Thème d'écriture : la rencontre

21 Septembre 2009
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Pour ce nouveau thème d'écriture, un sujet très libre : la rencontre.

L'exercice est simple : pas de contrainte de style ou de longueur, le principe, c'est que vous vous lâchiez ! Rédigez votre texte puis postez-le ici pour le partager avec nous. Vous pouvez réagir aux textes les unes des autres en mentionnant la Mad auteure. A vos claviers !
 
4 Juin 2013
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La rencontre avec mon Ange. ( Même si depuis, il est reparti.) j'attend vos commentaires !!

Le déluge s'est abattu. A coté de moi, un lampadaire éteint, et les pavés dégoulinant du trottoir. Dans la rue,j'étais seule. Je t'ai regardé, tu étais là. Près de moi. Juste de l'autre coté de la vitre .
Tu me regardais, je te regardais. La pluie laissait des ruisseaux d'eau sur la parois.
Tu m'observait, bien au chaud. Du monde riait autour de toi.
Personne ne me voyait. J'étais comme une conne, dehors, trempée, et personne ne me remarquait. Personne était dans ma merde, Personne n'était, sauf moi, sous la pluie.
Je me souviens, les gouttes tombaient de mes cils sur mes joues. Je te voyait flou.
La vitre. Toi. Moi.  Tu me regardais, tu ne disais rien.
J'essayais d'ouvrir la bouche, je n'y arrivais pas .J'étais dehors, tu étais dedans.
Puis tu as bougé. Tu as tourné la tête à gauche, tu t’apprêtais à  partir,et je ne pouvais pas entrer. Tout à coup, mes jambes se sont décollées du sol. Mes pieds ont bougé et je me suis élancée .
Je suis arrivée en plein dans la vitre pour te rattraper. Elle s'est brisée. Mes bras sont rentrés dans le verre. Je voulais crier, je n'y arrivais pas. Je suis tombée à genoux, au milieu des débris.
Le carrelage de la pièce était froid, comme ton expression, comme tes  yeux, comme la vitre, comme la pluie, comme mon corps. Le choc de la chute m'a fait mal.
J'ai levé la tête, et je t'ai vu. Tu me jugeais, de haut. Étais-tu triste, étais-tu indifférent? Je ne sais pas. Tu m'as contemplée, longuement. Puis tu as tourné les talons. Tu es parti. Sans te retourner.
J’ai baissé mon regard par terre. Les morceaux de verre cassés étaient colorés de rouge, parsemés de gouttes de sang. Je n'ai rien dit. Après une éternité, j'ai réussi à décoller ma peau du sol. Tout mon être était meurtri. Je me suis relevée, je suis sortie de cette maison. Sortie de ta vie.
J'ai descendue la rue, et j'ai couru sur la route. Il avait arrêté de pleuvoir.
Le ciel, étoilé, s'assombrissait. Qu'est ce qu'il était beau ce paysage, avec ses milliers de paillettes fixées sur son drap bleu marine...
Je courais sur  cette route, mes plaies encore ouvertes, mes larmes encore humides. Il n'y avait que moi, et le silence, entrecoupé par le bruit que pouvaient encore faire mes poumons. Je n'avais pas envie de stopper ma course, mais tout en moi ne voulait plus exister.
Une voiture est arrivée en face. Une sombre, de celles qui passent tout le temps. J'ai accéléré.
Mes chevilles me faisaient mal et mon souffle brûlait ma gorge. Au moment de l'impact, quelqu’un m'a poussé dans le fossé. Les orties m'ont piqué les poignets, les avant bras, les jambes, m'ont brûlée...et ont amorti ma chute. La voiture est passée, ses phares ont balayé mon corps de lumière. J'avais mal. Mal partout, dedans, devant, derrière, au dessus.
A demi inconsciente, j'ai vu l'ange se pencher vers moi. Il était beau. Non. Magnifique.
De la beauté que l'on ne voit que dans les contes, les romans et la Bible. Il me faisait presque peur. Ses ailes d'un blanc immaculé contrastaient avec l'obscurité. Il m'a soulevé de terre, et m'a emporté. Dans ses bras, mes brûlures guérissaient. Mes plaies se refermaient comme par magie.
Mon cœur ne saignait plus.  Il s'est gonflé, et à commencé à craquer puis à éclater. Il a volé en  une multitude de miettes bleues et roses qui se sont dispersées dans le ciel.
Je me suis évanouie. Je ne sais combien de temps je suis restée dans cet état.
Un jour, une heure, un mois? Une éternité. Quand je me suis réveillée, l'ange n'était pas parti.
A coté de moi, encore plus beau que dans mes souvenirs, souriant. A coté de moi, et non derrière une vitre. J'ai su qu'il ne partirait pas. Du moins pas tout de suite.
Son regard était empreint de patience, d'amour, de confiance puis peut-être d'un peu de pitié, aussi. Il m'a observée, puis a sourit. Sa main a rencontré la mienne. Mes yeux se sont posés sur mes bras, couverts de bandages. Je ne savais pas où j'étais. Ce n'était pas l'importance. Ses doigts n'ont pas lâché les miens. Jamais. Le temps passait.
Ma colère, mes doutes et ma méfiance se dissipaient peu à peu pour faire place à un nouveau sentiment, la confiance.
Le regard de cet être de lumière sur moi, mon corps et mes pensées m'avait au premier abord, gênée. Lentement, mon avis avait changé, je me suis sentie belle sous ces yeux là, je voulais l’être.
Puis un jour,il s'est penché sur moi. Il a mis sa tête sur ma poitrine, et je me suis rendue compte que j'avais de nouveau un cœur. Je vivais. Je sentais les battements de la vie couler en moi. Et je savais où j'étais, avec cet ange, qui m'avait accompagnée, et qui m'avait empêchée de mourir.
Au Paradis.
 
18 Juillet 2008
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Paris
Intérieur jour. La vie n’est pas ailleurs que dans l’exacte distance qui nous sépare et nous retient. La vie n’est pas ailleurs que dans la corne poivrée de la ville, dehors. Tu es nu, je suis vivante, le cœur rempli des barreaux de ma cage, dans cette fissure béton où me berce un chant neuf. Instant fragile, qui déjà s’envole, n’es-tu jamais autre chose que le temps ? Repartie sous le jour qui baisse, je sens le vent qui ne s’arrête pas pour moi : j’ai fini de vouloir.
 
27 Octobre 2012
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Assise sur le rebord d'une fenêtre, une cigarette tenue du bout des lèvres, Lou se sent libre et seule avec tous ces gens, dans son dos qui fêtent un anniversaire, 19 ans, les siens. Elle attend, elle attend que ça passe, que la soirée se termine. Elle reste seule et attend.

-Dis, t’aurais pas une clope ? Lui demande Carole. Elle la lui tend.

Au son de la musique qui filtre à travers le bruit assourdissant des discussions, Lou se souvient de sa première rencontre avec Carole. C’était il y a deux ans. Elle avait décidé d’entrer dans un chœur de gospel, mais son éternelle indécision ne l’amena pas plus loin que le parvis d’une église baptiste, dont elle n’osait franchir les portes. Assise derrière celles-ci, elle entendait la chaleur vibrante des voix entonnant "Joshua fit the Battle of Jerico". Fermant les yeux, elle sentait la mélodie l’envelopper et lui faire comprendre qu’elle pouvait s’appartenir l’une l’autre. Elle ne croyait en aucune religion, en aucun dieu, et pourtant, cette musique la reliait à quelque chose d’indicible et de mystérieux.
Et c’est au moment où Lou se faisait cette réflexion que Carole apparut devant elle, solide, avec un air rieur qui se dessinait au milieu de ses tâches de rousseur :
-Salut, moi c’est Carole, t’aurais pas une clope ?
Entre elles, cela a toujours été ainsi, une relation où les mots ne possèdent pas leurs émotions, seules leurs présences physiques suffisent à un échange, une interaction.
L’heure de chorale qu’elles passaient côte à côte paraissait être une intense discussion, sans un regard l’une pour l’autre, elles se racontaient leurs passions à travers leurs souffles, leurs respirations et les sonorités qui s’échappaient de leurs gorges.
Leur amitié était évidente, mais simple et exigeante.
 
Un soleil noir éblouissant

Par une belle journée de printemps, je me promène dans les rues commerçantes. Ce matin il faisait frais mais maintenant il fait très chaud. Le soleil brille et je commence à étouffer sous mes vêtements. Je recherche sans cesse l'ombre en enviant toutes ses femmes en tenues légères. J'ai le soleil dans les yeux, je ne regarde pas spécialement où je marche. Je relève les yeux juste à temps pour éviter un ange noir.

Cet ange noir reste debout, sans bouger, au bon milieu du trottoir, tout de noir vêtu, avec un long manteau en cuir noir comme dans Matrix. Je regarde son visage et sa beauté me stupéfie, il a la peau claire, des cheveux gris alors qu'il ne doit pas avoir plus de 25 ans. Son visage est à l'opposé de sa tenue et c'est à ce moment que le terme "d'ange noir" me traverse l'esprit. Je continue mon chemin, me baladant sans but. Mais je n'arrive pas à oublier cet homme qui restait debout, sans bouger, tout de noir vêtu par une chaleur accablante.

Je retourne donc sur mes pas, plusieurs minutes se sont écoulées, je me dis qu'il est parti mais au milieu de la foule, je vois bien vite sa haute silhouette élancée. Il est le seul à être habillé de noir et à rester immobile. Je me demande quel est son but, que fait-il et que pense-t-il de tout ces gens qui le contournent sans un regard pour lui ?

Je n'ose pas l'aborder, il est dégage une telle prestance qu'il m'intimide, moi qui normalement parle sans problème aux inconnus. Finalement, je reste à distance de lui, de l'autre côté de la rue, en faisant des allers et retours pour l'observer. Lui ne me verra jamais, il ne regarde personne, je finis même par me demander s'il a conscience de sa présence. Au bout de 30 à 45 minutes, je décide de m'éloigner. Je n'aurai jamais le courage de lui parler, alors pourquoi continuer de gravité autour de lui, ce soleil noir magnifique.

Cet homme m'aura intriguée et, fan de Remus, j'aime imagine qu'il s'agissait d'un loup garou, je n'aime pas les vampires. Cette histoire m'aura appris une chose : ne jamais hésiter à poser des questions. Après tout, peut-être n'attendait-il que ça, que quelqu'un lui parle plutôt que n'avoir droit qu'à l’indifférence générale. Bel ange noir, tu méritais autre chose, j'espère qu'à force de rester immobile, des ailes te sont poussées dans le dos afin que tu puisses enfin rejoindre le monde d'où tout venait.
 
24 Février 2012
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Noyon
Ignace

    C'est arrivé en pleine après midi, devant la boulangerie,       Je me baladais avec un pote, tranquillement, mis à part le fait qu'il se plaignait sans cesse que je marchais trop vite pour lui et c'est là, que je l'ai vu, devant cette boulangerie, regardant avec envie les pâtisseries.
    Je marchais alors plus vite, tirant mon ami par le bras : je ne voulais pas la rater, je ne DEVAIS pas la rater et plus je me rapprochais plus l'excitation augmentait, je haletais, je devenais fou, impossible à contrôler.
    J'arrive enfin au but, Je me collais à elle et je n'avais pas l'air de lui déplaire, je le sentais.
    J'étais heureux et intenable, J'avais rarement l'occasion de rencontrer d'autres êtres comme elle.
    Et puis d'un coup, d'un seul, mon ami me tira fortement vers lui : « Ignace ! Arrête d'embêter le chien et fais tes besoins qu'on en finisse... »
 
M

madmoizelleelsa

Guest
Allez, cette fois j'y vais. Ça suffit de faire la chochotte. Ça suffit la peur, le manque de confiance en soi, la fausse indifférence. Je ne peux plus continuer comme ça. J'ai imaginé ce moment des centaines, des milliers de fois. Allez, j'avance, il est trop tard pour reculer. Un pas après l'autre. J'y vais. J'y suis presque. Mon dieu, ça y est, je panique. Demi tour, demi tour, vite avant qu'elle ne s'en aperçoive ! Trop tard, elle m'a vu. Alors, je continue.
Souris. Non, pas comme ça, ça fait pervers. Bon, elle sourit aussi, c'est bon signe. Je suis l'homme le plus sexy de l'univers. Je suis l'homme le plus sexy de l'univers. Putain de méthode Coué.

Et, charmée par son approche timide, sincère et magnifique, elle sourit encore de nombreuses années.
 
26 Mars 2014
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Bonjour à toutes et à tous!! :) Je suis nouvelle sur le forum et je voudrais vous présenter un texte que j'ai écrit sur la rencontre, il est un peu long, désolée! Je vous souhaite bon courage et j'espère qu'il vous plaira!!
Bisous!



On sonne à l’interphone alors que j’erre dans l’appartement depuis presque 20 minutes, ne sachant malheureusement pas quoi faire de ma pauvre carcasse. Je réponds et une voix féminine, que je reconnais me demande de descendre. En pyjama, robe de chambre qui traine par terre, je prends mes escaliers et atterrit dans le hall de mon immeuble. Mes pieds nus caressent la poussière du sol. Elle est là, appuyée contre le mur à l’extérieur, elle écrase sa clope sur le béton, et pose son regard sur tous les objets sur lui sont présentés dans la rue. Elle m’attend et je la laisse patienter, savourant cet instant de puissance. Je me demande au final ce qu’elle veut de moi en cette après-midi ensoleillée. Elle finit enfin par me remarquer derrière la vitre de la porte d’entrée et m’adresse un signe de la main. Je m’approche doucement de l’intruse et lui ouvre. Elle me regarde, je la regarde. Pas un mot, pas un signe mais elle fonce sur moi. A deux doigts de m’embrasser, elle s’arrête et frôle mes lèvres. Je sens sur mes bras et mes mollets une vague de frisson qui m’assaille. Elle incruste ses yeux sur les miens et sourit.
-Tu veux une clope ?
-Pas de refus.
Elle sort de son sac un paquet de Camel et m’en tend une. Sous un silence tendu, nous fumons, aspirant sans relâche la fumée et la recrachant avec ferveur. Cependant, jamais nos regards se sont séparés, l’un dans l’autre, arrachés de leur orbite pour survoler nos corps nus sous nos habits en dentelles. Pas un seul instant ses lèvres ont quitté les miennes, pas un seul instant les frissons n’ont quitté ma chair. Quelque chose de physique se passe entre nous. Quelque chose d’infime, transparent, lourd et pressant. Attirante hyène, tachetée de sang et de gadoue. Elle secoue ses poils et je fonds. Je craque, biscuit salé, monstre de beauté. Je rampe sous ses draps de satin, poupée de paille, prête à prendre feu. Elle m’envoie sa fumée au visage. Je la vois à travers et mes cheveux brûlent.
-On monte ?
Je plonge encore un peu plus dans ces yeux. J’allonge les bras et les jambes dans l’acide de ses pupilles.
Retenant la porte, elle me passe devant, je retiens ma respiration pour ne pas succomber. Ses fibres se dispersent dans les bulles de savon de mes pensées.
A l’étage, les clés cliquettes sur la liquette et la grille du Paradis s’ouvre sur la libre Vénus. Tout est permis dans l’antre de Judas et chaque chose devient être. Toujours hyène, toujours fourbe, elle découvre et se découvre. Un peu plus et Eve se présente à moi, croquant ma pomme. Des traces de rouges à lèvres aux coins des genoux, un peu de lait au détour d’une rue.
S’allongeant sur le sofa rouge sapin, elle laisse entrevoir à travers ses hauts airs une tendance suicidaire. Elle roucoule sur la banquette, chouette se dit la chouette, la nuit va bientôt tombée. Elle glisse sur l’herbe mouillée du parquet et je fonce vers elle pour ne pas qu’elle s’assomme. Entre mes bras, ses rats se décrochent, je les laisse mourir. Son sourire éclaire la mare aux canards et fourmille de verre pilé. Je l’embrasse de toute mon envie, elle s’évapore. Réapparaissant au bout de la voie, le train la frôle, incitant les loups à sortir de leur tanière. Entre leurs griffes, elle perd pied et je l’embrasse encore. Nos lèvres déterrées enlisent la hache de guerre, mon corps se liquéfie et je m’abandonne à elle. Délivrée de mes sens, je la laisse prendre son scalpel et ouvrir mes tripes. Elle déballe une par une mes peines et les étalent sur la nappe. Elle dessine au creux de mon dos son avenir incertain, livré aux grès des vents sucrés. La douleur s’efface aux prix du plaisir et jamais désir n’a semblé plus fort qu’à l’instant de la morsure. Quand son esprit pénétre ma digue fendue, je ne puis retenir mes cordes vocales d’hurler ma haine. Je perds mon souffle. Je perds ma vue, mon touché, mon ouïe et mon goût. Seule sa présence nourrit mes sens.

Je frissonne seule sur ma couette, le cœur battant de piverts. Les cheveux entremêlés de suie, je noue des nœuds dans sa crinière sage. De longues boucles traversent le salon et dessinent sur la moquette des routes sinueuses, sauvages, la poussière galopant entre chaque versant. Allongée sur le ventre, elle regarde le ciel à travers le toit et susurre des phrases légères. Tortueux, et dénués de sens, les mots lient entre nous un lacet acerbe, acide et provocateur. Elle m’incite aux pires pensées,  mes bulles de savon explosent. Je roule sur le côté et secoue mes lianes au sol, déposant de fines brindilles, des feuilles rouges et bleues. Je roule de l’autre côté, et elle m’attrape, enlace ses doigts entre les courbes de mes hanches et crache sur le reste, comme un chat malade. Elle remue le venin à l’intérieur de mon sang, je bouillonne. Je la retourne sur la peau de chèvre puante, grouillante de vers et de limaces. De l’étage, on peut apercevoir le dessin d’une falaise creuse, remuante et changeante. Tout craque en dessous, je l’entends gémir mais elle m’appartient maintenant. De la courbe charnue et sèche de ses seins à l’ossature de ses chevilles, en passant par la chaleur de son sexe. Absolument chacun de ses pores transpirent sur les miens. L’amazone libertine se débat, rugissant chaton de coton. J’embrasse et arrache de mes dents la sirène chatouilleuse. Elle renverse la cadence et me voilà esclave de ses passions. Son regard s’amplifie, ses pupilles écrasent la rondeur farfelue de ses yeux. Je sens son désir au son de ses narines, qui soufflent et s’essoufflent.
-C’est par ou les toilettes ?
Du doigt, je lui fais deviner le lieu-dit. Elle soulève sa taille, ses lèvres et ses pieds, marche d’un pas assuré, raclant le sol de son index cassé. Je profite de la vue que sa marche m’offre et je sublime mes rêves de sa vision brumeuse. Elle revient quelques instants plus tard, habillée et rasée. Son vieux jean grisâtre, troué aux genoux et aux cuisses arpente ses jambes, à la manière d’un pot de peinture sec reversé sur elle.
-Je t’appelle.
Elle m’adresse un sourire, la clope déjà au bec et claque la porte avant de partir.

Libre à nous de croire que l’amour est volage, périmé et enjôleur. Il zigzague dans la mer suintante de nos vies, s’arrête parfois sur le ravage mais repart dès qu’il est apprécié. Car l’amour n’aime pas être aimé. A l’instant où il sent de l’amour en retour, il repart à reculons pendant notre sommeil. A notre réveil, c’est tout comme rien ne c’était passé. Ainsi, nous vivons incertain et tremblant, à l’affût sur la plage, de voir partir ou arriver, un amour désuet.

On sonne de nouveau à l’interphone en ce joli mois de mai. Plusieurs mois ce sont écoulés et la libellule a déjà fait son nid. J’entends parfois le matin, les plus jeunes larves réclamer justice. Cette fois habillée, je réponds à la sonnerie, qui s’avère être cette même inconnue. J’ouvre et rouvre, la porte magique de l’entrée. Cette fois, je la laisser monter. Elle frappe, ou plutôt gratte à ma porte, un joli petit chaton affamé. Je la laisser patienter, et l’observe à travers le judas de ma porte d’entrée. Elle ne sait pas où regarder et j’essaye de lire dans ces pensées. Je devine des flocons de feuilles, fleuries et bien nourries, dans des cases de verres polis. Dans ces mêmes cases, on peut goûter la rosée du soir et la brume du matin, entendre le coucher du soleil et caresser le cri des hirondelles. A côté, il y a plusieurs enclumes de plume, aussi brillante et soyeuse que le crin du cheval. Dessus, il y a inscrit le nom d’une multitude de personne : Anna, Arthur, Marguerite, Sabine, Gaspard, Sarah, Julie, Marie, Paul, Jules, Fanny, Violette, David, Simon, Barnabé, Justine, Xavier etc. Je les lies un par un et tente vainement de trouver leur origine. Dans les rosiers du jardin de ma voisine, il y avait aussi des prénoms écrits sur les pots en céramique. Cependant, ils étaient beaucoup moins nombreux et portaient une signification beaucoup plus profonde : il s’agissait des prénoms des enfants qu’elle avait perdu, qu’ils soient morts nés ou tout simplement mort. Yves, mort à 3 semaines dans son berceau, Eléonore morte à 6 mois noyée dans son bain, Hortense morte à l’âge de 9 et demi, renversée par un camion benne ou plutôt écrasée ou peut être étouffée par un monceau d’ordures, lâchée sur son petit corps frêle d’enfant. Puis venait Thibault et Jeanne, ses jumeaux, morts tous les deux à un jour d’intervalle, l’un étant tombé de la fenêtre gauche de sa chambre, l’autre étant tombé de la fenêtre droite de sa chambre. J’ai toujours pensé qu’une véritable malédiction c’était abattu sur cette pauvre vielle femme. Peut-être qu’elle avait conclu un pacte avec le diable, lui garantissant une progéniture abondante, tant qu’elle acceptait d’avoir des relations sexuelle avec lui. Elle se sera lassé de lui et par vengeance, il aura juré tuer tous ses enfants, un par un s’il le faudrait pour la punir de sa désobéissance.
Enfin bref, ma jolie brune m’attend toujours devant la porte et je lui ouvre enfin, vêtue d’une simple mais brûlante robe. Son regard n’a pas changé cependant. Vif, aiguisé, tendre et maladif. On sent son vertige sous ses pupilles ensanglantées. Le froid de l’extérieur s’engouffre dans les plis de ma robe et voyage sans détour au travers de ma chair. Je veux polir de mes griffes le haut de son crâne, lustrer ses cuisses de ma langue fourchue et râper ses seins de mes doigts cornus. Je ne cesserais jamais de vouloir d’elle et si elle se trouve devant moi à cet instant, je doute de son absence de désir envers moi. Je ne suis pourtant qu’une simple voisine, on se croise, se dit bonjour et bye-bye Blondie. Je crains de ne ressentir en moi la défaillance d’un  tracteur sous un soleil plombant. Je glisse sur le sol de l’entrée et c’est elle qui me tire jusqu’à ma chambre. Bordélique mais changée, cette pièce ressemble à deux gouttes d’huile à un musée fermé. Elle lance mon corps lourd sur mon lit et déplie mes membres. Etoile de mer sur son rocher coulant, j’attends depuis longtemps ce moment. Elle m’attache ensuite au barreau du lit et me voilà suspendu dans le vide de notre passion, prête à succomber sans protestation à nos jeux d’enfants. Cependant, elle me laisse la bouche ouverte, les yeux ouverts. Fantastique ! Je vais pouvoir sentir et jouir pleinement de son corps et ses caprices. Je pourrais entendre ses cliquetis, ses pas chassés sur mon ventre. Je pourrais goûter au désir et à la tendresse qui émanera de ses lèvres. De mes yeux grands ouverts, le spectacle sera émouvant et glaçant. Je rêvais du jour où je pourrais voir une hyène chasser son gibier.
Elle commence sa traque par me débarrasser de ma dentelle, chassant la poussière à coup de pelle. Craque, craque petit animal sans défense, cours, cours rongeur à pattes courtes. Ensuite, elle gigote légèrement et de son oreille sort un serpent. Elle le fait glisser doucement sur ma carcasse détendue et je sens la peau froide et visqueuse de l’animal sur ma peau enflammée. Il passe et repasse, accélérant à chaque passage. Je plisse mon corps entier sous son gourou. Soudain, il s’aventure dans des recoins sombres mais accueillants et mon échine se tord violement en deux, retenant ma respiration et mon éclat. Une fois terminé, elle siffle habilement et l’animal reprend place au creux de son oreille.
Toujours allongée, toujours soumise, j’attends de voir ma prochaine punition. J’observe dans ces yeux jaunes crocodiles des nuances orangés, brûlantes et malmenantes. Elle me veut du mal et j’adore ça. Elle s’approche de moi et caresse ma joue de ses dents criards. Sa langue pointue et sèche lime le bord de mes cils. Je sens son haleine fraîche et diabolique jouer avec mes nerfs hachés.
Elle détache alors les cordes de mes poignets et libèrent mes désirs, volants et murmurants. J’entends leurs paroles pressantes, leur volonté divine. Ils m’aspirent et m’ordonnent de courir vers elle, de lui mordre le cou et de laisser le sang se répandre la pelouse d’un jardin en hiver. De voir gouttes à gouttes la marée s’écrasée sur la neige doré. Je pressant sous son pouls une pression disgracieuse. Rien de beau, ni de doux, rien de léger ni de faux. Tout est sauvage, tout est grinçant.

Finalement, elle quitte la pièce plongée dans la nuit la plus lourde, par l’ouverture de la porte. Sur les murs blancs de ma chambre, on sent encore sa présence, on lèche sa sueur sur la commode du fond, on suit des doigts les griffures du matelas. Je la retrouve dans l’innocence d’un salon conformiste. La télé est allumée, le canapé confortable. Le buffet étouffé de vaisselle, le piano désaccordé. L’ordinateur clignote, les bougies vacillent.  De petites lumières clignotent elles aussi, signaux d’un mal en patience. Tout semble vide mais la voix nasillarde de la journaliste comble l’espace libre entre elle et moi. Je rampe vers ses pieds glacés et les embrasse.
-Si je reste là pour la nuit, me promets-tu de ne pas me manger ?
-Me promets-tu de dormir avec moi ?
Ses yeux profonds sourient et je pleure.
-Tu veux dire, dans le même lit ?
-Oui. Mais aussi dans le même esprit, dans le même rêve, dans la même peau, dans la même cuillère, dans le même pot, en boule et sous additif. Livrées et libre ensemble dans la nuit noire du crépuscule. Vendre cette nuit aux fantômes pour ne pas fermer les yeux et te cueillir au réveil d’Amok.
-Tu n’as pas peur qu’on étouffe ?
-On est déjà en apnée. On ne respire plus depuis longtemps. On suffoque et l’air manque.
Elle se lève et dirige son doigt vers cette femme à la télévision.
-Elle aussi suffoque ?
-Elle ? Je crains qu’elle ne soit déjà morte.
Elle parait sourire et je porte ma bouche à son oreille.
-C’est bientôt notre tour, alors profitons de ce qu’il nous reste d’oxygène pour rêver.
Elle m’embrasse et m’injecte un poison dans les veines. Le sang emplit ma bouche mais elle l’avale goulument. J’entends chaque gorgée coulée dans ses poumons. Quand j’ouvre de nouveau les yeux, elle se tient encore près de moi et je l’emporte sur le canapé. Toutes deux sur le dos, on regarde les étoiles brillantes du plafond. Elle brille de plus en brille, depuis que le soleil a quitté notre Terre. Soudain, le toit se soulève et je sens comme une odeur de brulé. Le plafond fond et pour la première fois depuis des mois, le ciel apparait sous mes mirettes grises, abasourdies et muettes. Il est encore plus beau que dans mes souvenirs. Il ressemble à un tableau impressionniste. Il vole au vent et les ovnis circulent librement, sans se soucier des frontières.
Elle me tient la main et je la serre encore plus fort. Elle a peur et je le sens. Je me tourne vers elle et la frôle des yeux. Elle se jette dans mes bras et c’est presque en essuyant ses larmes que je succombe à son charme. Je la console et la câline. Elle a besoin de moi et je la veux.
Sans s’en rendre compte, on s’envole dans les cieux, ensemble et jointe par nos deux mains, moites et perlées de gouttes brunantes. On a peur mais on s’aime. On ne sait pas où l’on va mais on s’aime. Tout nous semble étranger mais on se sent bien. Jamais je ne me suis sentie aussi heureuse et libre, aussi légère et vivante que dans ce cosmos multicolore. Elle me regarde et sur son visage torrentiel se glisse un espoir, une libération.
-Nous voilà chez nous, nous voilà à la maison.
Sous nos pieds, un monde en feu et obsolète disparait peu à peu, notre amour suffit aujourd’hui.

Deux cadavres ont été découverts ce matin dans un appartement du centre-ville. Il s’agit apparemment de deux femmes, leur identité n’a pas encore été dévoilé. Les victimes ont été retrouvés enserrés l’une contre l’autre, main dans la main et il semblerait même, d’après le voisin qui aurait découvert le corps, qu’elles souriaient. La cause de la mort n’a pas été officiellement déclarée, mais il semblerait d’après les premières estimations, qu’elles soient mortes d’overdoses. Plus d’informations sur notre site internet.



Bonne lecture!!
 

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