Elle avait besoin de pleurer. Elle ne savait pas pourquoi. Elle avait trop de bonnes raisons. Celle-là ferait l'affaire. Elle chercha des yeux un torchon, s'en empara et l'appliqua en garrot sur sa blessure. Je vais devenir fontaine, fontaine de larmes, fontaine de sang, fontaine de soupirs, je vais me laisser mourir.
C'était une solution. Se laisser mourir, sans rien dire. S'éteindre comme une lampe qui diminue.
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Quand on a peur, il faut toujours regarder sa peur en face et lui donner un nom. Sinon, elle vous écrase et vous emporte comme une vague scélérate...
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Je vois tout, je sens tout, mille détails entrent en moi comme de longues échardes et m'écorchent vive. Mille détails que d'autres ne remarquent pas parce qu'ils ont des peaux de crocodile.
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Alors c'est bien! C'est un début. L'interrogation est le premier morceau du puzzle que tu poses. Il y a des gens qui ne se posent jamais aucune question, qui vivent les yeux fermés et ne trouvent jamais rien.
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Dès qu'on bouge, on se met à faire bouger la vie autour de soit.
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Baiser, oui, mais pas de papouilles après. Pas de serments d'amour, de baisers lacrymaux. Dès qu'on s'approche de trop près, on recueille tous les miasmes de l'amour.
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Je vais mal, en ce moment. Cette apparence dégagée et aisée que j'ai entretenue si longtemps se craquelle, et il en émerge un bric-à-brac de contradictions. Il va bien falloir que je finisse par choisir. Aller dans une direction mais laquelle ? Seul l'homme qui s'est trouvé, l'homme qui coïncide avec lui même, avec sa vérité intérieure est un homme libre. Il sait ce qu'il est, il trouve plaisir à exploiter ce qu'il est, il ne s'ennuie jamais. Le bonheur qu'il éprouve à vivre en bonne compagnie avec lui même le rend presque euphorique. Il vit véritablement alors que les autres laissent couler la vie entre les doigts... sans jamais les refermer.
La vie coule entre mes doigts. Je n'ai pas réussi à en trouver le sens. Je ne vis pas, j'aveuglette. Mal avec les autres, mal avec moi même. J'en veux aux gens de me renvoyer cette image de moi que je n'aime pas et je m'en veux de ne pas être capable de leur en imposer une autre. Je tourne en rond sans avoir le courage de changer. Il suffit d'accepter une seule fois d'obéir aux lois des autres, de vivre en conformité avec ce qu'ils pensent pour que notre âme se débine et se délite. On se résume à une apparence. Mais, et soudain, cette pensée la terrifia, n'est-il pas trop tard? Ne suis-je pas déjà devenue cette femme dont je vois le reflet dans les yeux de Bérangère ?
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Choupette, ma choupette, que c'est bon de t'entendre à nouveau, ma petite fille, ma beauté, mon amazone dorée...parle-moi, parle-moi encore, quand tu gazouilles, que tu tortille les mots comme le crochet avec la laine, je ressuscite, la vie est aride sans toi, elle ne ruisselle pas, elle ne vaut pas qu'on se lève le matin pour mettre le nez à la fenêtre.
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Ils restèrent un long moment sans bouger, sans parler. Leurs doigts s'étreignaient, s'épluchaient, se reconnaissaient et c'est toute une tendresse, toute une chaleur que Josiane retrouvait comme un paysage d'enfant.
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C'est mon homme, c'est ma pâte à aimer, ma pâte à rire, ma pâte à pétrir, ma pâte à souffrir, je sais tout de lui, je peux le raconter en fermant les yeux, je peux dire ses mots avant même qu'il ne les prononce, je peux lire dans sa tête, dans ses petits yeux malins [...] Je le raconterais les yeux fermés cet homme là.
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C'est quoi le désir maman ?
C'est quand on est amoureux de quelqu'un, qu'on a très envie de l'embrasser mais qu'on attend, on attend et toute cette attente...c'est le désir. C'est quand on ne l'a pas encore embrassé, quand on n'en rêve en s'endormant, c'est quand on imagine,qu'on tremble en l'imaginant, et c'est si bon Zoé, tout ce temps là où on se dit que peut-être on va l'embrasser mais on est pas sûre...
Alors on est triste ?
Non. On attend, le coeur se remplit de cette attente...et le jour où il t'embrasse...Alors là c'est un feux d'artifice dans tout ton coeur, dans toute ta tête, tu as envie de chanter, de danser et tu deviens amoureuse.
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Toi t'aimes pas les hommes.
Sorry : je les ai trop aimés, c'est pour ça que je les tiens à distance.
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Joséphine aurait voulu suspendre le temps, s'emparer de ce moment de bonheur et le mettre en bouteille. Le bonheur songea-t-elle est fait de petites choses. On l'attend toujours avec une majuscule, mais il vient à nous sur ses jambes frêles et peut nous passer sous le nez sans qu'on le remarque. Ce soir-là, elle le saisit et ne le lâcha pas. Par la fenêtre, elle aperçut les étoiles dans le ciel et tendit son verre vers elles.
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Si elle quittait Philippe, elle serait privée de toute cette beauté. Si elle quittait Philippe, il lui faudrait tout recommencer. Seule. Ce simple mot la fit frissonner. Les femmes seules lui faisaient horreur. Elles étaient si nombreuses ! Toujours à courir, à se démener, la mine pâle, la moue avide. La vie des gens est terrifiante, aujourd' hui. (...) On les prend à la gorge, on les oblige à travailler du matin au soir, on les abrutit, on leur inflige des besoins qui ne leur ressemble pas, qui les égarent, les pervertissent. On leur interdit de rêver, de traîner, de perdre leur temps. On les use à la tâche. Les gens ne vivent plus, ils s'usent. A petit feu.
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La vie avait continué ainsi après, la vie continue toujours. Elle te donne des raisons de pleurer et des raisons de rire. C'est la vie, Joséphine, fais-lui confiance. C'est une personne, la vie, une personne qu'il faut prendre comme partenaire. Entrer dans sa valse, dans ses tourbillons, parfois elle te fait boire la tasse et tu crois que tu vas mourir et puis elle t'attrape par les cheveux et te dépose plus loin. Parfois elle t'écrase les pieds, parfois elle te fait valser. IL faut entrer dans la vie comme on entre dans une danse. Ne pas arrêter le mouvement en pleurant sur soi, en accusant les autres, en buvant, en prenant des petites pilules pour amortir le choc. Valser, valser, valser. Franchir les épreuves qu'elle t'envoie pour te rendre plus forte, plus déterminée.