Y'a longtemps, un monsieur sdf est entré dans la rame du métro dans laquelle j'étais. Il était un peu soûl, il demandait pas de sous (il l'a précisé lui-même) mais il a fait un petit discours sur l'implication des politiques, l'injustice telle qu'elle était vraiment et non pas celle décrite par les hommes politiques, il dénonçait un peu les abus du socialisme, mais aussi ceux du libéralisme, il dénonçait les abus tout court, il était à deux doigts de pleurer. Pas à la manière d'un rebelle de pacotille, il parlait avec désespoir et lucidité. La rame entière se taisait, je n'ai jamais connu un silence aussi pesant, la dame en face de moi m'a lancé un regard du style "ne t'inquiète pas, il est fou le monsieur", et j'ai dit, sans vraiment réfléchir aux conséquences je dois bien l'admettre, "ce n'est pas faux".
Le monsieur m'a souri, il a dit qu'il aimerait que tout le monde ose dire ce qu'il pense et qu'il trouvait ça bien que la jeunesse se manifeste, la rame m'a regardée comme si j'avais une tartiflette sur la tête, on est arrivés à la station suivante, le monsieur est descendu, moi pas.
C'est p't'être la rencontre la plus merveilleuse et la plus succincte que j'ai jamais faite, celle qui n'a fait qu'aggraver mon penchant passionné pour les transports en commun.