Pour les personnes que ça intéresse, en prenant un éventail plus large, c'est-à-dire les drogues en général, sur arte il y a un très bon documentaire en trois partie, l'histoire de la drogue. Il y avait aussi une série de documentaires sur l'expérience de la prohibition de l'alcool aux USA mais plus longue mais malheureusement elle y est plus sur Arte, mais ça montre bien comment la production illégale d'alcool a entraîné une augmentation de la consommation de l'alcool chez certains usagers, les dégâts sanitaires provoqués par de l'alcool de mauvaise qualité et la montée de la corruption.
Comment, deux siècles durant, les pouvoirs en place ont fait naître et prospérer le commerce des drogues, envers occulté du libre-échange. Cette fresque dense et limpide pulvérise les idées reçues en démontrant l'impasse de la prohibition.
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Les drogues légales, comme la cigarette et l'alcool ont des effets dévastateurs, c'est certain, mais je pense que c'est surtout parce que la publicité est autorisée et qu'elles sont encensées dans notre culture. Pour la cigarette, par exemple, on voit bien dans les pays où on a banni la publicité et l'aspect marketing (à l'aide des emballages uniformisés) , augmenter le prix, il y a eu une diminution de la consommation de la cigarette, en particulier dans les jeunes générations.
Je peux comprendre les réticences à légaliser le cannabis s'il l'on s'imagine de prendre la voie qui a été prise pour la cigarette et l'alcool, mais pourquoi devrait-on faire pareil? On peut rendre le cannabis légal tout en interdisant la publicité autour. Je préfère que les consommateurs de cannabis utilisent un produit qui est régulé (sa composition serait contrôlée) dans un marché régulé, qui n'enrichit pas des filières aux pratiques violentes. Je préfère que le vendeur de cannabis ait des conditions de travail contrôlées, puisse cotiser au lieu qu'un bassin de personnes précaires financièrement/irrégulières soient exploitées par des réseaux, qui s'en servent sans scrupule et dès qu'elles sont arrêtées, sont remplacées par d'autres personnes.
Et puis, aujourd'hui, c'est quel type de consommateur qui se fait arrêter par la police? C'est en général des personnes marginalisées et/ou racisées, on s'intéresse plus à la consommation qui se passe des quartiers "chauds". C'est le cliché du consommateur de cannabis, mais en vrai, le cannabis se consomme dans toutes les couches sociales. Les personnes blanches, appartenant à des cercles sociaux privilégiées ne courent presque aucun risque à cause de leur consommation. Évidemment cette différence de traitement répond à des logiques politiques et socio-culturelles et sont injustes. Les personnes qui consomment du cannabis dans mon entourage n'encourent que des risques minimes au niveau légal parce qu'elles n'ont pas le profil type pour se faire contrôler, n'ont aucun problème pour se procurer du cannabis, il n'y a même plus besoin d'aller dans les endroits "craignos", on peut se faire livrer tranquillement ça chez soi. Et c'est pareil pour des drogues comme la cocaïne etc.
De ce que je vois autour de moi et de ce que j'ai vu en tant qu'adolescente, la facilité à pouvoir consommer du cannabis en étant mineur, j'ai de la peine à comprendre les opposants à la légalisation du cannabis. Certes, le cannabis n'est pas légal, mais son accès n'est pas un problème et on peut dépenser des sommes folles pour tenter d'enrayer tout ça, ça n'arrangera rien. La seule chose que ça va changer, c'est que les réseaux vont juste s'adapter, trouver de nouvelles manière de fournir leurs clients et exploiter encore plus ceux qui sont en bas de la chaîne pour la vente du cannabis. Le documentaire d'arte sur l'histoire de la drogue montre très bien ce phénomène, pour les drogues dures. Pour moi, les filières de drogues illégales, c'est une des formes du capitalisme sauvage les plus achevées, avec la complicité d'un système financier international très dérégulé et de nombreux politiciens corrompus. C'est un système qui sort des frontières nationales, qui coûte la vie à bien trop de personnes, que ce soit les consommateurs ou ceux qui sont exploités par les narcotrafiquants.
Je sais que je m'éloigne du sujet en parlant des drogues illégales de manière générale, mais au niveau des filières qui existent et son fonctionnement dans nos sociétés, je ne vois pas beaucoup de différence entre le cannabis et les drogues plus dures, d'où mon parallèle.
La légalisation doit se poser comme une voie pour sortir des nombreux problèmes socio-économiques que posent l'absence complète de régulation des filières illégales de la drogue et le constat que le jeu du chat et la souris entre les forces policières et les narcotrafiquants est un échec complet, tout en marginalisant les personnes exploitées et les consommateurs. Les dépendants ont beaucoup plus de difficultés à avoir accès à des soins médicaux pour être sevrés, et à nouveau, être marginalisé, rend la chose encore plus impossible. Les cliniques privées de détox s'adressent aux plus privilégiés. D'autant plus que la dépendance à une ou des drogues a souvent comme origine des problèmes de santé mentale. L'accès au suivi psychologique pour éviter de retomber dans une addiction et pour pouvoir soigner sa santé mentale est de nouveau conditionnée aux moyens socio-économiques des addicts.
Donc je pense que dans l'idée de légaliser le cannabis, cela demanderait aussi la mise en place de toute une structure, qui engloberait santé publique et une régulation contrôlée de la vente de drogue. C'est pas seulement une question de légaliser ou pas mais changer notre approche par rapport aux drogues, y compris celles qui sont déjà légales comme l'alcool et la cigarette. Cette stratégie pourrait ainsi aussi englober le problème de la prescription d'opiacée pour la douleur, avec ses problèmes d'addiction et la dérive possible vers l'héroïne et le fentanyl sur le marché illégal.