Il y a quelques temps j'avais écrit une série d'articles sur la télé réalité. Suite à l'article "Nabila chez le supplément" je me suis rappelée de ce que j'avais écrit alors et qui me semblais toujours d’actualités.
Je le poste ici en espérant pouvoir en débattre avec des madz
Il y a quelque temps paraissait sur madmoizelle l’article « Pourquoi « Les Anges de la téléréalité » me fascinent ». Après avoir commenté ce dernier pour expliquer que la tv réalité, c’est mal voy’ez ? Je me suis dit que la réflexion à mener dessus était plus large.
Je me suis concentrée sur les émissions d’enfermement, celle ou l’argument premier est de mettre en scène des candidats qui nous portent à rire. Et si nous prenions ce sujet sérieusement, que peuvent nous apprendre la psychologie et la sociologie ?
Cette série se découpe en trois articles le premier sur les candidats, le second sur les spectateurs et le dernier sur les excuses que nous utilisons pour les regarder.
Les candidats :
Ces émissions sont un peu comme une salade niçoise il y a des éléments obligatoires : la bimbo, le manipulateur machiavélique, la drama queen, du chedar en cube…. Pourtant à y regarder avec plus de précision ces candidats sont issus d’un milieu et d’une histoire semblables.
Le milieu social
Si vous deviez décrire un candidat à quelqu'un n'ayant jamais vu un show, il y a fort à parier que vous commenceriez par mentionner :
1. son manque abyssal de culture
2. sa maitrise approximative du français.
Vous allez sans doute même le décrire par une saillie où il maltraite le français et l'intelligence.
Non décidément il n'est pas bien malin, on dirait qu'il n'est jamais allé à l'école, ou que cette dernière a échoué avec lui. On dirait que ses parents n'ont pas réussi à l'éduquer, d'ailleurs est-ce qu'eux-mêmes l'étaient ?
Vous connaissez tous Bourdieu et sa théorie de reproduction sociale. Et pour les autres cela peut se résumer par : réussissent à l’école ceux qui ont à la maison la culture déjà à portée de mains. Que les enfants de prof deviennent prof. Ceux de médecins : médecins… Mais quand vous naissez dans un milieu pauvre culturellement que reproduit-elle ? Quand vos parents eux-mêmes ne peuvent vous apporter cette culture car eux même ne l'ont pas reçue ?
La vie m'a amené à parfois côtoyer ce genre de personnes, peu d'éducation, une mauvaise maîtrise du français, se prenant dans la gueule des portes énormes à cause de ça. Etrangement le rire n'est pas la première chose qui m'est venue à l'esprit mais plus "mon Dieu comment notre pays peut-il laisser ses enfants sur le bas-côté ?" Et surtout "comment les aider ?"
Aux Etats-Unis il y a un terme, celui de "White Trash" littéralement : déchet blanc. Il décrit cette classe sociale si basse qu'à l'époque de l'esclavage on la considérait comme inferieur aux noirs. Les romans de Tennessee Williams les décrivent, Eminem s'en réclame. Il n'y a pas de terme équivalent en français, mais l'américain décrit très bien cette population pauvre et tout le mépris de classe que l'on a envers eux. Cette catégorie pauvre et non-éduquée dont on se moque pour sa rustrerie, sa saleté, son inintelligence, sa brutalité, sa possible consanguinité… Oui exactement les même clichés que ceux que nous avons sur les gens du nord…
La fabrique candidat
Quand j'étais petite je voulais être soigneuse de baleines. En plus de témoigner d'un intérêt pour le bien-être d'un futur composant de rouge à lèvre, il explique également que j'ai grandi dans un milieu où je savais qu'il existait des soigneurs pour animaux et que les baleines étaient une espèce menacée.
Imaginons que j'ai grandi dans un milieu sans cette culture, alors la seule à laquelle j'aurais eu accès était la télévision. Qu'aurais-je vu alors? Quels rêves auraient été proposés à cette adulte en devenir que j'étais ?:
-chanteuse
-actrice
-mannequin (soit exactement les professions choisie par les anges)
Donc après l'échec de l'école à éduquer, parlons de celui de la télé. Car l'image que ces jeunes ont eue de ces professions fut la plus basse et la plus criarde possibles. En gros ne nous sont montré ces métiers qu’à l’orne de la célébrité qu’ils apportent, cette dernière étant vue, après l’argent, comme la preuve ultime de réussite. Pas étonnant alors que ces métier soient interchangeable dans le CV des candidats, car c’est la notoriété potentielle qu’ils apportent qui est visée.
Le drame étant que justement ces métiers requièrent une culture et un sens de l’art que les candidats n’ont pas. On nous présente des acteurs et ne nous parle jamais de la "méthode", on nous parle de chanteur mais ne nous parle jamais de tessiture et ne nous parle jamais de : "Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson".
L’ambition
Voilà donc nos jeunes avec un idéal et une vision de la réussite professionnelle. Et c'est à partir de ce moment que nous devrions plutôt être admiratifs.
Car eux, arrivant devant la conseillère d'orientation qui les regarde derrière ses lunettes maintenues par une chainette en or deux carras, tout en préparant mentalement les brochures pour devenir casseur de cailloux avec sa tête ou égorgeuse d'anchois non qualifiée, ont fait "no way".
C'est qu'ils avaient l'ambition d'être autre chose que ce qu'on avait planifié pour eux. Ils avaient même l'ambition d'être au niveau social le plus élevé qui leur avait été présenté : célèbre.
L’Ego
C'est donc armé en tout et pour tout d'un bagout et d'un égo démesurés que ces jeunes se rendent à des castings. Et je crois qu'il y a là une énorme méprise.
Nous vivons dans un monde et une époque très dichotomiques sur la question de l'égo. Notre morale judéo chrétienne nous enseigne que l'égo, c'est mal, voyez ? Que la modestie est une valeur cardinale et à ne surtout pas nous mettre en avant. (Et ce surtout pour les femmes.)
D'un autre côté, on a l'explosion d'un individualisme mercantile. Il faut s’affirmer, être soi, être différent, être le meilleur.
Il est très clair que ces jeunes ne veulent pas naviguer entre ces deux eaux et ont choisi d'explorer à fond la seconde voie.
« Mais j'ai le droit de me moquer, se dit-on alors, rabaissons le caquet de ces gens et apprenons leur la modestie. Car après tout il faut bien dégonfler cet égo, cela ne peut lui faire de mal ». Or, comme bien souvent les choses ne sont pas ce qu'elles semblent.
Afficher une trop grande confiance, de façon presque hargneuse, est souvent signe d'une grande insécurité intérieure. Le psychanalyste Alfred Adler, disciple de Freud et théoricien des complexes de supériorité et d’infériorité disait à ce propos « [….], si l'on enquête sur un complexe de supériorité et qu'on étudie ses caractéristiques, nous pouvons toujours trouver un complexe [sentiment] d'infériorité plus ou moins enfoui ».
Une personne Secure sur ce plan n'aura pas besoin de se montrer outrageusement, car elle existe en dehors du regard de l'autre. Mais pour ces jeunes qui n'existent que dans ce cadre, l'insécurité est grande. Et en les attaquants paradoxalement ce mécanisme de défense se renforce.
Promotion du sexe
S'il est évident que les chaînes choisissent des gens agréables physiquement le candidat de télé réalité se distingue par une hyper sexualisation. Les filles seront toujours fort girondes et habillées d'une manière hyper féminine et caricaturale. Les hommes quant à eux seront musclés, et exhiberont très facilement ces attributs. Sachant que leur physique est un grand atout dans leur carrière, les candidats le mettent en avant au maximum.
C'est intéressant car les critères de beauté en vigueur sont légèrement différents : ils vont vers des formes plus atténuées pour les femmes et plus de "pudeur" pour les deux sexes.
L'explication n'est pas glorieuse : Slut shaming. Malheureusement derrière ça nous avons pour beaucoup une logique de "ralala ces filles et hommes très sexy sont des imbéciles, je peux donc les désirer sans les respecter". (Promenez-vous dans les commentaires sous les vidéos de Nabila et amusez-vous à voir le slut shaming et les apologies du viol…)
Tv mère indigne
C'est la télé qui a nourri les aspirations et les rêves de ces jeunes, c'est donc vers elle qu'ils se tournent pour les réaliser. Dans ce monde où l'on est ce que l'on montre ils s'imaginent trouver qui ils sont par l'exhibition. Mais la Tv est une mère indigne et là où ils espèrent se trouver on ne leur offrira au final que d'être caricaturés et un divertissement à leur dépend.
La boucle est bouclée de manière tragique.
Nous verrons dans le deuxième article pourquoi la téléréalité dans le font, obéis a des mécanismes très anciens.
Je le poste ici en espérant pouvoir en débattre avec des madz
Il y a quelque temps paraissait sur madmoizelle l’article « Pourquoi « Les Anges de la téléréalité » me fascinent ». Après avoir commenté ce dernier pour expliquer que la tv réalité, c’est mal voy’ez ? Je me suis dit que la réflexion à mener dessus était plus large.
Je me suis concentrée sur les émissions d’enfermement, celle ou l’argument premier est de mettre en scène des candidats qui nous portent à rire. Et si nous prenions ce sujet sérieusement, que peuvent nous apprendre la psychologie et la sociologie ?
Cette série se découpe en trois articles le premier sur les candidats, le second sur les spectateurs et le dernier sur les excuses que nous utilisons pour les regarder.
Les candidats :
Ces émissions sont un peu comme une salade niçoise il y a des éléments obligatoires : la bimbo, le manipulateur machiavélique, la drama queen, du chedar en cube…. Pourtant à y regarder avec plus de précision ces candidats sont issus d’un milieu et d’une histoire semblables.
Le milieu social
Si vous deviez décrire un candidat à quelqu'un n'ayant jamais vu un show, il y a fort à parier que vous commenceriez par mentionner :
1. son manque abyssal de culture
2. sa maitrise approximative du français.
Vous allez sans doute même le décrire par une saillie où il maltraite le français et l'intelligence.
Non décidément il n'est pas bien malin, on dirait qu'il n'est jamais allé à l'école, ou que cette dernière a échoué avec lui. On dirait que ses parents n'ont pas réussi à l'éduquer, d'ailleurs est-ce qu'eux-mêmes l'étaient ?
Vous connaissez tous Bourdieu et sa théorie de reproduction sociale. Et pour les autres cela peut se résumer par : réussissent à l’école ceux qui ont à la maison la culture déjà à portée de mains. Que les enfants de prof deviennent prof. Ceux de médecins : médecins… Mais quand vous naissez dans un milieu pauvre culturellement que reproduit-elle ? Quand vos parents eux-mêmes ne peuvent vous apporter cette culture car eux même ne l'ont pas reçue ?
La vie m'a amené à parfois côtoyer ce genre de personnes, peu d'éducation, une mauvaise maîtrise du français, se prenant dans la gueule des portes énormes à cause de ça. Etrangement le rire n'est pas la première chose qui m'est venue à l'esprit mais plus "mon Dieu comment notre pays peut-il laisser ses enfants sur le bas-côté ?" Et surtout "comment les aider ?"
Aux Etats-Unis il y a un terme, celui de "White Trash" littéralement : déchet blanc. Il décrit cette classe sociale si basse qu'à l'époque de l'esclavage on la considérait comme inferieur aux noirs. Les romans de Tennessee Williams les décrivent, Eminem s'en réclame. Il n'y a pas de terme équivalent en français, mais l'américain décrit très bien cette population pauvre et tout le mépris de classe que l'on a envers eux. Cette catégorie pauvre et non-éduquée dont on se moque pour sa rustrerie, sa saleté, son inintelligence, sa brutalité, sa possible consanguinité… Oui exactement les même clichés que ceux que nous avons sur les gens du nord…
La fabrique candidat
Quand j'étais petite je voulais être soigneuse de baleines. En plus de témoigner d'un intérêt pour le bien-être d'un futur composant de rouge à lèvre, il explique également que j'ai grandi dans un milieu où je savais qu'il existait des soigneurs pour animaux et que les baleines étaient une espèce menacée.
Imaginons que j'ai grandi dans un milieu sans cette culture, alors la seule à laquelle j'aurais eu accès était la télévision. Qu'aurais-je vu alors? Quels rêves auraient été proposés à cette adulte en devenir que j'étais ?:
-chanteuse
-actrice
-mannequin (soit exactement les professions choisie par les anges)
Donc après l'échec de l'école à éduquer, parlons de celui de la télé. Car l'image que ces jeunes ont eue de ces professions fut la plus basse et la plus criarde possibles. En gros ne nous sont montré ces métiers qu’à l’orne de la célébrité qu’ils apportent, cette dernière étant vue, après l’argent, comme la preuve ultime de réussite. Pas étonnant alors que ces métier soient interchangeable dans le CV des candidats, car c’est la notoriété potentielle qu’ils apportent qui est visée.
Le drame étant que justement ces métiers requièrent une culture et un sens de l’art que les candidats n’ont pas. On nous présente des acteurs et ne nous parle jamais de la "méthode", on nous parle de chanteur mais ne nous parle jamais de tessiture et ne nous parle jamais de : "Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson".
L’ambition
Voilà donc nos jeunes avec un idéal et une vision de la réussite professionnelle. Et c'est à partir de ce moment que nous devrions plutôt être admiratifs.
Car eux, arrivant devant la conseillère d'orientation qui les regarde derrière ses lunettes maintenues par une chainette en or deux carras, tout en préparant mentalement les brochures pour devenir casseur de cailloux avec sa tête ou égorgeuse d'anchois non qualifiée, ont fait "no way".
C'est qu'ils avaient l'ambition d'être autre chose que ce qu'on avait planifié pour eux. Ils avaient même l'ambition d'être au niveau social le plus élevé qui leur avait été présenté : célèbre.
L’Ego
C'est donc armé en tout et pour tout d'un bagout et d'un égo démesurés que ces jeunes se rendent à des castings. Et je crois qu'il y a là une énorme méprise.
Nous vivons dans un monde et une époque très dichotomiques sur la question de l'égo. Notre morale judéo chrétienne nous enseigne que l'égo, c'est mal, voyez ? Que la modestie est une valeur cardinale et à ne surtout pas nous mettre en avant. (Et ce surtout pour les femmes.)
D'un autre côté, on a l'explosion d'un individualisme mercantile. Il faut s’affirmer, être soi, être différent, être le meilleur.
Il est très clair que ces jeunes ne veulent pas naviguer entre ces deux eaux et ont choisi d'explorer à fond la seconde voie.
« Mais j'ai le droit de me moquer, se dit-on alors, rabaissons le caquet de ces gens et apprenons leur la modestie. Car après tout il faut bien dégonfler cet égo, cela ne peut lui faire de mal ». Or, comme bien souvent les choses ne sont pas ce qu'elles semblent.
Afficher une trop grande confiance, de façon presque hargneuse, est souvent signe d'une grande insécurité intérieure. Le psychanalyste Alfred Adler, disciple de Freud et théoricien des complexes de supériorité et d’infériorité disait à ce propos « [….], si l'on enquête sur un complexe de supériorité et qu'on étudie ses caractéristiques, nous pouvons toujours trouver un complexe [sentiment] d'infériorité plus ou moins enfoui ».
Une personne Secure sur ce plan n'aura pas besoin de se montrer outrageusement, car elle existe en dehors du regard de l'autre. Mais pour ces jeunes qui n'existent que dans ce cadre, l'insécurité est grande. Et en les attaquants paradoxalement ce mécanisme de défense se renforce.
Promotion du sexe
S'il est évident que les chaînes choisissent des gens agréables physiquement le candidat de télé réalité se distingue par une hyper sexualisation. Les filles seront toujours fort girondes et habillées d'une manière hyper féminine et caricaturale. Les hommes quant à eux seront musclés, et exhiberont très facilement ces attributs. Sachant que leur physique est un grand atout dans leur carrière, les candidats le mettent en avant au maximum.
C'est intéressant car les critères de beauté en vigueur sont légèrement différents : ils vont vers des formes plus atténuées pour les femmes et plus de "pudeur" pour les deux sexes.
L'explication n'est pas glorieuse : Slut shaming. Malheureusement derrière ça nous avons pour beaucoup une logique de "ralala ces filles et hommes très sexy sont des imbéciles, je peux donc les désirer sans les respecter". (Promenez-vous dans les commentaires sous les vidéos de Nabila et amusez-vous à voir le slut shaming et les apologies du viol…)
Tv mère indigne
C'est la télé qui a nourri les aspirations et les rêves de ces jeunes, c'est donc vers elle qu'ils se tournent pour les réaliser. Dans ce monde où l'on est ce que l'on montre ils s'imaginent trouver qui ils sont par l'exhibition. Mais la Tv est une mère indigne et là où ils espèrent se trouver on ne leur offrira au final que d'être caricaturés et un divertissement à leur dépend.
La boucle est bouclée de manière tragique.
Nous verrons dans le deuxième article pourquoi la téléréalité dans le font, obéis a des mécanismes très anciens.