@MissBlastocyste Je ne sais pas trop à quel discours politique tu fais référence ou sur quoi tu as pu tomber, mais "les populations russes du Donbass", tel que beaucoup se les imaginent en France, c'est à moitié un mythe... Mythe qui s'est construit avec une bonne dose de propagande russe, laquelle a atterri sur un terrain assez favorable parce qu'en France, si on entend parler de "minorités linguistiques", on pense tout de suite au breton ou au basque qui ont été en danger de disparition; alors que si on voulait vraiment une analogie avec la France, le statut du russe en Ukraine, c'est pas celui du breton en France, c'est celui du français en Algérie (en très gros l'analogie évidemment).
Dans le sud de l'Ukraine, où j'ai habité, le pourcentage d'habitant.e.s qui déclaraient le russe comme leur langue de tous les jours était assez similaire à celui du Donbass, la religion majoritaire était la même que celle du Donbass, les grandes tendances politiques étaient les mêmes, les deux régions avaient fait partie de la "novorossia" (agrandissement de l'empire russe dans la seconde moitié du 18° siècle), et les deux régions avaient voté à un peu plus de 80% pour faire partie de l'Ukraine indépendante lors du référendum de 91. Et j'étais aussi dans une ville plutôt industrielle. Bref, sociologiquement, y'avait pas grand-chose de flagrant pour les distinguer. Mais comme on était assez loin de la frontière pour ne pas voir arriver les troupes russes, on a jamais connu de "leaders séparatistes" voulant faire sécession, et y'a jamais eu d'intervention de l'armée, jusqu'en 2022. Les provocateurs russes infiltrés, par contre, on les a bien vus, même si tout le monde ne comprenait pas sur le coup ce qui se tramait. Les "manifestations pro-russes" dont les médias russophones disaient qu'elles ont rassemblé 300 000 personnes, alors que moi, quand je les ai croisées, j'aurais dit 500 à tout casser (et 500 dont on sait pas d'où ils viennent, parce que hors de ces "manifestations", je n'ai vu en tout et pour tout qu'une fois quelqu'un porter un ruban aux couleurs des pro-russes, alors que les rubans bleu et jaune fleurissaient partout). Les tags avec des croix gammées et des noms de groupes d'extrême-droite qui apparaissaient sur les murs et que des journalistes photographiaient en illustration de leurs articles sur "la junte néo-nazi qui a pris le pouvoir à Kiev" (un gouvernment d'interim composé de membres élus du parlement...), alors que les tags utilisaient l'orthographe russe, ce qui est quand même hautement suspect de la part d'ultra-nationalistes ukrainiens... Mais comme l'armée russe, à l'époque, n'était pas arrivée jusque là, ça s'est tassé tout seul en quelques mois. Les élections anticipées qui ont suivi se sont déroulées à l'échéance prévue par la Constitution et ont été jugées globalement régulières, il n'y a pas eu de grosse fracture sur les résultats d'une région à l'autre, et le sud de l'Ukraine est redevenu une région plutôt sûre pour les 8 années suivantes. Même dans les oblasts de Donetsk et Louhansk, dans les parties qui n'étaient pas occupées par la Russie, la vie a pu reprendre à peu près normalement quand la ligne de front s'est gelée.
Pour la question de la mémoire de l'Holodomor, c'est compliqué de répondre, c'est pas un sujet que je me souviens avoir abordé avec des gens que je connais (un autre Français que j'avais croisé lors de mon premier séjour en Ukraine m'avait dit que lui, des gens lui en avaient parlé en lui disant qu'il fallait savoir ça pour comprendre l'histoire du pays, et c'est à peu près tout). Et pourtant j'ai abordé vraiment beaucoup de sujets historiques avec vraiment beaucoup de gens... C'était évidemment interdit d'y faire référence pendant toute la période soviétique; pour ce qui est de la transmission orale, il y a eu nombre de villages entiers où il n'est plus resté un seul survivant pour témoigner; et pour ceux et celles qui ont survécu, ça touche à des sujets hautement tabous. Les archives existent par contre, elles ont été rendues publiques à la chute de l'union soviétique, autant les registres de décès que les ordres transmis ou le suivi des exportations agricoles qui permettent de prouver le caractère intentionnel (y'a encore des communistes pour affirmer que "si 30% de la population est morte de faim sur les terres agricoles les plus riches d'Europe, c'est la faute à la météo")
Dans le sud de l'Ukraine, où j'ai habité, le pourcentage d'habitant.e.s qui déclaraient le russe comme leur langue de tous les jours était assez similaire à celui du Donbass, la religion majoritaire était la même que celle du Donbass, les grandes tendances politiques étaient les mêmes, les deux régions avaient fait partie de la "novorossia" (agrandissement de l'empire russe dans la seconde moitié du 18° siècle), et les deux régions avaient voté à un peu plus de 80% pour faire partie de l'Ukraine indépendante lors du référendum de 91. Et j'étais aussi dans une ville plutôt industrielle. Bref, sociologiquement, y'avait pas grand-chose de flagrant pour les distinguer. Mais comme on était assez loin de la frontière pour ne pas voir arriver les troupes russes, on a jamais connu de "leaders séparatistes" voulant faire sécession, et y'a jamais eu d'intervention de l'armée, jusqu'en 2022. Les provocateurs russes infiltrés, par contre, on les a bien vus, même si tout le monde ne comprenait pas sur le coup ce qui se tramait. Les "manifestations pro-russes" dont les médias russophones disaient qu'elles ont rassemblé 300 000 personnes, alors que moi, quand je les ai croisées, j'aurais dit 500 à tout casser (et 500 dont on sait pas d'où ils viennent, parce que hors de ces "manifestations", je n'ai vu en tout et pour tout qu'une fois quelqu'un porter un ruban aux couleurs des pro-russes, alors que les rubans bleu et jaune fleurissaient partout). Les tags avec des croix gammées et des noms de groupes d'extrême-droite qui apparaissaient sur les murs et que des journalistes photographiaient en illustration de leurs articles sur "la junte néo-nazi qui a pris le pouvoir à Kiev" (un gouvernment d'interim composé de membres élus du parlement...), alors que les tags utilisaient l'orthographe russe, ce qui est quand même hautement suspect de la part d'ultra-nationalistes ukrainiens... Mais comme l'armée russe, à l'époque, n'était pas arrivée jusque là, ça s'est tassé tout seul en quelques mois. Les élections anticipées qui ont suivi se sont déroulées à l'échéance prévue par la Constitution et ont été jugées globalement régulières, il n'y a pas eu de grosse fracture sur les résultats d'une région à l'autre, et le sud de l'Ukraine est redevenu une région plutôt sûre pour les 8 années suivantes. Même dans les oblasts de Donetsk et Louhansk, dans les parties qui n'étaient pas occupées par la Russie, la vie a pu reprendre à peu près normalement quand la ligne de front s'est gelée.
Pour la question de la mémoire de l'Holodomor, c'est compliqué de répondre, c'est pas un sujet que je me souviens avoir abordé avec des gens que je connais (un autre Français que j'avais croisé lors de mon premier séjour en Ukraine m'avait dit que lui, des gens lui en avaient parlé en lui disant qu'il fallait savoir ça pour comprendre l'histoire du pays, et c'est à peu près tout). Et pourtant j'ai abordé vraiment beaucoup de sujets historiques avec vraiment beaucoup de gens... C'était évidemment interdit d'y faire référence pendant toute la période soviétique; pour ce qui est de la transmission orale, il y a eu nombre de villages entiers où il n'est plus resté un seul survivant pour témoigner; et pour ceux et celles qui ont survécu, ça touche à des sujets hautement tabous. Les archives existent par contre, elles ont été rendues publiques à la chute de l'union soviétique, autant les registres de décès que les ordres transmis ou le suivi des exportations agricoles qui permettent de prouver le caractère intentionnel (y'a encore des communistes pour affirmer que "si 30% de la population est morte de faim sur les terres agricoles les plus riches d'Europe, c'est la faute à la météo")