J'ai vraiment beaucoup de mal à comprendre quel est l'objet de cette pétition en fait. Ce qui y est défendu et revendiqué et son but concret m'est vraiment très obscur. J'ai l'idée qu'une pétition est faite pour que quelque chose de concret se produise (pour empêcher une loi de passer, pour soutenir la libération de quelqu'un etc.) Or là, je ne vois absolument pas quel est l'objet réel de cette pétition.
S'il s'agit de punir les propos sexistes : question délicate, car elle touche de près à la censure selon moi. La liberté de parole est cruciale, car c'est seulement de cette façon qu'on crée le débat. Les propos injurieux, sexistes, racistes ou que sais-je encore, ne sont pas à censurer selon moi mais à combattre par le débat, par la parole. Il est nécessaire de laisser tout le monde libre de dire de la merde, plutôt que d'empêcher les gens de la dire et faire comme si elle n'existait pas, pour montrer qu'elle existe et qu'il faut lutter contre, etc.
Par ailleurs, il est vrai que ces personnalités intellectuelles (on évite de dire le mot "élite", car parler d'élite en parlant de BHL ou de JFK, ça a tendance à me déprimer un peu. J'ai une vision positive de l'élite encore) ont une responsabilité vis-à-vis de ce qu'ils disent au grand public. Et les journalistes ont une responsabilité vis-à-vis de ce qu'ils diffusent au grand public. Mais ça c'est de l'ordre de leur propre éthique, de leur morale, d'un idéal pour eux. Je ne veux pas signer une pétition qui cherche la sanction.
Mis à part ce côté "il faut punir ceux qui ont mal parlé", je comprends pas quel autre but peut avoir cette pétition. Dénoncer ? Dans ce cas là, écrire un manifeste, un réquisitoire, un article, un éditorial, mais une pétition, ça me paraît étrange. (Surtout qu'en plus, l'auteur du texte est pas identifié il me semble.) S'il s'agit de demander des excuses publiques des personnes qui ont dérapé : pourquoi pas, mais autant le formuler clairement.
Et puis, le descriptif de la pétition est vraiment très confus. On part de l'idée qu'il y a eu des propos sexistes. On en déduit qu'une pensée machiste dominante est tolérée par les intellos et les communiquants. On en déduit que cette pensée machiste dominante promeut le viol. On rappelle que y a beaucoup de victimes du viol chaque année qui seraient niées par cette pensée machiste dominante. Les bonds entre chaque phrase me paraissent un peu faciles. Par ailleurs, si vraaaiment on commençait à analyser en profondeur quel genre d'idées était diffusé par les intellos et les communiquants d'aujourd'hui, je dirais que le sexisme n'est qu'une dérive parmi tant d'autres (et je peux pas m'empêcher de penser qu'il est surtout le signe d'une génération vieillissante et, tantôt un peu "beauf" en dépit de son faux intellectualisme, tantôt faussement nostalgique/passéiste), d'un problème beaucoup plus vaste et plus important (qui concerne le mépris de la personne d'une manière plus globale, réduit à l'état d'objet quel que soit sa "catégorie", homme femme enfant travailleur pauvre etc.)
Bref, si on doit réfléchir sur ces propos sexistes en eux-mêmes et leur portée, je dois dire que ce cas de propos sexistes me fait surtout penser à des propos de comptoir qui seront oubliés demain (comme tout le reste) et que je constate des erreurs largement plus graves dans le journalisme qui ne sont pas du tout condamnées (approximations, culture du sensationnel, schématisations de la pensée, désinformation et j'en passe...) De même j'ai beaucoup plus de rancoeur vis-à-vis des politiques qui font pas leur boulot, de ces faux intellos bling bling qui se font mousser et du corporatisme qui leur pousse à dire des conneries pour protéger leur copain (qui n'a d'ailleurs rien demandé, je pense : valait mieux se taire que d'être maladroit comme ça) et, en même temps, attirer un peu de lumière sur eux. Bref, le côté sexiste à mes yeux est franchement secondaire. Ou plutôt, il fait partie d'un ensemble beaucoup plus vaste et beaucoup plus grand d'irrespect, qui nous échappe complètement et c'est encore bien plus flippant.
Je suis humaniste surtout, féministe j'en sais rien (la question du genre est trop complexe à mes yeux pour être réglée par un positivisme aveugle) et l'exigence, la rigueur intellectuelle qu'on serait en droit d'attendre des journaleux et des communiquants qui prétendent être ceux qui pensent pour nous, elle existe mal, elle est rare, elle est bafouée – aussi bien pour parler des femmes, que pour parler des faits, que pour parler du monde.
Mais le problème me paraît tellement énorme, de fond, symptôme global sur notre société, qu'une pétition sur ce point de détail me paraît un peu dérisoire – désolée. J'ai encore beaucoup de mal à comprendre le militantisme, mais je respecte et admire et soutiens ceux qui se sentent capable de le faire. Personnellement j'ai une exigence intellectuelle qui me prive de cette naïveté (ce n'est pas du tout péjoratif, au contraire) nécessaire je trouve pour avoir l'énergie de faire avancer les choses et d'agir sans trop se poser de questions.
(Désolée pour la longueur
)