Les extraits que vous aimeriez nous faire partager !

7 Juillet 2006
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saint savinien
Au lieu de dormir, j'ai passé la nuit avec tes lettres (pas tout à fait volontairement, je dois l'avouer). Cependant, je ne suis pas encore dans le dernier dessous. A vrai dire, je n'ai pas reçu de lettre, mais cela ne fait rien non plus. Il vaut beaucoup mieux maintenant ne pas s'écrire chaque jour ; tu t'en es rendu compte en secret, avant moi. Les lettres quotidiennes, au lieu de fortifier, dépriment ; autrefois, je buvais ta lettre d'un trait, et je devenais aussitôt (je parle de Prague, non de Merano) dix fois plus fort et dix fois plus altéré. Mais maintenant, c'est tellement triste ! Je me mords les lèvres en te lisant ; rien n'est plus sûr sauf la petite douleur dans les tempes ...

Lettres à Milena, Kafka.
 
A

Ancien membre

Guest
3 extraits de Dracula :

Quatre nationalités distinctes forment la population de la Transylvanie : les saxons, dans le Sud, auxquels se sont mêlés les Valaques, descendants des Daces ; les Magyars à l'Ouest, les Szeklers à l'Est et au Nord. C'est chez ces derniers que je me rends ?ils prétendent descendre d'Attila et des Huns. Ce n'est pas impossible : lorsque les Magyars ont soumis le pays, au XIème siècle, ils y trouvèrent les Huns, déjà bien implantés. J'ai lu quelque part que toutes les superstitions du monde sont rassemblées dans le fer à cheval des Carpates, comme si elles formaient les limites d'un tourbillon où se concentrent les imaginations populaires. S'il en est bien ainsi, mon séjour ne manquera pas de me passionner. (Ne pas oublier d'interroger le comte à ce propos.)

Pendant qu'il parlait, les chevaux commencèrent à hennir et à ruer - tellement que le conducteur dut les retenir. Et puis, au milieu d'un choeur de cris poussés par mes compagnons qui se signaient sans pouvoir s'arrêter, une calèche à quatre chevaux arriva derrière nous, sembla vouloir nous dépasser mais s'arrêta à notre hauteur. À la lueur de nos lampes, qui tombaient en plein sur eux, je pus voir que les chevaux, de superbes bêtes, étaient d'un impressionnant noir de charbon. Les conduisait un homme à longue barbe brune et dont le grand chapeau noir semblait avant tout destiné à dissimuler ses traits. Je ne pus distinguer que l'éclat de deux yeux brillants qui, à la chiche lueur, paraissaient rouges. Il se tourna vers nous et lança au conducteur :
? Vous êtes en avance, ce soir, mon ami.
? Le Herr anglais était pressé...
? C'est pourquoi, je suppose, vous vouliez l'emmener en Bukovine ? Vous ne pouvez pas me tromper, l'ami, j'en sais trop, et mes chevaux sont rapides.
Il sourit à ces dernières paroles. Les lampes éclairèrent une bouche dure, des lèvres d'un rouge vif et des dents pointues aussi blanches que l'ivoire. L'un de mes compagnons se pencha vers son voisin et lui murmura un des vers de la Lénore de Bürger :
? Denn die Todten reiten schnell. (Car les morts voyagent vite.)

Cet été, nous avons fait un voyage en Transylvanie. Nous avons parcouru, à nouveau, les régions qui étaient, pour nous, liées à tant d'infernaux souvenirs. Nous ne pouvons même presque plus croire que ce que nous avons vu de nos propres yeux, entendu de nos propres oreilles pût appartenir à la réalité. Toute trace en avait disparu. Le château se dresse toujours au sommet de son pic, dominant une vaste étendue désolée.
 
12 Septembre 2005
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Thumesnil
- J'ai entendu. Et ce n'est pas que je n'ai pas envie de répondre. Mais c'est si difficile de se souvenir. Je ré...réfléchis pas beaucoup à ces choses-là. Pas comme tu le fais. Elles me sortent de la tête comme des rêves. Je suis sûre que c'est l'attitude n...n...normale.
- C'est peut-être normal, chérie. Mais j'aime mieux ce qui est naturel.

Truman Capote, Petit déjeuner chez Tiffany.

Aussi, quand elle admirait un tableau désormais, elle ne pensait plus 'ah si Jean voyait ce que je vois'. Elle oubliait Jean pour devenir en Lali l'oeuvre d'art qu'elle contemplait, ainsi que tous les Goya qu'elle avait vus avec Jean revenaient à sa mémoire, comme filtrés par la transparence si vite ombragée de son amour pour Lali. Peu importait alors que Lali fût loin puisqu'elle était partout en elle, joignant son désespoir anonyme à ce chien de Goya s'enlisant dans un trou et dont on ne voyait que la tête, pendant que son regard implore l'invisible bourreau dans une lucidité insoutenable. Tout ce que Geneviève voyait en réalité ou en souvenir ne la remplissait pas que de la douceur d'avoir saisi ce qui est beau, mais de l'inquiétude aussi d'aimer ce qui, comme le chien avalé par la mort, est sujet à toutes les violences de Dieu et de la terre, et surtout Lali qui venait de lui livrer ses premiers secrets de victime avec ses secrets d'amante.


Mais Geneviève pensait que l'art seul, en ce monde, nous permet ainsi d'investir toute notre liberté et que chacun peut reconnaitre là que sa douleur à lui est aussi universelle que l'universelle conception qu'un sculpteur génial en a eue. Aucun tribunal, aucune société ne peut ici défendre même à un meurtrier d'avoir l'illusion qu'il est devenu bon au contact d'une oeuvre belle, car cet espoir n'appartient qu'à lui.

Marie-Claire Blais, Les nuits de l'Underground

Tu viens et c'est pour partir
fruits des sillages
enchevêtrés d'archipels

coque ou sabot
jeté par la vague de percale
hors du carroussel glissant
de l'aube

ton pas
ton pas te revient
ton pas t'en rendu sur le seuil
bondit par-dessus toi
arche mouvante, pillier muet.

Tu disais toujours 'c'est écrit'
car lorsque tu avais essayé toutes les issues
et qu'aucune ne t'avais conduit ailleurs qu'au même désert
de la même gare désafectée
le même été, le même jour du même été,
toujours le même quinze juillet s'il faut tout préciser
à présent tu chutes comme un nourisson
dans un ciel échoué là pour te capturer

Au moment où tu croyais signé de ton nom ce qui était écrit
au moment où tu t'apprétais à exulter avec les arbres
dans leurs enclos interdits aux chiens
cette part de feu réchappée de ton nom
appelle et te capture.

L'eau se froisse à la surface du ciel échoué là,
dans l'enclos frémissant où sont gardés les arbres
La part du feu qui baillait dans l'ombre de ta naissance
fulgure,
et tu chutes, ah si tu l'avais su avant,
ce que c'est
que de chuter ainsi du haut de la tête,
que de chuter par le dedans,
chuter sans souffle, sans battement,
virer, planer, dormir, enfin !
lentement chuter sans fil, sans filet
dans le seul glissement de la chute
dans son murmure, son suintement,
son plaisir.

Suzanne Jacob, La part du feu.
 
12 Septembre 2005
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Thumesnil
Legs

Je n'existe plus ni à l'est ni à l'ouest
Des étrangers me respirent sur des civières
Je voudrais rapatrier mon coeur en ma terre
mais je n'existe plus qu'en filigrane d'une histoire
que d'autres racontent à travers ma bouche
J'aurais pourtant aimé poser mes ancres sur ces lèvres sur ces cuisses
et tatouer mon cuir sur ces peaux
peser ma trampe sur cette balance
comme un veau à l'encan
dans le legs des familles

Marie-Hélène Montpetit, Dans le tabou des arbres

Il comprit surtout la très grande différence entre deux types de révolutionnaires : ceux qui pouvaient plier bagage, partir, s'installer ailleurs et ceux qui n'avaient pas ce choix.

Tout à l'heure, quand je me sentais encore présent dans cette salle, une indignation durcie, tranchante déchirait en moi des cordes que je croyais depuis longtemps enrobés d'indifférence. Je détestais cette brochette de 'bureaucrates internationaux' assis au premier rang après avoir passé une semaine à palabrer et à bouffer dans un hôtel de luxe. Je me disais ce qu'il m'arrivait d'exprimer vingt ans auparavant combien d'enfants pourraient être sauvés pour le prix d'un seul costume que porte chacun de ces gros nègres ? Je détestais les intellectuels-danseuses qui au lieu de se révolter jouaient pour ces spectateurs blasés un numéro sur l''Afrique-aphrodisiaque'. On débitait ce continent comme sur une lointaine photo que j'avais vue, enfant, dans un livre : un éléphant dépecé. Sa tête, ta trompe, le tronc, les pattes...Chacun avait sa part ce soir. Les bureaucrates, les intellectuels, le public, qui faute de mieux, riait aux quolibets de ces histrions. Et même cette organisatrice aux mèches couleur bettrave, celle qui avait su tailler sa part de chair, le corps de ce jeune Congolais...

Andrei Makine, L'amour humain.


Etre normal ne veut pas dire que vous être sain et naturel, mais simplement que vous ne déviez pas de l'anomalie courante. Dans leur immense majorité, les gens sont névrosés, pathlogiques. Pourquoi vous comparez à eux et essayer de leur ressembler ? En vous adaptant à une société malade, vous serez malade.

Rajneesh.
 
30 Décembre 2007
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Lyon
Fanatique de citations également et toute nouvelle dans cet univers je m'en vais apporter ma petite contribution a cet endroit que j'adore déjà ^^ Merci pour tous ces jolis mots !

Pour aujourd'hui ce sera uniquement des citations de "Corps étranger" de Didier Van Cowelaert


Depuis que j'avais renoncé à faire quelque chose de ma vie, je me contentais d'être quelqu'un. Autrement dit, je renvoyais l'image que l'on m'avait collée; c'était sans intérêt, sinon sans avantages et il avait fallu un drame pour redonner un sens à la position enviée qui me tenait lieu d'existence.




Je ne dirais pas que le temps s'est arrêté, ce vendredi soir. Il avait déjà cessé d'avancer pour moi, six mois plus tôt quand une Renault Espace avait percuté la deux-chevaux blanches. Qu'allait-il me rester , maintenant que le seul amour de ma vie avait résilié son sursis ? Que faire sans son parfum, ses cheveux que je coupais à chaque lune montante, la caresse de mes mains sur son front, ses épaules, ma joue posée contre son sein par-dessus le drap où courait le nom de la clinique? Que faire sans sa belle au bois dormant? J'interrogeais le reflet mal fini qui me dévisageait dans le miroir de la salle de bain. Maintenant, ma présence sur terre avait perdu sa justification. Je n'avais plus qu'a me faire couler un bain rempli de mousse, par égard pour la femme de chambre qui me retrouverait, les poignets entaillés. Ou enjamber la balustrade. Ou louer une voiture pour aller me jeter d'une corniche. Mais à quoi bon? Moralement, j'étais déjà mort. Plus rien n'avait d'urgence.




Je vais crever sans toi, je le sais, à feu doux; continuer d'attacher, me laisser réduire tant qu'il y a quelque chose à brûler.

J'ai beau avoir derrière moi un apprentissage de six mois, je ne m'y fais pas, Dominique, je ne m'y ferais jamais. Je t'aime où que tu sois. Et tant pis si je t'empêche de m'oublier, si je t'empêche de partir à ta guise vers des mondes inconnus, tant pis si je te gâche la mort comme je t'ai compliqué la vie, je m'en fou: j'ai toujours été égoïste et c'était pour toi.




Je n'ai jamais soupçonné une seconde que tu t'entraînais à te passer de moi.




Et les larmes qui s'étaient refusées toute la journée inondent mes joues.




Une tristesse brutale, un creux dans la poitrine détournent mon regard vers le lit que je n'ai jamais refait. Les draps lilas de Dominique sont restés en l'état, froissés dans les plis de sa dernière nuit avant l'accident, son parfum de vanille imprègne encore un peu l'oreiller où j'enfouis mon nez chaque soir, à genoux sur le Maison et Jardin de septembre qu'elle avait laissé ouvert à la page des cyclamens, et je dors sur le canapé du salon pour éviter que son odeur ne remplace la mienne. Je triche, évidemment. Une fois par semaine, je vaporise un peu de son Ester Lauder. A la parfumerie, on m'a dit que la gamme Youth Dew s'arrêterait bientôt. Je vais stocker. Bien sur, tous mes efforts, tous mes refus sont dérisoires, mais seuls des gestes de ce genre peuvent encore me donner envie de m'attarder sur terre. Le ridicule ne tue pas; il conserve.




Je repense au moment où j'ai voulu mourir, vraiment, au retour de Tanger, pendant cinq bonnes minutes. Non, pas pour te rejoindre (si tu survis au delà, ce genre de précipitation est inutile et le bénéfice du doute suffit à tuer le temps) mais pour ne plus exister sans toi, ne pas jouer des prolongations dont l'issue m'indiffère.




Le jour où boire et fumer n'existeront plus, on lira sur les murs « Vivre est dangereux pour la santé », avec le numéro de la loi qui le décrète.




Voir remis à flot cet homme aussi naufragé que moi est la pire des choses qui pouvait m'arriver. J'ai perdu mon ancre, j'ai perdu mes repères et je dérive sans déranger personne: tout concourt à me pousser vers le large. Tout justifie les distances, les libertés que je devrais prendre.

A ma façon, je cherche des signes dans les moindres hasards, je me rend compte, au moment où j'ai renoncé, que j'avais vraiment envie de commencer une autre histoire.




C'est bon de constater comme la vie reprend le dessus, quels que soient la profondeur d'un chagrin et le dérisoire des circonstances qui permettent de l'oublier un temps.

Pourtant, je le sais , on avance bien plus toutes les fois où on l'on s'écoeure que toutes ces fois ou l'on s'estime.




L'avantage des lettres c'est que si je vous ennuie vous pouvez sauter une page sans me faire de peine.





J'ai souvent envie d'être vieille. D'avoir moi aussi mes souvenirs de bonheur à l'abri entre quatre murs de passage. Quatre murs ou deux cent pages...




Il est trois heures du matin, je suis confuse comme pas deux, mais c'est le seul moment où j'arrive à être plus sincère que timide. Alors tant pis si mes phrases boitent, au moins, elles vont où je veux.




On n'échappe pas à ce qu'on représente. Je ne suis rien d'autre que ce que les gens me renvoient. Ma nature profonde, c'est leur regard, c'est le reflet qu'ils m'imposent et la solitude par laquelle j'ai pensé m'y soustraire n'était qu'une manière de fermer les yeux.




Qui peut dire si l'on ne maintient pas en vie la conscience de ceux qu'on a aimés en reproduisant leurs gestes, en reprenant leur tics, en vaporisant leur odeur?




Des dents à mordre la vie. Mordons; l'appétit viendra peut-être.




A la fois moins à l'aise et plus sure de moi, on sent bien que j'ai des choses à dire et que personne ne s'y intéresse et que j'en ais pris le pli. J'aurais tellement besoin d'une présence qui me comprenne. De quelqu'un pour qui me battre. Je vis sans. Je fais avec. Et tout cela se traduit en silence pour ne pas déranger les gens, ni gâcher les quelques illusions qu'il me restent quant à l'avenir auquel je me croyais destiné.




La seule concentration que m'autorise le niveau sonore vise à défendre la chaise en face de moi que les tablées voisines essaient de m'enlever sournoisement toutes les deux minutes.




Je suis tellement content d'avoir pu susciter encore autant d'émotion, autant d'espoir et de sursaut par un simple assemblage de phrases, moi qui me croyait vitrifié dans une douleur égoïste.




Elle relève le regard, comme une dernière chance qu'elle nous donne, un dernier regret qu'elle me tend.




Je regarde cette beauté nature et joueuse; ce charme sans calcul, ces rondeurs, ces cambrures; je retrouve son écriture dans ses formes, cet appétit des mots, cette gourmandise pour tous les sentiments. Même ces failles de détresse soudaine qui s'ouvre dans sa voix comme les parenthèses de ses lettres. C'est une Martienne, et elle existe.




J'aime bien cette obstination d'enfant pendu à sa question. Ce mélange de gaminerie, de culture à tiroir et de féminité me touche plus que je ne puis le dire. J'ai peur tout à coup. Envie d'être désagréable, de mettre à l'épreuve nos sentiments, de gâcher le charme.




Elle m'observe du coin de l'oeil pendant que je mastique. Le pire est que je n'arrive pas à me sentir totalement mal à l'aise. Je ne sais pas ce qu'elle refuse en moi, j'ignore ce qui me plaît si fort en elle, sa maturité, ses éclairs d'enfance ou son corps; je ne vois pas où on va et curieusement, j'ai l'impression que ça nous rapproche.







Et on appuie nos fronts l'un contre l'autre, en souriant d'être ainsi et de penser qu'on a raison, comme si les blessures de la lucidité se soignaient par des chagrins immatures.




Paix à ceux qui cherche, paix à ceux qui sont seuls et tournent dans le vide...Car hier et demain n'existent pas: tout est aujourd'hui, tout est là, tout est présent. Ce qui est passé, se passe encore.




Et j'essaie de repasser notre soirée comme un examen que j'aurais raté.




J'ai l'impression que ses larmes coulent dans mes yeux.




Je ne réfléchissais pas. Je ne me formulais rien. Le choc s'était immédiatement résorbé dans une évidence contre les résolutions, les scrupules et les craintes ne pouvaient plus rien. Elle revenait vers moi comme je m'étais retourné contre elle, avec détresse, fierté, obstination,rejet du malentendu. Elle était là pour me surprendre à mon tour, effacer ma faute en la reproduisant. J'avais cru l'oublier; je n'ai fait que l'attendre.




Je n'ai plus peur de la perdre. Je n'ai plus peur de moi, de nous. Rien qu'une immense douceur. Plus elle m'attendrit, plus je la désire.




Mes mains réapprennent, reconnaissent, ne se lassent pas de chercher les caresses qu'elle veut, de freiner ses mouvements pour me laisser le temps de l'aimer.




Je n'ose pas te réveiller pour te dire que je pars. Je te laisse dormir encore un peu dans mon odeur. Tu m'as rendu tout ce que j'avais perdu: l'hôtel de mon enfance, l'accord avec mon corps, l'envie de changer, de sauter dans l'inconnu...Et même cette idée que le bonheur n'est pas une fin en soi, mais le meilleur des carburant.

En éspérant que ça vous plait ...Je repasse bientôt :d
 
P.38 :
« Une princesse. Vous vous comportez comme une princesse. Vous ne vous souciez pas du monde autour de vous, c?est le monde qui doit se soucier de vous. Votre seule tâche est d?exister. C?est bien ça ? ».

P.40 :
« Et si nous embrassions nous sourires ? »

P.90 :
« Avec lui, elle n?avait honte de rien, pas même de faire pipi ensemble pour éliminer les calculs, et comme pendant toute sa vie on lui avait dit qu?elle semblait débarquer de la lune, elle eut l?impression d?avoir finalement rencontré quelque un du même pays et c?était ça le chose principale de la vie, celle qui lui avait toujours manqué. »

Milena Agus, Mal de Pierres.


P.76 :
« Tout être qui connaît un enfer durable ou passager peut, pour l?affronter, recourir à la technique mentale la plus gratifiante qui soit : se raconter une histoire : Le travailleur exploité s?invente prisonnier de guerre, le prisonnier de guerre s?imagine chevalier du Graal, etc. Toute misère comporte son emblème et son héroïsme. L?infortuné qui peut remplir sa poitrine d?un souffle de grandeur redresse la tête et ne se trouve à plaindre. »


P.187 :
« Elle décida de se rappeler ce qu?elle avait aimer dans la vie. Elle se repassa les musiques qu?elle préférait, l?odeur délicate des ?illets, Le goût du poivre gris, le champagne, le pain frais, les beaux moments avec les êtres chers, l?air après la pluie, sa robe bleue, les meilleurs livres. C?était bien, mais cela ne lui avait pas suffit. »

Amélie Nothomb, Acide Sulfurique.


Je vous les conseil vraiment.
 
30 Juillet 2007
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Compiègne
Je n'ai ni le livre ni mon carnet sous les yeux, donc j'espère que ne me trompe pas, enfin il me semble que c'est ça...

" Elle avait le visage tout cartographié à force d'être centenaire "
Burgess, L'Orange mécanique

J'adore cette phrase, à peu près autant que j'adore ce livre.
 
4 Juin 2006
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Plus on est heureux et moins on prête attention à son bonheur. Cela pourra sembler étrange, mais au cours de ces deux années, j'eus même parfois l'impression que je m'ennuyais. Non, je ne me rendais pas compte de mon bonheur. En aimant ma femme et en étant aimé d'elle je croyais faire comme tout le monde, cet amour me semblait un fait commun, normal, sans rien de précieux, comme l'air que l'on respire et qui n'est immense et ne devient inestimable que lorsqu'il vient à vous manquer. En ce temps là, si quelqu'un m'avait fait remarquer que j'étais heureux, je me serais récrié. Selon toute probabilité j'aurais répondu que je ne possédais pas le bonheur puisque tout en aimant ma femme et étant payé de retour, je n'avais pas la sécurité du lendemain.


Tant que j'avais cru être aimé d'Emilia,une sorte d'automatisme heureux avait présidé à notre vie commune et, dans ma conduite envers elle, seul l'épanouissement final s'illuminait à la lueur de ma conscience, tout le reste demeurant dans la pénombre d'une habitude tendre et machinale. Mais maintenant que j'étais dépouillé de l'illusion de l'amour, je prenais conscience de chacun de mes actes, même du plus insignifiant. J'offrais à boire à Emilia, je lui passais la salière, je la regardais, cessais de la regarder; chaque geste s'accompagnait d'une connaissance douloureuse, butée, impuissante, desespérée. Je me sentais gêné, troublé, paralysé, ne pouvais rien faire sans me dire : est ce bien? est ce mal? J'avais perdu toute assurance. Avec des étrangers, on peut toujours espérer retrouver la confiance perdue ; avec Emilia, il s'agissait d'une expérience passée, défunte : je n'avais plus à espérer.

Le Mépris, Moravia



C'est sa première rupture amoureuse, elle en souffre, mais sa douleur est moins forte que l'étonnement qu'elle éprouve à découvrir le temps ; elle le voit comme jamais elle ne l'a vu auparavant. Jusqu'alors le temps s'est montré à elle sous l'aspect du présent que avance et avale l'avenir ; elle craignait sa vitesse (lorsqu'elle attendait quelque chose de pénible) ou se révoltait contre sa lenteur (lorsqu'elle attendait quelque chose de beau). Cette fois, le temps lui apparaît tout différemment ; ce n'est plus le préent victorieux qui s'empare de l'avenir ; c'est le présent vaincu, captif, emporté par le passé. Elle voit un jeune homme qui se détache de sa vie et s'en va, à jamais, inaccessible. Hypnotisée, elle ne peut rien faire d'autre que regarder ce morceau de sa vie qui s'éloigne, elle ne peut que le regarder et souffrir. Elle éprouve une sensation nouvelle qui s'appelle nostalgie.

C'est de Kundera, dans L'ignorance. Ce rapport au temps, c'est une sensation que j'ai eue mais jamais je n'aurais même songé à l'analyser, à ressentir pleinement une sensation floue et planante. J'admire son idée, et sa capacité à poser des mots sur des sentiments, je trouve ça juste et fidèle, j'ai l'impression d'être comprise et c'est agréable.



Aujourd'hui cette tristesse, tout en la reconnaissant comme étant celle que j'ai toujours eue, je pourrais presque lui donner mon nom tellement elle me ressemble.

Des odeurs de caramel arrivent dans la chambre, celle des cacahuètes grillées, des soupes chinoises, des viandes rôties, des herbes, du jasmin, de la poussière, de l'encens, du feu de charbon de bois (...)

Il vient. Il sent bon la cigarette anglaise, le parfum cher, il sent le miel, à force sa peau a pris l'odeur de la soie, celle fruitée du tussor de soie, celle de l'or, il est désirable.

L'amant, de Marguerite Duras. Parce que c'est un délice.
 
6 Mars 2007
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St GEREON
c'est un extrais de "viens la que je te tue ma belle "

"Mais il me manque quelque chose,quelque chose de primordial .Quelque chose qui puisse me relever si je tombe,qui puisse me soutenir si je flanche si je perds.Une band .Des gens de mon âge qui aimeent les même chose que moi,qui sont les même choses que moi .Des gens pour qui je mourrais,et qui mouraient pour moi ."
 
6 Mai 2007
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Camphin
Je suis au milieu du Portrait de Dorian Gray, j'ai corné beaucoup de pages, je repasserai, donc. ;) (ce livre me met le cerveau en bouillie, mais qu'est ce que je l'aime!)
 
1 Septembre 2007
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On passe son temps à tuer ou à adorer en ce monde et cela tout ensemble. "Je te hais! Je t'adore!" On se défend, on s'entretient, on repasse sa vie au bipède du siècle suivant, avec frénésie, à tout prix, comme si c'était formidablement agréable de se continuer, comme si ça allait nous rendre, au bout du compte, éternels. Envie de s'embrasser malgré tout, comme on se gratte.

Voyage au bout de la nuit, Céline.

(Je pense que je repasserai par ici, il est sympa ce topic.)
 
11 Mai 2007
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Nantes
Un extrait du roman de Agnès Desarthe, "Mangez-moi". Le personnage décrit ici est asexuel, et c'est aussi ce que je suis, alors je m'identifie pas mal à lui, même si c'est un garçon. En plus, je trouve que c'est très joliment dit.

"Ben m'explique très simplement, sans que j'aie besoin de l'interroger davantage, sans me faire porter la responsabilité de l'enquête, qu'il n'a pas de vie amoureuse.
- Mais sexuelle, oui?, je demande, un espoir niais dans la voix.
-Non, répond-il sans tristesse et sans joie.
-Comme un curé, alors? Comme une nonne?
-Pas vraiment, dit-il après un temps. pour moi, ce n'est pas une contrainte, ni une obligation. Ce n'est pas un sacrifice.
Il hésite un temps.
-Ce n'est pas par manque de goût, non plus, ajoute-t-il. C'est ainsi.
-Comme une malformation, alors?
J'ai beaucoup trop bu. Je dis n'importe quoi. Grossière et agressive. Mais il éclate de rire. Il est hilare, plié en deux. La délicatesse de Ben, me dis-je, est une forme de magie. Il se calme et, pédagogue, reprend son exposé.
-Je suis normal. Il n'y a pas de sexe dans ma vie, comme chez certains, il n'y a pas de littérature, ni de musique. Ces gens vivent aussi, comme nous. Ils apprécient d'autres choses, ont d'autres plaisirs. Il ne leur manque rien, puisque cette chose, pour eux, n'existe pas.
Un soulagement violent, comme après un effort interrompu sur un tempo inhumain, me dessoude et je pense : ne pas désirer, dans ce monde si contraire et si hostile, voilà la vraie liberté. Finies les attentes, finies les trahisons, les coeurs souillés, les corps coupables. Terminé le tourment et les heures gâchées dans la fabrication de pitoyables stratégies. [...]
-Mais cela, reprend Ben, [...], ne veut pas dire que je ne sache pas aimer, aimer d'un autre genre d'amour."

"-Tu ne vas pas rester toujours comme ça, lui dis-je. Ca va changer.
[...]
-Non, je ne crois pas. Je ne vais pas changer. Et je ne veux pas changer. Je ne suis pas seul. Il y en a d'autres comme moi. Plein de jeunes. Il y en a toujours eu, sauf qu'avant ça se voyait moins. Avant on n'en parlait pas, mais parce que avant, on ne parlait de rien. La proportion de puceaux sur une population adulte est constante. A quoi vous l'attribuez, vous? A la timidité? Alors c'est vrai, sur la quantité, il y a les infirmes, les fous, les malades, et puis il y a nous."
 

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