Sur l'informatique, je pose ça là, c'est très intéressant: https://www.ritimo.org/Les-femmes-et-l-informatique-histoire-d-une-exclusion-enjeux-de-la
Extraits:
L'informatique n'a pas toujours été vu comme un secteur masculin, loin de là. Si les filles s'orientent moins vers l'informatique parce que "c'est comme ça", que c'est naturel, et que le contexte social ne joue aucun rôle, comment se fait-il que leur proportion dans le secteur de l'informatique ait drastiquement changé au fil du temps ? Et en particulier qu'elle ait diminué dans les dernières années ?
Soit dit en passant, ce n'est pas honteux, ni le signe qu'on est une "pauvre petite chose influencée par la société", de dire qu'on subit l'influence du contexte social jusque dans ses choix d'études, ses choix professionnels et même ses goûts en matière de loisirs. Même insidieuse, même quand c'est une question de représentation (i.e. qui sont les scientifiques dans les films, de quels grands noms en science on apprend les exploits - sachant que beaucoup de femmes ont vu leurs découvertes réappropriées par des hommes, je pense notamment à Marthe Gautier, découvreuse de l'origine chromosomique de la trisomie 21, qui s'est fait chiper la vedette par Jérôme Lejeune qui avait pourtant eu un rôle beaucoup plus marginal). Parce qu'on l'est tous. Et je m'inclus très largement.
Parce que j'étais une petite fille, on m'a offert moins de jeux de construction, de représentation spatiale ou de guerre que si j'avais été un petit garçon. Parce que j'étais issue de CSP+, on m'a présenté le fait de faire une prépa comme une évidence vu que j'étais bonne élève, parce que c'est "ce qui se fait" (ce n'est pas le cas dans toutes les familles). Parce que je suis française, les stéréotypes de genre auxquels j'ai été exposée petite sont ceux qui correspondent à la culture de ce pays dans les années où j'ai grandi (i.e. en Inde l'informatique c'est toujours pas un truc d'hommes). Etc.
Extraits:
Trois autres facteurs expliquent pourquoi les femmes ont été massivement embauchées comme codeuses entre les années 1940 et 1970. Premièrement, le code était une discipline émergente : l’activité n’était pas professionnalisée au sens où il n’y avait pas de diplôme de codeur, pas de société de professionnel·les et pas non plus de définition consensuelle et précise de l’activité. Le métier étant nouveau, les embauché·es ne pouvaient être que néophytes, ce qui a grandement bénéficié aux femmes : c’était donc les employé·es le plus en bas de l’échelle, à savoir les femmes, qui avaient le plus d’intérêt à postuler. D’ailleurs le critère d’embauche fut dans un premier temps un simple test de logique : nul besoin de diplôme ou d’une expérience préalable, ce qui aurait pénalisé les femmes qui étaient de fait moins diplômées. Deuxièmement, l’obtention d’un diplôme dans une discipline ne garantissant en rien l’obtention d’un poste dans celle-ci tant le sexisme était important, de nombreuses femmes entrantes dans l’éducation supérieure se sont orientées vers l’informatique où le problème semblait ne pas se poser. De plus, des doctorantes en astrophysiques, des mathématiciennes, des physiciennes... qui ne trouvaient pas de travail ou voyaient leur évolution professionnelle bloquée, se sont tournées vers l’informatique pour y occuper des postes nécessitant des opérations très complexes. Enfin, troisième facteur, l’informatique se développant à toute allure, le besoin en main d’œuvre pour utiliser les machines explosa. Par économie, les entreprises se tournèrent vers un des groupes sociaux économiquement les plus exploités : les femmes. Un argument de vente récurrent des fabricants d’ordinateur était qu’il « suffisait » d’une femme pour le faire fonctionner – sous-entendant non seulement que si même une femme peut y arriver alors tout le monde peut s’en servir, mais aussi que cela ne reviendrait pas trop cher aux entreprises.
À partir des années 50, parallèlement à l’embauche massive des femmes, un nouveau modèle de compréhension de ce qu’est le code, qui deviendra par la suite hégémonique, commence à émerger. Les limites matérielles des machines, en particulier leur faible mémoire, imposait de réduire son code sans perdre en efficacité, donc de passer du temps à plancher sur des problèmes très restreints pour bricoler des solutions ingénieuses ; chaque machine avait ses spécificités et les solutions d’un codeur n’étaient pas toujours transposables. De là naît l’image d’un génie créatif et singulier exerçant une forme de magie noire – image renforcée par une série de tests de personnalité qui ont eu un fort retentissement à l’époque, les dépeignant comme des hommes blancs, chevelus et antisociaux. Cette image, appartenant largement au domaine du fantasme, s’est cependant rapidement traduite par une politique à l’embauche dans les entreprises informatiques qui se sont mis à privilégier ce profil en introduisant des tests psychométriques. À la fin des années 1960, quand des enquêtes plus sérieuses furent menées sur les codeurs [4], ils retrouvèrent de façon prévalente ces caractéristiques, renforçant ce stéréotype.
Le coup de grâce aura été porté par ce qui se présentait pourtant comme la promesse de démocratisation de l’informatique : l’arrivée des Personal Computers dans les foyers [5]. Quand les parents achetaient un ordinateur familial, celui-ci était dans la plupart des cas installé dans la chambre d’un fils ; les pères encourageaient leurs fils à s’approprier l’ordinateur et passaient du temps avec eux pour les aider, alors que les filles devaient « se battre pour avoir un peu d’attention ». Dans le même sens, les publicités pour ces ordinateurs – Commodore 64, TRS-80, Apple I & II – étaient entièrement tournées vers les garçons. Ainsi, les jeunes hommes ont été bien plus exposés à l’informatique, dès leur enfance, que les femmes. Arrivés à l’université, les jeunes hommes étaient en avance sur leur formation informatique.
L'informatique n'a pas toujours été vu comme un secteur masculin, loin de là. Si les filles s'orientent moins vers l'informatique parce que "c'est comme ça", que c'est naturel, et que le contexte social ne joue aucun rôle, comment se fait-il que leur proportion dans le secteur de l'informatique ait drastiquement changé au fil du temps ? Et en particulier qu'elle ait diminué dans les dernières années ?
Soit dit en passant, ce n'est pas honteux, ni le signe qu'on est une "pauvre petite chose influencée par la société", de dire qu'on subit l'influence du contexte social jusque dans ses choix d'études, ses choix professionnels et même ses goûts en matière de loisirs. Même insidieuse, même quand c'est une question de représentation (i.e. qui sont les scientifiques dans les films, de quels grands noms en science on apprend les exploits - sachant que beaucoup de femmes ont vu leurs découvertes réappropriées par des hommes, je pense notamment à Marthe Gautier, découvreuse de l'origine chromosomique de la trisomie 21, qui s'est fait chiper la vedette par Jérôme Lejeune qui avait pourtant eu un rôle beaucoup plus marginal). Parce qu'on l'est tous. Et je m'inclus très largement.
Parce que j'étais une petite fille, on m'a offert moins de jeux de construction, de représentation spatiale ou de guerre que si j'avais été un petit garçon. Parce que j'étais issue de CSP+, on m'a présenté le fait de faire une prépa comme une évidence vu que j'étais bonne élève, parce que c'est "ce qui se fait" (ce n'est pas le cas dans toutes les familles). Parce que je suis française, les stéréotypes de genre auxquels j'ai été exposée petite sont ceux qui correspondent à la culture de ce pays dans les années où j'ai grandi (i.e. en Inde l'informatique c'est toujours pas un truc d'hommes). Etc.