J'ai l'impression que votre représentation du métier de boucher, c'est vendre sa viande sur un présentoir. Mais ce n'est pas ça être boucher. Vos messages, en réalité, me choquent. J'ai grandi avec un grand-père paternel boucher, et pour ma part je sais de quoi je parle, c'est un sujet qui ne m'amuse pas du tout.
Être boucher, c'est vivre toute la journée dans ce cadre :
Vous vivez avec les cadavres, les salles réfrigérées. Vous découpez des corps. Vous savez ce que c'est découper un corps ? L'épaisseur d'une peau de porc ? Comment on s'acharne dessus ? Les couteaux énormes que l'on utilise ? Couper une bête morte demande un usage de l'outil similaire à un bûcheron qui coupe un arbre : de l'archarnement, de la force. Les os pètent, le cartilage saute, la chair gicle sur vous. Le sang explose. Et l'odeur ? Connaissez-vous l'odeur ? Les centaines de kilogrammes de corps, de viande, d'abats dans lesquels vous vivez ? Vous savez comment les corps d'animaux vous sont livrés ? Vous avez déjà vu un lapin écorché ? Oui, un écorché de lapin (ça ressemble à un chat), avec les yeux noirs sur le fond rouge vif des muscles encore chaud. On arrache la fourrure, et hop, le beau lapin tout nu. Et BAM, on coupe les os, on arrache des jambes comme on arrache une cuisse de poulet cuit. Ce sont des animaux morts manipulés comme des objets. Des animaux que vous voyez écartelés, vidés. Vous avez déjà vu des boyaux, des animaux vidés ? Un poisson vidé c'est écoeurant hein ? Imaginez un boeuf, un cochon, un agneau, un mouton. Et puis on coupe à la hache les pieds de porc. Couper un os, essayez vous verrez, comment c'est inhumain, comment il faut s'acharner. Vous vivez avec les gêlées, les yeux de lapin écorchés, les carcasses de boeufs, l'odeur de la mort, de la chair glacée. Les corps sont lourds, c'est très lourd à porter l'animal. C'est comme l'humain, la chair humaine, il n'y a rien de différent.
Vous avez les têtes de porc aussi, des groins qui traînent. Des vrais. Aussi vrais que nature, sauf qu'ils sont immobiles, figés. C'est le musée des horreurs, être boucher. Et l'odeur, cette odeur persistante, qui reste sur les vêtements, qui s'imprègnent dans la peau, je m'en souviendrai.
Vous savez comment on fait les saucisses ? La viande hachée que l'on fait progressivement passée dans des boyaus qui ont été vidés et nettoyés (par vos soins). Des beaux boyaux blancs, un peu transparents. La viande est accrochée dans des crochets de boucher (
image tirée d'un film, très fidèle à la réalité). Vous savez la sensation que ça fait, d'enfoncer de la chair dans un crochet ?
Vos messages me choquent, parce qu'en plus d'être des discours inconscients (non-informés), vous croyez sincèrement que vous pourriez faire le métier de boucher, alors que je ne vous donne même pas 24h dans ce métier. Si vous avez des chats vivants, vous imaginerez aisément ce que ça peut faire de s'occuper du corps d'un animal, et comment était la bête avant qu'elle ne soit tuée.
Ca ne m'étonne pas que les gens soient aussi carnivores, ils n'ont pas conscience de ce qui se passe avant qu'ils soient devant ler morceau de bifteak passé au grill. Mais allez, allez dans un abattoir. Juste une heure. Assistez aux abattages, aux transports des bêtes. Et allez, je vous en prie, travailler dans une boucherie. Être boucher ce n'est pas proposer de la viande rouge à Géant Casino devant son rayon, le travail de boucher c'est tout ce qui se passe à l'arrière et que vous ne voyez pas.
Mon grand-père était boucher, ma mère a travaillé en abattoire de volailles, a récupéré des poules pondeuses, mes grand-parents maternels abattaient et faisaient leurs propres viandes, une partie de ma famille sont des chasseurs. Je sais ce que c'est tuer, les cadavres, le coût d'une vie, la violence et les odeurs, la découpe de la chair et du corps, alors lire ce genre de discours naïfs est pour moi intolérable. Il faut s'informer et aller voir la réalité.