Coucou ! C'est un intéressant sujet. On en avait un peu parlé dans le topic des gens non-binaires (autour de la page 30 je crois) et j'avais moi-même avancé un début de réflexion sur le sujet, que je recopie en partie ici. Je vous avoue (avant la lecture de ce post) que j'ai un peu tout écrit à la lecture du premier post intial de
@Tshepiso et puis tout réécrit au fil de la lecture du sujet, parce que
@Ghost wind m'avait poké dès sa création, mais que je n'ai pas pu répondre jusqu'à maintenant. Ca va peut-être faire un peu fouilli du coup, je le crains
Comment peut-on se sentir de tel ou tel genre?
Je suis une femme. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire, pour moi, être une femme ? D'abord, euh, c'est juste que je le sais. En-dehors de tout ressenti tout ça, au fond, je suis une femme parce que c'est vrai, c'est comme ça. Ensuite, en société, qu'on me reconnaisse en tant que telle, c'est normal, c'est bien. Me faire assigner un autre genre, ça me fait bizarre, ça me met mal à l'aise, ça n'est pas normal.
Je suis transgenre (à ma naissance, on pensait que j'étais un garçon), mais je pense que ça n'aurait pas changé grand-chose à ma réponse si j'étais cisgenre (si à la naissance, on pensait que j'étais une fille). Je suis une femme, je le sens, je le sais, et c'est parce qu'il y a un décalage entre mon genre réel (féminin) et celui qu'on m'a assigné à la naissance (masculin) que je suis transgenre. C'est tout.
Je ne sais pas pourquoi je ne suis pas du genre qu'on m'a assigné à la naissance par contre, c'est juste comme ça, du coup je ne peux pas trop t'aider (mais si tu as des questions tu peux me les poser
).
Pour moi, le décalage est à la fois social (ça me mets "mal à l'aise" (à défaut d'un meilleur terme) qu'on me genre au masculin) et corporel (ça me mets "mal à l'aise" (toujours, à défaut d'un meilleur terme) d'avoir un corps avec des attributs sexuels dits "masculins" un pénis et tout ce qui se développe avec une dose de testostérone suffisament élevée (la barbe, la voix qui descend, tout ça)). (Je dis "mal à l'aise" mais c'est vraiment parce que je ne trouve pas mes mots: j'en ai fait une dépression et une tentative de suicide. La dysphorie est quelque chose de sérieux.)
Je ne mets pas cependant "j'ai besoin d'avoir un corps de femme" (ou "dit féminin" ou de façon crue "des seins et un vagin" bref vous me comprenez) parce qu'en fait ça n'a rien à voir avec le genre. Il y a des membres ici qui sont à l'aise avec leur corps mais pas avec le genre qu'on leur assigne socialement, parce que ce n'est pas le leur. De même, il y a des filles qui sont "mal à l'aise" avec leur corps et entament une transition hormonale, mais n'ont pas besoin d'une opération pour leur entrejambe, qui n'ont aucun problème à avoir un pénis (et ce sont toujours des femmes).
On groupe encore la dysphorie corporelle (que j'ai du mal à appeler "dysphorie de genre") avec le fait d'être transgenre. C'est juste parce que c'est assez nouveau dans la société (enfin, je pense), c'est-à-dire que le fait qu'on en discute et qu'on y réfléchisse est assez récent. Avant, on avait tendance à imposer aux personnes transgenres d'être binaires (ou de se présenter comme telles) et de suivre un traitement qui ferait correspondre leur corps à la vision binaire des corps qu'on a dans la société. (Avant avant, on n'acceptait même pas que des gens transgenres puissent exister). Maintenant, on accepte que ce ne soit pas aussi simple, mais on lie toujours un peu la transgenritude, le fait d'être transgenre, avec la dysphorie corporelle, alors que ça ne correspond pas toujours.
Et on peut être mal à l'aise dans son corps tout en n'ayant pas de problème avec son genre. Dans le cas où une fille cis devrait subir une ablation des ovaires et de l'utérus pour une raison quelconque, elle peut le vivre très mal et avoir l'impression d'avoir perdu quelque chose, sans que ça ne change rien à son genre.
Ca peut par contre être difficile à vivre, parce que comme dans la société, le corps, le genre, et l'expression du genre sont mélangés, avoir une dissonance dans l'un des éléments du lot peut faire qu'on se pose des questions sur la validité des autres. Enfin, je pense. Je suis un peu en train de faire des suppositions sauvages là, je crois.
(Moi les questions que je me pose c'est : est-ce qu'il y a des gens cisgenres qui se sentent mal à l'aise avec leur pénis ou leur vagin et qui voudraient l'échanger ?
)
Après, pour les questions qui commencent par si, je ne sais pas trop quoi te dire. Le problème avec ces questions, c'est qu'elles établissent un univers fictif dans lequel on ne peut faire que des hypothèses ou des suppositions qu'ensuite on ne peut pas faire vérifier. Et du coup, ça ne nous apprend rien sur le monde tel qu'il est.
Cependant, je pense que si tu étais née dans un monde où les comportements définis comme "masculins" et "féminins" étaient inversés, tu ne te sentirais probablement pas homme, mais tu serais peut-être un garçon manqué?
Et je ne sais pas ce que tu veux dire par "déconstruire le genre" ? Le genre existe, c'est quelque chose qui est, que la société le veuille ou non. Si l'être humain n'avait pas de genre, par définition il n'y aurait pas de personnes transgenres ni cisgenres. Si la société n'avait pas de mots pour exprimer le genre, on galérerait tous à expliquer qui nous sommes (alors qu'en ce moment, ce sont juste les personnes non-binaires qui galèrent, parce qu'elles existent, mais pas aux yeux de la société qui nie leur existence). Si la société n'avait pas de problèmes avec le genre (s'il n'y avait pas de sexisme et si tous les genres étaient reconnus et acceptés) il y aurait toujours des personnes transgenres (comme des personnes cisgenres d'ailleurs) mais leur vie serait beaucoup plus simple, parce que mieux comprise, dédramatisée, et du coup les personnes transgenres n'auraient aucun mal à effectuer une transition sociale comme médicale/corporelle s'ielles en ont besoin.
De manière générale, si la construction sociale de genre n'existait pas, le genre lui existerait toujours, indépendamment de cela. Une société qui nierait et effacerait toute existence du genre mettrait tous ses membres mal à l'aise par rapport à ça. Une société ni binaire ni sexiste ne nierait pas l'existence du genre en soi. Ensuite, pareillement pour la sexualité, tout comme il y a une multitude de genres, il peut y avoir une multitude d'attirances sexuelles pour un ou plusieurs de ces genres. En fait, c'est pareil, c'est indépendant de la société, et (par exemple) nier l'existence de toute sexualité en-dehors de l'hétérosexualité ne fait pas disparaître les personnes non hétérosexuelles, elle ne fait que les rendre malheureuses.
On vit dans une société, c'est vrai, et le langage et les constructions sociales nous permettent d'interpréter, de comprendre et d'interagir avec le monde, c'est notre mode de fonctionnement. Mais le monde existe en-dehors de ça, en fait.
Les êtres humains naissent avec un corps et un genre. Le genre d'une personne n'est pas visible mais il est généralement en accordance avec le corps de la personne (lorsque ce corps est clairement binaire : tout comme il y a des personnes au genre non-binaire, il y a des personnes qu'on appelle "intersexes" et qui ont des organes génitaux "ambigus" c'est-à-dire qui ne correspondent pas à ce à quoi on s'attend dans notre société binaire : ces personnes n'ont pas clairement juste un pénis ou juste un vagin comme tout le monde). On fait donc la supposition que puisque cette personne a un vagin, alors c'est une fille (ou inversement, puisque cette personne a un pénis, alors c'est un garçon) et généralement, on a raison. C'est pourquoi la majeure partie des gens dans le monde est cisgenre. On n'a pas toujours raison cependant, et du coup il y a des personnes transgenres : une société où les personnes transgenres n'existerait pas serait une société ou on ne supposerait pas du genre d'une personne à priori (on attendrait d'elle qu'elle nous le dise pour le savoir) ou alors une société ou, d'une façon ou d'une autre, on arrive à déterminer le genre d'une personne sans jamais se tromper (ce qui est très probablement impossible).