Je rejoins ce qu'exprime
@Growing Entish (je faisais partie des élèves qui avaient entre 18 et 20 en français et anglais, et 3 en maths
). Petite, j'ai passé des tests de QI car mes enseignants se sont aperçus que je m'ennuyais beaucoup en fin de CP/année de CE1. Je ne me rappelle plus du résultat exact (je ne l'ai jamais demandé) mais j'ai eu un score supérieur à 140 ; cependant, je n'ai finalement pas sauté de classe car mes parents avaient peur que je me sente en décalage avec des élèves plus âgés (je suis née en fin d'année, ils ont pas compris à quel point j'étais
déjà en décalage avec ma classe actuelle, bref, c'était une erreur de ne pas l'avoir fait mais maintenant ce n'est plus pertinent d'y repenser).
Néanmoins, même arrivée au collège puis au lycée, je n'ai jamais eu l'impression qu'on me "sacrifiait" dans les matières où j'étais considérée comme bonne. J'ai eu de nombreux moments d'ennui dans certaines matières mais je n'ai jamais pris l'EN comme un endroit où je pourrais exprimer 100% de mon potentiel ou assouvir l'entièreté de ma curiosité.
J'ai toujours vu l'école comme un endroit où on acquiert des bases, et si jamais on fait du hors programme, ce n'est que du bonus. Après, j'ai sans doute ce point de vue car mes parents ont pu compléter correctement ce que l'EN ne m'apportait pas (assez), en encourageant/aiguillant mes lectures, en me faisant rencontrer des gens qui m'intéressaient (via des dîners-débats enjoués à la maison ou via des conférences), en me proposant des cours particuliers pour ce qu'ils ne pouvaient pas m'apprendre eux-même, en m'abonnant à des journaux nationaux, en mettant de côté des articles/émissions qui seraient susceptible de m'intéresser/approfondir le savoir que je voulais acquérir sur un sujet particulier (j'ai des souvenirs très affectueux des discussions que j'avais avec mon père après qu'il m'ait mis de côté la chronique Improbabiologie du journal Le Monde le samedi matin
).
J'ai conscience de la chance immense que j'ai eu d'avoir des parents qui puissent prendre le relais et m'offrir une chance d'exprimer un potentiel que je n'aurai pas eue simplement avec l'école. Mais pour autant... Je ne considère toujours pas que c'est à l'EN de parfaire les individus. Donner des clés, oui, rechercher l'excellence comme en prépa, non. Car l'excellence signifie que l'on a une connaissance approfondie de ses capacités, qu'on a les moyens financiers et humains d'accompagner un individu à atteindre son plein potentiel (ce qui est un projet plutôt colossal de mon point de vue). Et pour le moment, ce n'est pas possible.
Et puis, je pars dans un raisonnement philosophique maintenant, mais pourquoi devrait-on courir après l'excellence en permanence ? Je ne fais pas l'apologie de la médiocrité (au sens premier du terme, c.à.d. moyen et non pas mauvais), mais beaucoup de gens ne sont pas dans l'optique d'être "ultra performants", ils veulent simplement que ce qu'on leur apprenne connecte avec leur vie quotidienne, que leurs passions restent des passions, qu'il y ait du sens dans leurs actions. Je pense que certains vont me dire "mais si on te donne l'occasion d'être meilleure, pourquoi dirais-tu non ?", eh bien parce que parfois, je ne suis pas dans une optique de performance absolue ? Par exemple, depuis que je sais tenir un crayon, j'ai des facilités en dessin. En moyenne section de maternelle, on nous a demandé de nous auto-dessiner : les dessins de mes camarades allaient des simples coups de feutres sur la feuille dans une forme d'abstrait absolument charmante aux personnages déjà un peu plus évolués, avec une tête, des bras, un visage, une forme de prise en compte spatiale. Mon auto-portrait présente une petite fille en robe, avec des couettes épaisses et bouclées, des yeux bridés, des chaussures avec lacets, des petites stries sur les lèvres, des traits fins pour faire les sourcils : j'avais déjà intégré tous ces éléments à 4 ans et demi, les adultes dans mon entourage n'en revenaient pas. Vers 14 ans, j'ai commencé à prendre des cours de dessin dans l'optique de me constituer un book artistique pour éventuellement, intégrer une école d'art. Voici ma
première nature morte. Pourquoi je raconte ça ? Pas pour me jeter des fleurs mais pour contextualiser le fait que malgré ces "facilités", ce "don" comme le répètent mes parents, je n'en ai jamais rien fait de concret : je ne suis pas partie en école d'art, je n'ai pas pris part à des concours de dessins, j'ai toujours dessiné seule dans ma chambre quand j'en ressentais le besoin. J'aurai pu devenir meilleure dessinatrice (ce n'est d'ailleurs peut-être pas encore trop tard
) mais non, je ne voulais pas que ça devienne académique, je voulais que ça reste mon truc à moi, de ne pas avoir d'échelle de valeur ou de pression à subir par rapport à cette passion. Dans l'optique d'une école qui remarque les facilités d'un individu puis le prend en charge pour qu'il soit au top de son niveau, j'aurai détesté vivre ça. Qu'on m'apprenne des bases en arts plastiques, oui, qu'on "m'oblige" à entrer dans une logique d'excellence, non.
D'où le fait que même si je pense que l'école est perfectible (et le sera sans doute pour toujours), que certains mécanismes creusent les écarts entre les élèves, qu'il devrait y avoir une plus grande prise en charge de l'épanouissement personnel au détriment des notes et des quotas d'évaluations, je défends l'idée que l'excellence se doit de rester un choix. La question est donc, comment gommer certaines inégalités pour que cette excellence reste un choix de conscience et non un choix économique ?
Edit : et je rejoins aussi parfaitement le message de
@Clematis sur la sensibilisation aux différences de niveau. Vivre en société, c'est accepter que tout le monde n'en est pas au même point que soi, que ce soit plus avancé ou à un niveau rétrograde. Je trouve dangereux de vouloir cultiver un entre-soi qui ne restera pas une fois l'individu lancé dans le monde du travail/de la socialisation. C'est illusoire et peut être dommageable, autant pour la personne qui ne saura pas comment réagir et capitaliser sur les différences de niveau, que pour ceux qui la subiront parce que faisant partie du peloton le plus bas. Quand je lis
@Elliana dire qu'elle détestait l'idée de devoir expliquer à d'autres, que ça l'agace de voir que les autres n'en sont pas au même point de réflexion qu'elle, ça me fait un peu de peine
parce que je me dis qu'en ayant ce rejet direct, on s'enferme dans sa propre idée de ce qui est "la base" et on se ferme aux autres.