Bonjour,
j'écris ici parce que je ne sais vraiment pas où écrire d'autre.
J'ai l'impression d'être devenue une adulte depuis que ce drame m'a sauté en pleine gueule.
Je m'appelle Marion et je viens d'avoir 24 ans. C'était le samedi 18 août. Je suis rentrée de chez mon frère où j'avais passé une soirée horrible la veille: tous le monde était bourré et je me suis faite insultée puis bousculée par le nouveau mec secret de ma mère dans l'indifférence la plus totale. Avouez que cette histoire commence bien, on sent qu'on va passer un excellent moment.
Papa n'allait pas bien depuis 2 mois, depuis que maman était partie. Elle ne l'aimait plus et elle était très triste. Elle culpabilisait énormément et dépérissait à vu d’œil. Alors je l'ai beaucoup rassurée en disant que papa irait mieux avec du temps. Qu'il fallait qu'elle pense à sa vie à elle. Elle est donc partie, laissant mon papa inconsolable.
Il a perdu beaucoup de poids, il pleurait dans mes bras, cassait des meubles. J'ai même dû téléphoner aux pompiers une fois pour qu'il se calme. Le temps passait, maman a trouvé une chouette petite maison en location et elle a commencé à vivre sa vie, à rattraper le temps perdu, à vivre sa jeunesse en quelque sorte. Ma petite sœur Estelle qui a 16 ans est restée chez papa, elle ne voulait pas le laisser seul.
Revenons à ce samedi 18 août, je suis crevée et je passe chez mon papa pour récupérer mon chien qui y était depuis la veille. Nous buvons une bière sans alcool : papa est alcoolique et il est en sevrage pour récupérer son permis de voiture. Je lui demande si je peux lui emprunter une table de jardin car je reçois des amis chez moi le soir. Je vais donc dans l'abris à caravane, je prends la table et la charge dans mon coffre. Papa ne m'a toujours pas fêté mon anniversaire et je lui en veux un peu. Je comprends sa tristesse mais je viens d'avoir 24 ans, comment peut il avoir oublié l'anniversaire de sa grande fille ?
Il m'accompagne à ma voiture, ferme le portail derrière moi et il a le visage le plus triste du monde. Je lui fait un signe de la main et je lui dit "je t'aime", il se retourne et ne réponds pas. Alors j'insiste, plus fort: "Je t'aime PAPA" !
Il se retourne en trébuchant et me réponds : "Moi aussi".
Je rentre chez moi, je prépare tout pour ma petite soirée. Tout se passe bien, le lendemain papa post ce mot sur facebook :
"bonne an.aniversaire bis", j'y réponds par ce message : "Merci papa. C'était hier mais c'est pas important. Bises "
Je précise que j'étais fâchée, triste. Que toute cette histoire avec ma mère passe avant moi, j'étais jalouse.
Le soir il y a un feu d'artifice, un ami à moi demande sa chérie en mariage. La journée se termine en beauté.
Le lundi matin je commence le travail à 8h, je pars donc avec un peu d'avance pour déposer mon chien chez papa.
J'ouvre le portail, ferme derrière mon amour de canidé et j'hésite.
J'hésite à m'arrêter pour aller voir papa, je sais qu'il est là car la 50 avec laquelle il se rend au travail est garée devant la maison. Je décide de ne pas y aller. Ma psy m'a conseillé de me détacher un peu de la situation en évitant de me replonger dans la tristesse de mon papa tous les jours. Tous mes proches me disent que ça va aller, il est grand, je dois penser à moi. Et puis de toute façon, quelqu'un qui menace de se faire du mal ne le fait jamais vraiment. Alors ce lundi matin je remonte dans ma voiture, je m'éloigne de la maison familiale et je prends la route du travail. J'y rejoins tous mes supers collègues à qui je raconte mon weekend, je fais mes blagues, c'est une bonne semaine qui commence.
Avant de terminer le travail, je reçois ce texto de ma belle-sœur : "Je suis de tout cœur avec vous dans cette triste nouvelle, courage à vous tous".
Je consulte mon téléphone de plus près, j'ai des appels manqués. Je tremble, je quitte la salle de production et je cours dans la salle de pause. J'appelle maman qui ne réponds, pas, ma petite sœur ne réponds pas non plus.
J'appelle donc ma belle sœur. Je lui demande, "Qu'est ce qu'il se passe" ?
Mais je sais déjà.
Je sais.
Elle se mets à pleurer, "Marion, c'est Fabrice, ta sœur l'a retrouvé pendu dans l'abris à caravane"
Je jette le téléphone, je m'écroule, je hurle.
On vient de m'arracher mon coeur brutalement. Je pleure comme une hystérique.
J'ai peut être mal compris ? Je ne l'ai même pas laissée terminé, peut être que papa est dans un camion de pompier en direction de l’hôpital ? Mais je n'ose pas reprendre mon téléphone, si le doute est là, il y a encore de l'espoir.
Mes cris alertent mon chef et un collègue qui viennent à ma rencontre, on m'attrape par les aisselles, on m’emmène en direction de chez moi. Ma mère décroche enfin, elle a dans la voix un râle assourdissant, elle suit le camion de pompier pour l’hôpital, ma sœur est en état de choc. Changement de cap, direction l’hôpital. Je ne suis pas sure de comprendre, je n'ai pas envie de comprendre.
J'arrive aux urgences, j'explique que mon papa, ma sœur et ma maman sont là. Les infirmiers ne sont pas réactifs, ils m'installent dans un fauteuil roulant et j'attends une minute entière avant de leur dire : "laissez tomber vous êtes trop lents, donnez moi le numéro de l'étage". Je cours, je tremble, je tangue.
J'arrive à l'étage pour les soins aux enfants, je n'y comprends rien, les soins aux enfants ?? On m'indique la chambre, je m'engouffre.
Ma sœur est en pyjama, pieds nus et maman lui tient la main en se berçant frénétiquement.
Elles me voient, leurs pleurs deviennent des hurlements. Maman s'égosille comme un animal blessé, Estelle semble ne plus pouvoir fermer ses lèvres. Mon monde s'écroue, où est papa ? Mon château s’effondre, je veux des réponses, je n'en veux pas.
Papa s'est pendu ce matin là. Je ne me suis pas arrêtée car je ne voulais pas commencer ma journée en étant déjà triste. Papa s'est pendu.
Papa s'est pendu.
j'écris ici parce que je ne sais vraiment pas où écrire d'autre.
J'ai l'impression d'être devenue une adulte depuis que ce drame m'a sauté en pleine gueule.
Je m'appelle Marion et je viens d'avoir 24 ans. C'était le samedi 18 août. Je suis rentrée de chez mon frère où j'avais passé une soirée horrible la veille: tous le monde était bourré et je me suis faite insultée puis bousculée par le nouveau mec secret de ma mère dans l'indifférence la plus totale. Avouez que cette histoire commence bien, on sent qu'on va passer un excellent moment.
Papa n'allait pas bien depuis 2 mois, depuis que maman était partie. Elle ne l'aimait plus et elle était très triste. Elle culpabilisait énormément et dépérissait à vu d’œil. Alors je l'ai beaucoup rassurée en disant que papa irait mieux avec du temps. Qu'il fallait qu'elle pense à sa vie à elle. Elle est donc partie, laissant mon papa inconsolable.
Il a perdu beaucoup de poids, il pleurait dans mes bras, cassait des meubles. J'ai même dû téléphoner aux pompiers une fois pour qu'il se calme. Le temps passait, maman a trouvé une chouette petite maison en location et elle a commencé à vivre sa vie, à rattraper le temps perdu, à vivre sa jeunesse en quelque sorte. Ma petite sœur Estelle qui a 16 ans est restée chez papa, elle ne voulait pas le laisser seul.
Revenons à ce samedi 18 août, je suis crevée et je passe chez mon papa pour récupérer mon chien qui y était depuis la veille. Nous buvons une bière sans alcool : papa est alcoolique et il est en sevrage pour récupérer son permis de voiture. Je lui demande si je peux lui emprunter une table de jardin car je reçois des amis chez moi le soir. Je vais donc dans l'abris à caravane, je prends la table et la charge dans mon coffre. Papa ne m'a toujours pas fêté mon anniversaire et je lui en veux un peu. Je comprends sa tristesse mais je viens d'avoir 24 ans, comment peut il avoir oublié l'anniversaire de sa grande fille ?
Il m'accompagne à ma voiture, ferme le portail derrière moi et il a le visage le plus triste du monde. Je lui fait un signe de la main et je lui dit "je t'aime", il se retourne et ne réponds pas. Alors j'insiste, plus fort: "Je t'aime PAPA" !
Il se retourne en trébuchant et me réponds : "Moi aussi".
Je rentre chez moi, je prépare tout pour ma petite soirée. Tout se passe bien, le lendemain papa post ce mot sur facebook :
"bonne an.aniversaire bis", j'y réponds par ce message : "Merci papa. C'était hier mais c'est pas important. Bises "
Je précise que j'étais fâchée, triste. Que toute cette histoire avec ma mère passe avant moi, j'étais jalouse.
Le soir il y a un feu d'artifice, un ami à moi demande sa chérie en mariage. La journée se termine en beauté.
Le lundi matin je commence le travail à 8h, je pars donc avec un peu d'avance pour déposer mon chien chez papa.
J'ouvre le portail, ferme derrière mon amour de canidé et j'hésite.
J'hésite à m'arrêter pour aller voir papa, je sais qu'il est là car la 50 avec laquelle il se rend au travail est garée devant la maison. Je décide de ne pas y aller. Ma psy m'a conseillé de me détacher un peu de la situation en évitant de me replonger dans la tristesse de mon papa tous les jours. Tous mes proches me disent que ça va aller, il est grand, je dois penser à moi. Et puis de toute façon, quelqu'un qui menace de se faire du mal ne le fait jamais vraiment. Alors ce lundi matin je remonte dans ma voiture, je m'éloigne de la maison familiale et je prends la route du travail. J'y rejoins tous mes supers collègues à qui je raconte mon weekend, je fais mes blagues, c'est une bonne semaine qui commence.
Avant de terminer le travail, je reçois ce texto de ma belle-sœur : "Je suis de tout cœur avec vous dans cette triste nouvelle, courage à vous tous".
Je consulte mon téléphone de plus près, j'ai des appels manqués. Je tremble, je quitte la salle de production et je cours dans la salle de pause. J'appelle maman qui ne réponds, pas, ma petite sœur ne réponds pas non plus.
J'appelle donc ma belle sœur. Je lui demande, "Qu'est ce qu'il se passe" ?
Mais je sais déjà.
Je sais.
Elle se mets à pleurer, "Marion, c'est Fabrice, ta sœur l'a retrouvé pendu dans l'abris à caravane"
Je jette le téléphone, je m'écroule, je hurle.
On vient de m'arracher mon coeur brutalement. Je pleure comme une hystérique.
J'ai peut être mal compris ? Je ne l'ai même pas laissée terminé, peut être que papa est dans un camion de pompier en direction de l’hôpital ? Mais je n'ose pas reprendre mon téléphone, si le doute est là, il y a encore de l'espoir.
Mes cris alertent mon chef et un collègue qui viennent à ma rencontre, on m'attrape par les aisselles, on m’emmène en direction de chez moi. Ma mère décroche enfin, elle a dans la voix un râle assourdissant, elle suit le camion de pompier pour l’hôpital, ma sœur est en état de choc. Changement de cap, direction l’hôpital. Je ne suis pas sure de comprendre, je n'ai pas envie de comprendre.
J'arrive aux urgences, j'explique que mon papa, ma sœur et ma maman sont là. Les infirmiers ne sont pas réactifs, ils m'installent dans un fauteuil roulant et j'attends une minute entière avant de leur dire : "laissez tomber vous êtes trop lents, donnez moi le numéro de l'étage". Je cours, je tremble, je tangue.
J'arrive à l'étage pour les soins aux enfants, je n'y comprends rien, les soins aux enfants ?? On m'indique la chambre, je m'engouffre.
Ma sœur est en pyjama, pieds nus et maman lui tient la main en se berçant frénétiquement.
Elles me voient, leurs pleurs deviennent des hurlements. Maman s'égosille comme un animal blessé, Estelle semble ne plus pouvoir fermer ses lèvres. Mon monde s'écroue, où est papa ? Mon château s’effondre, je veux des réponses, je n'en veux pas.
Papa s'est pendu ce matin là. Je ne me suis pas arrêtée car je ne voulais pas commencer ma journée en étant déjà triste. Papa s'est pendu.
Papa s'est pendu.