressenti d'avoir quitté cet enfer, j'ai vite sombré dans une grande dépression (qui à en fait commencé bien avant que je quitte ce restaurant). Il était trop tard, j'étais vidée, un véritable fantôme. Je n'avais plus gout à rien, je n'avais envie de rien, ce n'est même pas que j'avais envie d'aller mal , et de me morfondre, c'est que malgré ma volonté, rien ne me faisait envie. Je ne voulais pas sortir, je savais pas quoi faire, je tournais en rond, tous les jours. Il m'est arrivé de passer plus d'un jour entier dans le lit, les yeux rivés sur le plafond, en me demandant ce que j'allais faire. Je ne savais plus pourquoi je me levais le matin, pourquoi je me couchais le soir, je ne savais plus pourquoi je respirais, pourquoi mon cerveau tournait. Je ne sentais plus mon corps, et encore moins mon esprit. J'avais littéralement l'impression d'être vide. Je n'étais même plus humaine, juste une espèce d'ombre, qui flottait, errait, sans but, en attendant la fin. Je me suis mise à penser au suicide, sincèrement, sans colère, juste comme une solution à tout. J'avais envie de mourir, je ne voulais plus me trimbaler, j'étais fatiguée, exténuée. Quand je pensais à la mort, je souriais, je me disais "quel soulagement, de ne plus rien ressentir". Mais je n'avais pas le courage de mes convictions, et je passais mes jours à pleurer, à me détester pour ne pas oser sauter de cette fenêtre. Je me détestais d'être aussi faible. Et comme toutes les autres fois, j'essayais de cacher ce qui se passait. Je pleurais en disant que je ne savais pas pourquoi, en disant que je n'avais rien.
Finalement, un jour, mon père m'appelle en me disant qu'il voudrait que je rentre à la maison, avec mon copain, qu'il voudrait nous parler. Il voulait en fait discuter de l'année qui arrivait, de ce que je comptais faire, et s'inquiétait de mon manque d?intérêt pour mes futures études. Au lieu d'une discussion sur mes études, mes parents ont eu droit à la vérité sur mon état psychologique. Au bout de quelques minutes, j'ai explosé en pleurs, je leur ai dit. Et je crois qu'ils sont vraiment tombés sur le cul, comme qui dirait. Je crois que même mon copain ne s'y attendait pas.
Aujourd'hui, je vais mieux, c'est indéniable, mais les cicatrices de cette époque, je les ai encrées bien profond en moi. Et elles sont si fragiles. A la moindre occasion, elles se rouvrent, et avec elles le gouffre dans lequel je tombe si souvent. Au moindre coup de gueule trop violent, à la moindre injustice, que ce soit contre moi ou une tierce personne, à la moindre remarque que j?interprète mal. Cette période m'a franchement affaiblie. J'ai eu beaucoup de mal à sortir de l'état dans lequel j'étais alors.
Je ressens beaucoup de colère contre les personne de ce restaurant, beaucoup de colère et beaucoup de pitié. Je leur en veux, je leur en voudrais toujours, d'avoir fait de moi ce que je suis quelquefois encore aujourd'hui. Je les tiens pour responsables de la confusion que je ressens, par rapport à mes études, mais surtout par rapport à moi même. J'y ai perdu de mon identité, dans ce restaurant. J'ai du mal à savoir qui je suis, ou je vais, quelle est ma place, et c'est de leur faute. La haine que je ressens envers eux ne me pourrit pas la vie, ne me rend pas plus malheureuse, car je m'en voudrais toujours plus à moi. Il y à tellement de mots que j'aurais du leur dire, tellement de choses que j'aurais du faire, et je suis sûre que si j'avais eu une meilleure expérience, j'aurais continué dans la restauration.
En attendant, mon rêve d'être pâtissière est détruit, je ne veux plus entendre parler de travail dans un restaurant.
Milieu de l'année 2009, après quelques mois infructueux à la fac, je rentre chez moi, la queue un peu entre les pattes. Ces quelques mois constituent un échec, mais pas vraiment douloureux, car j'avais rencontré de nouvelles personnes, je m'étais faites quelques bonne copines, je m'étais bien amusée, c'était un peu comme rentrer d'un voyage.
Je décide de poursuivre un vieux rêve, celui d'être pâtissière. Pour ça, je dois passer une année de remise à niveau, apprendre le B.A.BA de la cuisine quoi. Je m'inscris donc à l'école hôtelière de ma ville d'origine, là ou j'étais au lycée, ville que je n'affectionne pas particulièrement, mais c'était plus simple pour tout le monde que je m'y installe, je crois. Je me trouve une place dans un restau (ou plutôt THE restau, le seul qui possède un macaron dans la ville), et emménage dans un petit appartement, juste à côté du restaurant.
A cette époque, j'étais vraiment motivée, je m'imaginais déjà pâtissière française au Japon, je voulais m'investir à fond là dedans, j'avais retrouvé toute ma confiance en moi, celle que j'avais perdu au collège. Je croyais être prête.
Pourtant, on m'avais prévenue, "la cuisine, c'est pas facile pour une fille, c'est un milieu macho, il faut avoir la tête dure, si tu veux te faire une place". J'avoue qu'une part de moi même doutais de mes capacités, mais j'ai décidé de ne pas m'écouter, et de tenter l'aventure.
La première semaine de travail était assez prometteuse : tout le monde était assez gentil, m'expliquait plus ou moins ce que je devais faire, et malgré une ambiance assez tendue pendants les rush, j'étais contente. On m'avait placé au poste des apéritifs, sous les ordres d'un commis qui partait à la fin de la semaine.
Mais voila, une fois ce type parti, tout à changé. Le second à brusquement haussé le ton, tout d'abord en me chambrant parce que je ne faisais pas bien, et finissant au bout de quelques semaines par carrément m'insulter quand je n'étais pas assez efficace. Le premier mois, je ne me suis pas vraiment inquiétée, me rappelant qu'on m'avait prévenue, et que je m'étais promise de ne pas pleurer. Les 4 mois qui ont suivi, c'était la seule phrase qui résonnait dans ma tête avant, pendant et après le travail. Ne pleure pas. Ne pleure surtout pas.
Mais je n'ai pas réussi. J'ai fini par pleurer, et c'était pire que ce que je croyais.
Quand je terminais mon service, quelques heures qui me paraissaient une éternité, je rentrais chez moi, et je me retrouvais seule, seule avec toutes les horreurs que je venais de subir pendant 5h. Et la je pleurais, pendant encore des heures. Si je rentrais à minuit, je ne dormais pas avant 2 ou 3h. Je crois qu'à une période, j'ai fini par ne même plus me rendre compte de ce qu'était devenue ma vie. Plus les jours passaient, plus j'avais peur, plus j'avais mal, plus j'angoissais à l'idée d'aller travailler.
Je n'ai parlé à personne, pendant 4 mois, de ce qui se passait au restaurant. Je ne voulais pas décevoir mes parents, surtout pas. Je voulais leur montrer que j'étais forte.
J'ai fini par aller voir le chef, pour lui dire que je n'en pouvais plus, que le second et moi ne nous entendions pas bien, que je voulais trouver une solution. Il m'a gentiment envoyé bouler, en me disant que c'était une baisse de tension, et que je n'étais pas une enfant (sympathique technique de culpabilisation). Désespérée, j'ai continué à encaisser toutes les saloperies que le second me hurlait 10h par jour. "T'est qu'une merde, tu fais que de la merde, tu sers à rien, casse toi, bouge toi, ne viens pas ici, viens ici, ferme la, arrête de sourire, t'as l'air conne, putain mais qu'est ce que tu fous la, rentre chez toi, bonne à rien, incapable", gentilles remarques doublées d'allusions sexuelles et dégueulasses à chaque fois qu'il en avait l'occasion. Le pâtissier du restaurant s'y est mis aussi, en rajoutant la note du racisme. Joyeuse ambiance qui m'à littéralement détruite.
J'ai fini par démissionner, au bout du rouleau. J'étais tellement vidée que je me rappelle avoir menti, un jour, pour ne pas aller travailler. Et, comme une enfant, j'ai demandé à mon père de venir me chercher. Je me rappelle du jour ou je l'ai appelé, en pleurs, d'une cabine téléphonique, quelques minutes avant de prendre mon service. J'étais terrorisée. Je criais au téléphone, je bégayais, et entre deux hoquets, je lui ai dit que je ne POUVAIS pas y aller, que mes pieds ne voulaient même plus me porter jusqu'au restaurant. J'ai démissionné quelques jours plus tard.
Je suis partie habiter à Montpellier à la suite de ça, avec mon petit ami. Malgré le soulagement que j'ai ressenti d'avoir quitté cet enfer, j'ai vite sombré dans une grande dépression (qui à en fait commencé bien avant que je quitte ce restaurant). Il était trop tard, j'étais vidée, un véritable fantôme. Je n'avais plus gout à rien, je n'avais envie de rien, ce n'est même pas que j'avais envie d'aller mal , et de me morfondre, c'est que malgré ma volonté, rien ne me faisait envie. Je ne voulais pas sortir, je savais pas quoi faire, je tournais en rond, tous les jours. Il m'est arrivé de passer plus d'un jour entier dans le lit, les yeux rivés sur le plafond, en me demandant ce que j'allais faire. Je ne savais plus pourquoi je me levais le matin, pourquoi je me couchais le soir, je ne savais plus pourquoi je respirais, pourquoi mon cerveau tournait. Je ne sentais plus mon corps, et encore moins mon esprit. J'avais littéralement l'impression d'être vide. Je n'étais même plus humaine, juste une espèce d'ombre, qui flottait, errait, sans but, en attendant la fin. Je me suis mise à penser au suicide, sincèrement, sans colère, juste comme une solution à tout. J'avais envie de mourir, je ne voulais plus me trimbaler, j'étais fatiguée, exténuée. Quand je pensais à la mort, je souriais, je me disais "quel soulagement, de ne plus rien ressentir". Mais je n'avais pas le courage de mes convictions, et je passais mes jours à pleurer, à me détester pour ne pas oser sauter de cette fenêtre. Je me détestais d'être aussi faible. Et comme toutes les autres fois, j'essayais de cacher ce qui se passait. Je pleurais en disant que je ne savais pas pourquoi, en disant que je n'avais rien.
Finalement, un jour, mon père m'appelle en me disant qu'il voudrait que je rentre à la maison, avec mon copain, qu'il voudrait nous parler. Il voulait en fait discuter de l'année qui arrivait, de ce que je comptais faire, et s'inquiétait de mon manque d?intérêt pour mes futures études. Au lieu d'une discussion sur mes études, mes parents ont eu droit à la vérité sur mon état psychologique. Au bout de quelques minutes, j'ai explosé en pleurs, je leur ai dit. Et je crois qu'ils sont vraiment tombés sur le cul, comme qui dirait. Je crois que même mon copain ne s'y attendait pas.
Aujourd'hui, je vais mieux, c'est indéniable, mais les cicatrices de cette époque, je les ai encrées bien profond en moi. Et elles sont si fragiles. A la moindre occasion, elles se rouvrent, et avec elles le gouffre dans lequel je tombe si souvent. Au moindre coup de gueule trop violent, à la moindre injustice, que ce soit contre moi ou une tierce personne, à la moindre remarque que j?interprète mal. Cette période m'a franchement affaiblie. J'ai eu beaucoup de mal à sortir de l'état dans lequel j'étais alors.
Je ressens beaucoup de colère contre les personne de ce restaurant, beaucoup de colère et beaucoup de pitié. Je leur en veux, je leur en voudrais toujours, d'avoir fait de moi ce que je suis quelquefois encore aujourd'hui. Je les tiens pour responsables de la confusion que je ressens, par rapport à mes études, mais surtout par rapport à moi même. J'y ai perdu de mon identité, dans ce restaurant. J'ai du mal à savoir qui je suis, ou je vais, quelle est ma place, et c'est de leur faute. La haine que je ressens envers eux ne me pourrit pas la vie, ne me rend pas plus malheureuse, car je m'en voudrais toujours plus à moi. Il y à tellement de mots que j'aurais du leur dire, tellement de choses que j'aurais du faire, et je suis sûre que si j'avais eu une meilleure expérience, j'aurais continué dans la restauration.
En attendant, mon rêve d'être pâtissière est détruit, je ne veux plus entendre parler de travail dans un restaurant.