Extraits de Substance Mort, Philip K. Dick :
" Tout homme n'aperçoit qu'une parcelle infime de la Vérité, et bien souvent, sinon (...) perpétuellement, il se leurre à dessein sur la nature de ce précieux fragment qu'il détient. Une part de lui-même se retourne contre lui et agit comme un autre sujet. Ainsi l'homme se défait-il de l'intérieur. Un homme à l'intérieur de l'homme, ce qui ne fait point d'homme. "
" Que peut voir une caméra ? Que voit-elle vraiment ? Voit-elle dans la tête ? Plonge-t-elle son regard jusqu'au coeur ? Voient-elles clairement ou obscurément en moi -en nous-, la caméra infrarouge ancien modèle, et la caméra holographique nouveau modèle ? J'espère qu'elles voient clairement, parce que ces temps-ci, moi je n'y vois plus en moi. Je ne vois que du brouillard. Brouillard à l'extérieur ; brouillard à l'intérieur. Pour le salut de chacun, j'espère que les caméras ont une meilleure vue. Car si la caméra n'y voit qu'obscurément, comme j'y vois moi-même, nous sommes tous maudits, maudits comme nous n'avons jamais cessé de l'être, et nous mourrons ainsi, en sachant peu et en sachant mal le peu que nous savons. "
" Il faut posséder la plus haute forme de sagesse, songea-t-elle, pour savoir quand on doit recourir à l'injustice. Comment la justice peut-elle jamais devenir victime du droit ? Comment ça peut arriver ? C'est une malédiction qui pèse sur ce monde, et j'en ai la preuve sous mes yeux. Quelque part, au niveau le plus profond, le mécanisme, le tissu des choses a craqué, et des lambeaux épars est né ce besoin qui nous pousse aux injustices les plus troubles au nom du choix le plus sage. Et maintenant, la nature des choses en est toute imprégnée. Ca s'est infiltré en chacun de nous. (...) En un temps plus que lointain. Avant la malédiction, avant que tout et chacun devienne ce qu'il est aujourd'hui. L'âge d'or, quand justice et sagesse se confondaient. Avant que tout éclate en fragments coupants. En échardes qu'on ne peut réarranger, aussi dur qu'on essaie. "