Peut-être aussi pcq je pense que c'est l'éducation qui peut nous aider à changer notre condition (pas pour rien que les pires régimes interdisent l'école aux femmes) mais ce truc de Ken qui est le seul à avoir le réflexe de lire des livres pour trouver une solution me révolte.
Ken choisit des livres qui servent son intérêt, pas à mieux comprendre le monde. Il n’est pas du tout dans une démarche éducative. D’ailleurs il ne comprend même pas ce qu’il lit puisqu’il croit que le patriarcat a rapport avec les chevaux, donc on ne peut pas dire qu'il soit vraiment dans une démarche éducative et intellectuelle.
Sinon je pense aussi que c’est important de rappeler que pour avoir accès au savoir et passer du temps en bibliothèque, il faut en avoir les moyens et l'espace. Ken n’a rien à faire de ses journées dans le monde réel, il a tout le temps de chercher des livres d’auto-validation. Barbie, elle, est en mode survie et a un problème urgent à régler (je ne vois pas comment elle aurait trouvé la réponse à son problème en bibliothèque). Quant à l’éducation, aux livres et au savoir, de nombreuses Barbies y sont associées. Une est littéralement Prix Nobel de littérature dans son monde, donc je ne pense pas que Ken soit le seul à avoir le réflexe de lire des livres "pour trouver une solution". Le savoir n'est pas qu'écrit non plus : une fois le coup d'Etat en place, ce sont d'autres femmes (l'employée Mattel et sa fille d'abord, puis les autres Barbies) qui transmettent leur savoir aux Barbie et exposent leurs paires à un discours féministe, c'est une autre forme d'éducation.
Ensuite pour revenir à un autre sujet, pour ce qui est de Barbie qui pleure, je trouve ça assez curieux de le relever comme un point négatif étant donné que Ken pleure aussi dans le film et que son coup d’Etat patriarcal puis l’échec du coup d’Etat c’est justement parce qu’il ne sait pas gérer ses émotions
Alors ça ne fait pas de Barbie un film ultra féministe mais je trouve un peu bizarre de voir du sexisme dans ces points du film.
Peut-être que Greta Gerwig aurait pu faire un film tenant compte de la façon dont on joue avec barbie, et pas juste le produit? Parce que quand je jouais, c'était pas joli-joli! Mattel n'aurait pas approuvé tous les sévices que j'ai pu leur faire subir, et je ne parle pas de coupes de cheveux hasardeuses.
Tu as vu le film? Parce que c’est justement traité dedans
@Alzire En vrai, je suis totalement d’accord avec ta critique, il y a un côté défouloir dans ce film qui est assez jouissif au fond, même si c'est du défouloir pop-corn, il a un côté préservé du not all menparce que je pense que les hommes ne pensent pas spécialement à défendre leur place dans le monde des Barbie donc la réalisatrice peut plus facilement les basher en soum-soum
Littéralement aucun homme n’est utile ou futé dans ce film, même le père qui est probablement le personnage masculin le plus positif est juste bon à faire son Duolingo (avec des résultats pas ouf) pendant que sa femme et sa fille sauvent le monde
Et si à la fin, il y a une morale qui semble un peu convenue avec Barbie qui dit qu’elle aurait dû faire plus attention à Ken et lui laisser plus de place (conclusion destinée j’imagine à éviter les accusations de sexisme inversé), la scène d’après on a quand même la présidente qui refuse de laisser une place à la Cour suprême aux Ken en disant que c’est quand même un peu too much
Ken qui n’ont d’ailleurs pas eu leur mot à dire sur la constitution et leur place dans la société. Donc on a une ébauche de « la misandrie c’est pas bien » avec la réalisatrice répond un peu en sous-texte « c’est pas bien… oui et donc? »
Je trouve que c’est un des trucs originaux du film pour un truc aussi grand public. Dans la plupart des films inventant une société où la domination genrée est inversée (où les hommes vivent le sexisme dans une société dominée par les femmes), les œuvres se contentent de tout inverser de manière assez littérale. On a donc des femmes imprégnées de valeurs vues comme « masculines » par notre société (avec une sexualité agressive, faisant des blagues lourdes, délaissant leur famille, etc.) qui dominent des hommes jouant un rôle « féminisé », qui sont parfois même mis en scène ayant leurs règles et accouchant. La plupart des créateurs semblent avoir beaucoup de mal à imaginer une société où des codes traditionnellement « féminins » seraient les valeurs dominantes de la société et celles qui donnent le pouvoir. Greta Gerwig tente justement de mettre en scène un monde comme ça, et c’est la première fois que je vois ça dans une oeuvre commerciale je pense.
Je pense aussi que c’est important de rappeler que beaucoup de femmes passent par des phases diverses dans leur vie en ce qui concerne leur rapport à la culture dite féminine.
A une époque de notre vie, je pense qu’on est beaucoup à avoir cherché à s’aligner sur les représentations masculines et à nous distancier des représentations féminines par diverses manières, ce qui nous poussait à adopter des « goûts » masculins et rejeter tout ce qui semblait cibler les femmes, parce que ça nous paraissait être une manière protester contre le sexisme envers les femmes et de résister à la place qu'on nous assignait : revendiquer ce qui est estampillé « masculin » semble être une manière de revendiquer le pouvoir réservé aux hommes.
Puis je pense que de nombreuses jeunes femmes passées par ce stade de "rejet" passent ensuite par une phase où elles ne supportent plus qu’on méprise tout ce qui est vu comme féminin et se mettent à revendiquer tout ce qui est extrêmement « féminin », en « assumant », comme une façon de réhabiliter l’étiquette « féminin ». C’est pour ça que des films comme La Revanche d’une blonde ont un statut culte : le personnage principal reprend tous les codes des clichés féminins qui sont tournés en ridicule et les réinvestit positivement. C'est d'ailleurs même une des raisons pour laquelle j'avais mis "Girly" dans mon pseudo quand je me suis inscrite ici il y a plus d'une dizaine d'années. C'était presque une position politique pour moi de dire : j'adore les comédies romantiques, je mets des T-shirts rose bonbons et des paillettes, j'écoute les boys bands de mon enfance, parce que je refuse que ce qui est associé aux femmes soit considéré comme nul alors que ce qui est associé aux hommes est considéré comme ayant de la valeur. Beaucoup de jeunes femmes passent par cette phase.
L’esthétique hyper-girly de Barbie, c’est justement un des trucs ridiculisés, car "trop féminin". Le film rend sympathique cette esthétique hyper girly et autorise les spectatrices qui le souhaitent à la revendiquer, en inverse la tendance pour se moquer à l'inverse d'un cliché d'esthétique masculine. Oui, on a vraiment du cliché girly dégoûlinant dans le film, mais je pense que ça fait aussi partie du charme pour de nombreuses spectatrices, de leur dire : mais pourquoi pas? Et en même temps, il y a quand même du second degré, car les Barbie hyper girly sont à la fois présentées comme des personnages investis de valeurs positives ET quand même porteurs d'éléments critiquables d'un point de vue féministe (exemple du moment où Barbie confond les Miss USA du monde réel avec les juges de la Cour Suprême Barbie).
Bref, j'ai du mal à voir le souci avec ce film, surtout dans un univers culturel où le sexisme est encore à tous les coins de rue. C'est une escapade à paillettes où on peut s'autoriser à voir des femmes vivre sans aucun des risques et problèmes de notre monde.