@Sadala Je ne pense pas que la question dont on discute soit vraiment "est-ce que l'excision est acceptable?" (je pense qu'on est toustes plutôt d'accord pour dire que non?) mais plutôt "quelle position adopter face à ce qui me choque dans la culture d'autrui?" Je veux dire, l'histoire est pleine d'ingérence de la part des pays occidentaux dans les affaires des autres pays, que ce soit au niveau des politiques, de groupes de gens, ou d'individus, ingérence faite avec parfois de très bonnes intentions, mais avec un résultat assez déplorable au final.
L'excision est un bon exemple à utiliser, je trouve! Après tout, c'est facile de se dire que c'est mal (c'est une mutilation médicale), mais une fois ce constat posé, on fait quoi?
Est-ce qu'on va partir, le coeur sur la main, en Afrique, pour aller éduquer les femmes et les gens pour leur expliquer que c'est mal il faut arrêter? Est-ce qu'on essaye de se renseigner d'abord, pour savoir un peu quels peuples le font, avec quelles raisons, culturelles, sociales, économiques, quels pays le font, avec quel rajout de problèmes sociaux, culturels, économiques en plus, quels sont les blocages qu'on peut rencontrer? Comme ça on sera mieux armés pour expliquer aux gens que c'est mal il faut arrêter? Est-ce qu'on part individuellement, ou on organise un groupe, avec des médecins soignants / des professionnels? Est-ce qu'on vient leur construire des hôpitaux s'il le faut, et leur construire des écoles pour leur donner des cours pour qu'ils apprennent que c'est mal il faut arrêter? Bref, je trouve que de manière plus large, le problème qui se pose, c'est notre place à nous: est-ce que c'est à nous de venir s'occuper des problèmes des autres?
Ou, à l'inverse, si on n'essaye pas de venir s'occuper des problèmes des autres, et de leur apprendre ce qu'il faut bien faire, comment on se positionne? Est-ce qu'on essaye de se positionner en égaux? Mais ça, ça veut dire que leur parole et leur point de vue doit valoir autant que la nôtre. Est-ce qu'on reste du coup les bras ballants à dire "d'accord, c'est ton point de vue et ta culture" face à quelqu'un qui dit que l'excision c'est normal, c'est bien, et c'est nécessaire?
Et aussi, est-ce qu'on est de fait dans une situation d'égal à égal? Est-ce qu'on peut facilement se poser dans une telle position? Est-ce qu'il y a des facteurs externes, hors de notre pouvoir individuel, qui empêchent de se poser d'égal à égal? Est-ce qu'on a le même niveau de richesse, la même possibilité de se déplacer à travers le monde, est-ce qu'on a eu le même accès à la culture et aux informations? Est-ce qu'on à, à l'inverse, la même connaissance intime des réalités culturelles et politiques et sociales et économiques etc, qui fait que dans telle région, l'excision est considérée comme "positive" et perdure?
Est-ce qu'on est en train d'avoir cette discussion avec une personne qui vit sur place, en étant soi-même invitée dans son pays, voire sa maison et son hospitalité? Est-ce qu'on a une discussion sur le fait que l'excision c'est mal entre gens qui ne connaissent rien de la vie des gens qui pratiquent l'excision? Est-ce qu'on pose des jugements sur l'excision au sein d'une structure qui a beaucoup de ressources et de pouvoir d'action pour agir et interférer sur la vie et la région des gens qui pratiquent l'excision?
Du coup, à partir de la question de l'excision, et posé le constat qu'on considère que l'excision c'est mal, on fait quoi? La réponse n'est vraiment pas simple.
C'est pour ça que je l'aime bien ce sujet, aussi, et qu'il permet de se poser des interrogations et des questions qui n'ont pas forcément une réponse claire - et c'est vrai que, du coup, je me dis que pour lutter contre l'excision, il faut apprendre quelles sont les dynamiques actuelles de tout un tas de cultures (certaines en relation avec la France, d'ailleurs), il faut apprendre beaucoup d'histoire pour comprendre comment sont arrivées ces dynamiques, et l'idéal pour moi ce serait plutôt de faire des choses comme parler de comment fonctionne le Franc CFA par exemple, ou de manière plus générale les systèmes qui font que les pays et les gens qui pratiquent l'excision restent dans une situation de pauvreté, pour à la fois leur donner les moyens de se concentrer sur des problèmes moins urgents que la survie (quand ils sont dans ce cas, car c'est loin de l'être pour tous) et leur donner les moyens de discuter de manière égale avec nous. Des associations mondiales ou régionales peuvent être intéressantes à soutenir aussi, à condition de bien les connaître elles aussi, pour savoir si elles imposent leurs solutions avec les populations, ou si elles sont utilisées et pilotées par les populations elles-mêmes - je pense à des organismes comme l'ONU, l'UNICEF, ou Amnesty International, je sais qu'elles existent et qu'elles sont grandes, mais je ne sais pas si elles font les choses bien. Et je ne sais même pas si ma façon de faire est la bonne.