Je viens ici pour clamer toute l'aversion que je suis en train de ressentir à la lecture du premier tome d'une trilogie, qu'on m'a passé récemment :
"Polynesia" de
Jean-Pierre Bonnefoy
L'auteur est donc un professeur d'université, avec plusieurs disciplines pointues à son actif... on serait donc en droit d'en attendre un minimum sur la qualité du récit, ou sur sa capacité à éviter les clichés...
Ce serait trop demander apparemment.
La seule chose positive, c'est l'aspect polynésien, le monsieur est visiblement passionné par cette culture et par les iles, et ce sont d'ailleurs les seuls aspects du récit qui restent agréables.
Pour le reste...
Je vous passe sur le style alambiqué, poussif, en un mot,
chiant, de son texte. Ce n'est même pas du à la complexité du scénario, même s'il se passe sur trois époques très éloignées les unes des autres, ça reste assez simple. L'idée de base en fait est même intéressante, mais il se perd en descriptions et en redondances.
Les incohérences scientifiques, bon, passe encore. Son goût pour l'ésotérisme, et les grandes tirades illuminées en mode "je vois la lumière", passe aussi.
Mais alors par contre, son sexisme latent qui fait qu'il semble incapable de projeter des réels changements dans une société d'un futur très éloigné (50 siècles !), là c'est plus discutable.
Les personnages féminins sont quasiment tous secondaires, en état de victimes ou de parures d''arrière-plan, quand ce ne sont pas les deux.
J'ai commencé à tiquer au début, quand après une description assez réaliste d'un pêcheur sur une pirogue, il nous sort juste après, pour parler de la femme qui l'accompagne, un véritable fantasme sur les vahinés en guise de portrait.
Merci aussi le cliché de la femme qui devient complètement stupide au contact du héros, quand bien même elle était décrite comme intelligente et exceptionnellement pro, mode "ces êtres faibles et tellement soumis à leurs émotions".
Son penchant sordide pour n'utiliser les femmes qu'à des fins de fantasmes (toutes les femmes de l'histoire sont des bombes sexuelles en déambulation), là ça devient franchement pénible.
Mais le pire reste quand il
ose carrément érotiser le viol puis la mise à mort.
De façon totalement gratuite, sans que ça n'ait aucune utilité réelle sur l'intrigue principale, il nous fait subir une horrible scène de viol, décrite dans les moindres détails et de façon nettement érotique, absolument pas du point de vue de la victime.
Et au passage, il nous agrémente de cette formidable phrase (lâchée de façon très anodine une page avant la mort effective, sensée excuser ce qui va se passer peut-être ?)
"Seule la mort pouvait la laver de ce qu'on venait de lui infliger".
(Et je vous épargne le détail de sa mort, qui ressemble là aussi à un odieux fantasme porno.)
Merci la culture du viol dans toute sa splendeur !
D'ailleurs, relent de slut-shaming aussi, car comme "par hasard", les différents personnages féminins qui meurent dans l'histoire sont aussi celles qui ont osé être entreprenantes à un moment sexuellement (exception faite de la femme légitime, qui est la seule encore en vie).
Franchement, je suis si écœurée que j'hésite à finir le tome (et la suite n'en parlons pas). Le passage du viol arrive dans le dernier tiers du premier tome, et jusqu'ici, j'avais trouvé le texte surtout ennuyant, mais là c'est carrément révoltant.
Le pire, c'est que visiblement très peu de personnes ont tilté sur ces aspects profondément sexistes et violents du roman, les critiques ont eu l'air de s'extasier sur l'aspect polynésien et ont totalement occulté le reste.