«Pourquoi je dois subir ça déjà?»
«Parce que c'est le mariage de la petite cousine de ton père et que tu dois y assister. Désolée mon poussin mais tu n'y échapperas pas.»
«Hum super...»Tout ça à cause de ces foutus liens du sang... Ca donne toujours de jolis films avec des spaghettis, de la belle musique, Al Pacino et tout mais dans la vraie vie ça vous force à assister au mariage de la cousine Lucile et de son cher et tendre Alfred. Ok, j'avoue ne pas y mettre de la bonne volonté mais faut dire que je sais déjà comment ça va se passer.
10 heures zéro zéro. La cérémonie va commencer. Lucile fait son apparition. Je meurs. Déjà les poules se pressent autour de leur reine, la félicitent pour son beau maquillage bleu métallisé, ses cheveux blonds gaufrés si en vogue dans les années 80 et pour ses nouvelles dents si bien mises en valeur par un rose à lèvres d'un goût certain. Ca ressemblerait presque à un ballet aquatique, tous ces chapeaux immenses pour de si petites têtes, toutes ces couleurs qui virevoltent, dansent autour de la mariée. Je cherche à me frayer un chemin, mes pieds sont écrasés, les poules ne me voient pas, encore éblouies par l'apparition de la grâce en personne, elles me bousculent se retournant juste pour voir sur quoi elles ont buté. Mais je m'en sors. J'ai pas le gabarit d'une fée clochette, je décide de la jouer rugbyman, et après avoir affronté quelques mines outrées, je m'assois enfin à ce qui me semble être la meilleure place. Loin. Très loin.
Entendons nous bien, c'est pas que le bonheur soit pas contagieux, c'est que ces gens là, comment dire, j'y arrive pas. C'est la même chose à chaque fois, dès que je pose un pied sur la campagne natale de mon père, c'est la même histoire. On me regarde de travers d'abord, la ptite citadine qui débarque chez son pôpa, qui doit sûrement croire que les poissons, c'est carré et pané, qu'est pas capable de retirer sa chaussure pour tuer une araignée. Et puis on préjuge vite, les gens de la ville y sont hautains, ça juge et ça vous prend de haut. Pourtant moi j'ai jamais jugé personne. J'ai toujours eu envie moi de découvrir d'autres milieux, d'autres gens, d'autres vies. On m'en laisse pas le choix, et à longue, ces séjours commencent à me laisser un goût amer. Alors de devoir regarder Lucile, l'applaudir, faire comme si, ça m'enchante pas, forcément. Mais maman m'a dit de rien dire, de me tenir, d'arrêter un peu avec mon caractère. T'entends caractère? Reste en veilleuse. Quand la cousine Lucile viendra te demander avec sa fausse naïveté comment tu la trouves, évite de lui dire qu'elle ressemble à une prostituée à bas prix. Quand la tante Jacqueline te regardera de haut parce que «*t'es bien grasse ma poulette, moi regarde j'ai fait le régimeuh Ducanne*» retiens toi de lui dire que sa gaine ne trompe personne. Quand la grand mère critiquera tes choix de vie, ton métier qui paie pas, évite de lui rappeler que elle, justement, elle a jamais rien foutu de sa chienne de vie. Faudra laisser les gens faire comme si, comme si ils étaient grands, faudra les laisser parler, rentrer dans leur jeu... Pas de catastrophes a dit maman.
23 heures zéro zéro. L'abus d'alcool est-il dangereux pour la santé? Pas aux vues des quantités ingurgitées. Ca se soule et ça rigole, mais j'ai tenu bon, j'ai noyé mon vin dans mon eau. C'était pas si terrible après tout et puis le cadre est sympa. Je sortirai bien un peu d'ailleurs. J'enlève ces talons qui me blessent, je sens l'herbe fraîche sous mes pieds, l'air est devenu plus léger, mon coeur est déjà un peu moins serré.