@Valentina- Je réponds tardivement à ta question sur aromathérapie/phytothérapie, parce qu'il me semble que tu cherchais des explications sur un sujet que tu ne connais pas du tout et que, ma foi, si tu te fies à ce topic qui ne comporte que des gens venant d'un même courant de pensée qui prennent plaisir à se dire "on est bien d'accord entre nous, les autres sont bien bêtes", tu ne vas pas apprendre grand-chose de nouveau.
La phytothérapie est une branche de la médecine basée sur le soin par les plantes, qui peut aller sur le traitement de pathologies lourdes; l'aromathérapie est le terme générique qui désigne l'utilisation des huiles essentielles à des fins de soin et de bien-être. Les huiles essentielles ne sont pas considérées comme médicaments dans la réglementation française; selon le conditionnement et l'étiquetage, on peut les déclarer comme parfums, cosmétiques, compléments alimentaires... comme tous les produits à base de plantes, où ce n'est que très rarement la nature du produit qui définit dans quelle catégorie on le range, mais bien l'usage auquel il est destiné; sauf dans des cas particuliers où la concentration en principes actifs fait qu'on ne peut pas être autorisé à le classer comme "alimentaire" par exemple. Et ça, c'est généralement la répression des fraudes qui en juge.
Une huile essentielle est un principe actif synthétisé par une plante, composé de plusieurs molécules différentes qui s'associent en un mélange odorant et volatil. On obtient des huiles essentielles par distillation et entrainement à la vapeur d'eau (avec alambic, où on fait bouillir les plantes, on récupère la vapeur d'eau refroidie, et l'huile essentielle flotte à la surface), ou par pression pour celles des agrumes. Ce sont des principes actifs à l'état pur, donc oui, ça peut être dangereux si tu te mets en tête d'en appliquer pur sur une peau irritée, d'utiliser n'importe laquelle en grande quantité sans te renseigner, ou d'en boire un shooter parce que tu as perdu un pari. Après, un couteau à viande, c'est dangereux aussi. Mais si tu te blesses avec un couteau parce que tu l'as attrapé par la lame au lieu de l'attraper par le manche, généralement, tu n'exiges pas que les couteaux à viande soient retirés de la vente et réservés au seul usage des titulaires d'un CAP boucherie... tu reconnais que tu as fait n'importe quoi, et tu apprends à t'en servir correctement. De mon point de vue, le danger ne vient pas de la disponibilité à la vente de plantes sèches, compléments alimentaires à base de plantes, et d'huiles essentielles; il vient du fait que le niveau général de connaissance des usages des plantes dans notre société est en chute libre. Plus on passe de lois interdisant l'usage de telle plante ou telle forme galénique, plus les professions en rapport avec les filières des plantes aromatiques et médicinales sont en difficulté, et donc... plus le niveau de connaissances des usages des plantes baisse dans la société en général, parce que de moins en moins de gens peuvent les transmettre.
Je prends l'exemple de la lavande que je crois que tu as citée. Il y a plusieurs types de lavande, et leurs huiles essentielles ont toutes des indications différentes; n'importe quelle grand-mère provençale savait reconnaitre les différentes lavandes il y a pas très longtemps, mais maintenant quel pourcentage de la population sait que le mot "lavande" peut désigner plusieurs plantes différentes? La lavande fine, ou lavande vraie, est la première plante à avoir été utilisée pour la production d'huile essentielle, et c'est une des rares huiles essentielles n'ayant aucune contre-indication connue, et pouvant être utilisée même sur des enfants. Ce n'est pas le cas des huiles essentielles de lavande aspic et de lavande stoechade. J'ai lu plus haut que "les huiles essentielles n'ont jamais rien prouvé". C'est sans doute parce que l'huile essentielle de lavande n'avait pas de doigt pour cliquer sur "envoyer" une fois qu'elle a fini de rédiger son article sur pubmed... Par contre des humains qui ont mené des recherches sur le sujet, il y en a, y compris le sacro-saint "double aveugle randomisé".
Exemple un,
exemple deux,
exemple trois... je pourrais continuer longtemps, mais bon, j'ai pas toute la nuit, je me lève tôt pour aller vendre des plantes demain.
Bref, ce topic est un bel exemple de désinformation, où ça affirme haut et fort l'absence de preuves scientifiques dans des domaines où il y en a pléthore, où ça sort tous les "y'a qu'à, faut qu'on" sur ce que devrait être la profession d'herboriste tout en démontrant ne rien savoir de l'état actuel de la réglementation sur l'herboristerie, où ça dit mieux savoir que les autres ce qu'il faut penser de l'homéopathie dans le même message où ça reconnait n'avoir aucune idée de comment ça marche dans les labos qui en fabriquent.
Du coup parlons labos d'homéopathie et profession d'herboriste.
Le principe de l'homéopathie est d'utiliser une teinture-mère de plante, de la diluer au 1/100ème, puis de rediluer cette dilution au 1/100ème, etc; si c'est dilué au 4CH, ça a été dilué 4 fois comme ça, si c'est au 10CH, 10 fois, etc. La teinture mère est un concentré de principes actifs de plantes, obtenue en faisant macérer la plante entière dans de l'alcool. On trouve aussi bien, dans les teintures mères utilisées en homéopathie, des plantes utilisables en phytothérapie comme le souci, que des teintures-mères que j'oserais même pas manipuler sans gants comme la cigüe. On arrive à mettre en évidence la présence de principes actifs dans les préparations homéopathiques jusqu'à 11CH. Donc avant de dire que l'homéopathie, ça marche ou ça marche pas, ça peut être bien de commencer à préciser si on parle de ciguë au 4CH ou de café au 40CH, par exemple. Ou de bien d'autres. Ensuite il y a l'efficacité de la recette originale, et il y a l'efficacité du médicament présentement disponible sur le marché, dont la qualité dépend de la qualité de la teinture-mère d'origine; elle-même dépend de la qualité du travail des cueilleurs et cueilleuses qui fournissent les laboratoires pharmaceutiques; or, les laboratoires pharmaceutiques payent très mal leurs fournisseurs, et c'est bien connu, à salaire de merde, travail de merde. Une même plante n'aura pas les mêmes propriétés selon qu'on la cueille au printemps ou en automne, le matin ou le soir, au soleil ou sous la pluie, en plaine ou en montagne... Pour en revenir à l'huile essentielle de lavande vraie, elle n'a droit à cette appellation que si elle est obtenue à partir de plantes ayant poussé à plus de 800m d'altitude. La rumeur dit qu'il est même arrivé qu'un labo d'homéopathie se soit fait refiler pendant 20 ans la mauvaise plante pour ses teintures mères, parce que la plante demandée était rare, qu'il y en a une qui ressemble qui est plus facile à trouver, et que si le prix auquel la plante est acheté ne permet pas aux cueilleur.euse.s de se tirer un revenu au vu du temps de travail nécessaire pour trouver des plantes rares, ben, on va pas le faire.
Profession d'herboriste maintenant? Bon, ça a été dit, elle n'existe plus depuis le gouvernement de Vichy. Pour autant les écoles d'herboristerie existent, juste, elles ne sont pas reconnues en France. Donc on peut soit payer un diplôme non reconnu à une école privée, soit aller se former en Belgique ou au Québec, mais le diplôme ne sera pas davantage reconnu en France. L'école des plantes de Lyon louvoie en disant qu'elle donne un diplôme d'"herbaliste", le terme anglais, qui ne correspond à rien en France, donc on peut bien l'utiliser comme on veut; l'école d'Ardèche dit qu'elle fournit un "certificat préparatoire aux métiers de l'herboristerie", étant entendu que "préparatoire" dit bien qu'on est pas diplômé... Les différentes écoles et associations autour du renouveau de l'herboristerie bataillent évidemment pour faire reconnaitre leur savoir-faire; ce ne sont pas des formations de médecine, mais ça tombe bien, les médecins ne connaissent que dalle aux plantes, c'est pas auprès d'elles et eux que j'ai envie de me former; mais ce sont quand même des formations en 2 ou 3 ans incluant de la botanique, de la chimie, de l'anatomie humaine... et parmi mes formateurs, il y en avait qui avaient des astreintes au centre anti-poison parce que leurs compétences sur les plantes toxiques et leurs contre-poisons explosaient celle de n'impote quel professionnel.le de santé. Il y a globalement trois métiers auxquels ce type de formation prépare et qu'elle tente de faire reconnaitre:
- herboriste de conseil; c'est celui qui n'est, à l'heure actuelle, pas totalement légal mais pratiqué quand même, il consiste à fournir des conseils de santé aux acheteurs dans le domaine du bien-être et de l'hygiène de vie, mais n'autorise en aucun cas à poser un diagnostic, il vient en accompagnement supplémentaire d'un avis médical
- herboriste de comptoir; il s'agit d'acheter en gros des plantes et produits à base de plante et de les revendre; les compétences demandées sont une très bonne capacité de reconnaissance des plantes sèches et de leur qualité, pour ne pas se retrouver avec la mauvaise plante achetée en gros (ce qui arrive souvent, surtout si on les achète à l'étranger), ou avec des plantes d'une qualité aussi minable que celles qu'on trouve dans les rares pharmacies qui en vendent (le processus d'identification et de certification des plantes pour la vente en pharmacie coûte extrêmement cher, donc il faut bien faire baisser les coûts quelque part, on va donc moins bien payer celles et ceux qui sont tout en bas de la chaîne, en train de cueillir, et encore une fois: à salaire de merde...)
- paysan.ne herboriste: quand on produit/cueille ses propres plantes pour la vente directe. C'est entièrement légal si on ne vend que les 148 plantes médicinales libérées du monopole pharmaceutique (ça ne veut pas dire que ces 148 sont entièrement sans danger, ça ne veut pas dire non plus que les autres sont dangereuses: ça veut dire que les pharmacien.ne.s acceptaient de lâcher leur monopole sur certaines plantes et pas sur d'autres). Il est par contre interdit de donner des conseils de santé personnalisés, mais on peut communiquer sur les propriétés des plantes proposées si on utilise les allégations de santé approuvées ou en attente d'approbation; aucune allégation thérapeutique n'est autorisée. La différence est qu'une allégation de santé touche au domaine du bien-être et du confort (faciliter le sommeil, la digestion, adoucir la gorge...), une allégation thérapeutique renvoie à une pathologie.
En herboristerie de comptoir aussi, on ne peut vendre que les plantes libérées du monopole pharmaceutique
même si on est soi-même diplômé en pharmacie mais qu'on n'exerce pas en officine. En gros: vous avez un diplôme de pharmacienne, vous en avez ras le bol de vendre des efferalgan et des anxiolytiques toute la journée à des gens qui auraient juste besoin de deux semaines de repos, vous décidez de lâcher votre officine pour allez faire l'école des plantes et ouvrir un magasin de santé naturelle: aux yeux de l'ordre des pharmaciens, vous n'êtes plus pharmacienne, vous perdez tous les droits associés, même si vos compétences sont toujours les mêmes. Impossible, donc, de vendre des plantes non libérées du monopole pharmaceutique comme par exemple le plantain, ce terrible danger que tout le monde mettait dans sa soupe ou sa salade il y a une soixantaine d'années encore.
Communiquer sur les usages traditionnels et les propriétés des plantes sans en vendre est toujours possible; ça s'appelle de l'animation, des balades à thème, des ateliers... Mais cette activité des transmission des savoirs doit toujours être séparée de l'activité de vente (si jamais on fait les deux), et ce
quelle que soit la qualité et l'exactitude des informations fournises. Ce n'est pas l'ordre des médecins qui juge du cadre dans lequel on a le droit de communiquer sur les propriétés des plantes en étant paysanne herboriste; c'est la répression des fraudes. Seule la dimension commerciale/pub illégale est prise en compte, pas la dimension sanitaire. Tant que vous ne tuez personne en confondant la carotte et la ciguë.
Bref, si je dois résumer en quelques mots ma position sur le sujet: à part si vous avez la chance immense d'avoir un.e médecin phytothérapeute près de chez vous, ça ne sert à rien de demander un avis médical avant d'utiliser une plante ou une préparation à base de plante, les médecins n'y connaissent rien du tout au point de mettre en danger leurs patient.e.s ("je veux pas savoir ce que vous prenez comme plante tant que vous prenez bien votre traitement"; ah ben si, quand t'as un patient qui prend du millepertuis ET un traitement médicamenteux avec lequel le millepertuis risque d'interagir, t'as plutôt intérêt à le savoir; et oui, c'est du vécu). N'allez pas non plus vous servir en pharmacie, l'organisation de la filière fait qu'on ne peut pas y trouver de produits de qualité. Si vous voulez utiliser des plantes, allez vers des gens qui connaissent réellement les plantes, pas vers des gens qui ne sauraient pas reconnaitre une lavande d'un hortensia. Et si les gens qui ne reconnaissent pas une lavande d'un hortensia pouvaient arrêter de croire que c'est leur mission sacrée de pondre des lois pour nous interdire de partager des savoirs ancestraux en voie de perdition à un public qui est en forte demande, ce serait bien aussi.