Je prends quelques minutes pour répondre, car j'ai plusieurs choses à ajouter.
Je suis étudiante en médecine, en 3ième année, et depuis cette année j'ai la possibilité de faire des nuits d'aide-soignante, pour gagner des sous-sous d'une part, mais aussi parce que je suis persuadée qu'en temps que futur médecin, j'ai tout à y gagner.
J'ai entendu parler de ce mouvement hier, tandis que je racontais à ma maman ma nuit précédente passée en médecine interne. Au départ, sur le ton de la blagounette, je racontais que j'avais passé ma nuit à changer des couches & des draps, essuyé les culs des patients... raconté avec le sourire, ça passe bien. Mais à chaque fois que je lui raconte mes nuits, je n'oublie pas de préciser le reste: mes impressions, le manque de matériel, les plaintes des infirmières, leur récit. Et du coup maman, qui me tient toujours au courant de l'actualité que je n'écoute pas, me dit: "tu n'as pas entendu parler du dernier mouvement infirmier en date? Ni bonnes ni pigeonnes, un truc dans le genre. Ils en parlent, beaucoup de professionnels ont rejoint le mouvement, en dénonçant ce que tu me racontes là...". Et aujourd'hui je tombe sur ton topic, belle initiative, même si ça n'aura peut-être pas beaucoup d'impact.
Alors je reprends ce que Sceau a dit très justement en peu de mots, juste par ce que c'est ce que j'ai entendu la nuit dernière, et c'est aussi ce que j'ai pu observer.
Ayant eu une grand-mère qui a vécu jusqu'à 92 ans sans avoir un seul problème de santé, et fréquentant désormais le millieu hospitalier, je regarde les patients de son âge en ayant toujours une grande pensée pour elle. Peut-être s'ennuyait-elle dans son appartement toute seule, mais au moins elle n'a pas été patiente allitée dans un service de l'hôpital, et quelle chance.
Difficile de dire ces patients ne seraient pas mieux chez eux qu'à l'hôpital. Ils sont profondément dépendants du service hospitalier et profondément assistés: il faut leur mettre des couches, leur essuyer les fesses, changer leurs draps plein d'urine, & les soulever à moitié pour faire tout cela. J'ai une pensée pour la dame de 120 ou 140 kg dont je me suis occupée la nuit dernière, qui me demandait la bassine pour faire ses besoins, mais qui était incapable de m'aider à soulever son bassin. Et un peu embêtée, je lui demande de patienter quelques minutes le temps que j'aille chercher de l'aide: mes 45kg ne peuvent rien faire pour elle. Donc ma collègue aide-soignante est venue m'aider, bien qu'elle ne pèse pas beaucoup plus lourd que moi, sauf qu'elle "elle a l'habitude".
Ce que j'essaye de dire c'est que les 2 infirmières de nuit et l'aide-soignante m'ont raconté les conditions déplorables dans lequelles elles bossaient: les congés de maladie refusées, les appels à 18h30 "on a personne vous pouvez pas venir ce soir?" pour la prise de service à 20h45, le manque d'effectif, les intérim embauchés qui parfois font un boulot déplorable, tout ça tout ça... Peut-être que si les cadres qui réfléchissent à ça, les hauts dirigeants sensés pensés comme disait Sceau, essayaient de faire ce boulot, comprendraient mieux le mouvement éviteraient qu'il ne s'enterre.
Mais les infirmières continuent leur boulot, malgré les conditions qui se détériorent, car personne ne le fera à leur place, et aussi pour garantir un minimum de conforts aux malades: laisser un patient croupir dans son urine ou ses défécations toute la nuit, ce n'est pas humain, combien même "on n'a pas le temps". Et puis je regrette, ces patients sont déjà malades, les laisser dans un tel inconfort ne revient qu'à les rendre encore plus malades.
En voilà... mon message n'apporte rien de plus finalement, mais je voulais manifester mon soutien. Pendant ma nuit, lors d'un tour que l'on effectuait, j'ai trouvé que l'aide-soignante qui était avec moi n'était pas toujours aimable. Avec ma naïveté de débutante, j'ai dû penser que je serai capable de plus d'amabilité. Quelques heures plus tard, je reconsidérais mon jugement: avec des patients à peine conscients, à peine capables de saluer ou de sourire, il est fortement désagréable de ne passer dans leur chambre que pour nettoyer leur cul et les déplacer d'un côté à l'autre du lit pour changer les draps. Au bout du quinzième patient comme ça en l'espace d'une heure, je comprends finalement que l'amabilité en prenne un coup: y'a plus agréable.
De plus, il est regrettable je trouve d'arriver dans le service et de s'entendre dire: "dis-, tu veux pas descendre en neurologie chercher des pansements américains? ... oh pis y'a plus de couches roses non plus..." tandis que l'aide-soignante du service d'à côté débarque dans notre service pour dire: "on n'a plus de serviette éponge, c'est possible que vous nous en dépanniez?".
Les services manquent de matériel, c'est dommage. Comment garantir les meilleurs soins alors qu'on est déjà obligés de courir à travers l'hosto pour tout avoir? Je suis sceptique.
Bref, la semaine prochaine j'ai accepté de faire une après-midi en Soins Palliatifs... en tant qu'étudiante, je suis heureuse, j'ai un aperçu de tous les services de l'hôpital, et en tant que futur médecin je suis contente aussi, mon sens critique s'affine.
Je soutiens pleinement votre mouvement et votre beuglante, même moi qui n'assiste à ça qu'occasionnellement, je peux voir tout ce que vous dénoncez. Cela veut tout dire.
Je suis étudiante en médecine, en 3ième année, et depuis cette année j'ai la possibilité de faire des nuits d'aide-soignante, pour gagner des sous-sous d'une part, mais aussi parce que je suis persuadée qu'en temps que futur médecin, j'ai tout à y gagner.
J'ai entendu parler de ce mouvement hier, tandis que je racontais à ma maman ma nuit précédente passée en médecine interne. Au départ, sur le ton de la blagounette, je racontais que j'avais passé ma nuit à changer des couches & des draps, essuyé les culs des patients... raconté avec le sourire, ça passe bien. Mais à chaque fois que je lui raconte mes nuits, je n'oublie pas de préciser le reste: mes impressions, le manque de matériel, les plaintes des infirmières, leur récit. Et du coup maman, qui me tient toujours au courant de l'actualité que je n'écoute pas, me dit: "tu n'as pas entendu parler du dernier mouvement infirmier en date? Ni bonnes ni pigeonnes, un truc dans le genre. Ils en parlent, beaucoup de professionnels ont rejoint le mouvement, en dénonçant ce que tu me racontes là...". Et aujourd'hui je tombe sur ton topic, belle initiative, même si ça n'aura peut-être pas beaucoup d'impact.
Alors je reprends ce que Sceau a dit très justement en peu de mots, juste par ce que c'est ce que j'ai entendu la nuit dernière, et c'est aussi ce que j'ai pu observer.
seau;3766377 a dit :(...)
La réalité c'est qu'au fur et à mesure, l'hôpital n'a plus eu d'argent, et a commencé à rendre le travail difficile : manque d'effectif, surcharge de travail aboutissant à des heures sup', heures sup' non payées, surcharge de travail aboutissant à une fatigue -> arrêts de travail -> remplacements mais manque de personnel donc retour sur jours de repos non payés -> fatigue physique + mentale.
C'est vraiment un gros cercle vicieux, on s'en rend bien compte au quotidien. Pour ma part en réanimation, nous avons un quota d'infirmière/patients. Vous me direz "tant mieux alors vous êtes bien loties vous avez vos 2/3 petits patients" sauf que les techniques évoluent, les patients que l'on prend en charge sont de plus en plus lourds et donc le travail plus difficile.
(...)
Ensuite la différence avec un autre secteur c'est que nous nous occupons de la santé des personnes. Si on est pas assez pour les toilettes en maison de retraite, les résidents "baignent" dans leurs urines en attendant ; si on choisit de ne pas prendre le temps de faire une toilette correcte (pour moi en 30-45 minutes pour une complète) pour ne pas les faire attendre, on tombe dans la maltraitance car fait à la va-vite. C'est une histoire de santé mais aussi de respect de la dignité de l'humain.
Le problème c'est que cette dégradation s'est faite au fur et à mesure, et à part continuer à faire le travail au mieux dans les conditions imposées ou démissionner on a pas eu d'autres solutions. Est-ce que c'est ce que nous voulons ? Nous adapter toujours ? Je ne pense pas.
Après si la question est : "où trouver l'argent ?" "comment changer les choses ?" ...j'ai envie de répondre qu'il y a des gens qui sont payés pour réfléchir à ça ! Nous on est sur le terrain, on est censés faire confiance à nos élus pour la gestion de nos problèmes...
(...)
Ayant eu une grand-mère qui a vécu jusqu'à 92 ans sans avoir un seul problème de santé, et fréquentant désormais le millieu hospitalier, je regarde les patients de son âge en ayant toujours une grande pensée pour elle. Peut-être s'ennuyait-elle dans son appartement toute seule, mais au moins elle n'a pas été patiente allitée dans un service de l'hôpital, et quelle chance.
Difficile de dire ces patients ne seraient pas mieux chez eux qu'à l'hôpital. Ils sont profondément dépendants du service hospitalier et profondément assistés: il faut leur mettre des couches, leur essuyer les fesses, changer leurs draps plein d'urine, & les soulever à moitié pour faire tout cela. J'ai une pensée pour la dame de 120 ou 140 kg dont je me suis occupée la nuit dernière, qui me demandait la bassine pour faire ses besoins, mais qui était incapable de m'aider à soulever son bassin. Et un peu embêtée, je lui demande de patienter quelques minutes le temps que j'aille chercher de l'aide: mes 45kg ne peuvent rien faire pour elle. Donc ma collègue aide-soignante est venue m'aider, bien qu'elle ne pèse pas beaucoup plus lourd que moi, sauf qu'elle "elle a l'habitude".
Ce que j'essaye de dire c'est que les 2 infirmières de nuit et l'aide-soignante m'ont raconté les conditions déplorables dans lequelles elles bossaient: les congés de maladie refusées, les appels à 18h30 "on a personne vous pouvez pas venir ce soir?" pour la prise de service à 20h45, le manque d'effectif, les intérim embauchés qui parfois font un boulot déplorable, tout ça tout ça... Peut-être que si les cadres qui réfléchissent à ça, les hauts dirigeants sensés pensés comme disait Sceau, essayaient de faire ce boulot, comprendraient mieux le mouvement éviteraient qu'il ne s'enterre.
Mais les infirmières continuent leur boulot, malgré les conditions qui se détériorent, car personne ne le fera à leur place, et aussi pour garantir un minimum de conforts aux malades: laisser un patient croupir dans son urine ou ses défécations toute la nuit, ce n'est pas humain, combien même "on n'a pas le temps". Et puis je regrette, ces patients sont déjà malades, les laisser dans un tel inconfort ne revient qu'à les rendre encore plus malades.
En voilà... mon message n'apporte rien de plus finalement, mais je voulais manifester mon soutien. Pendant ma nuit, lors d'un tour que l'on effectuait, j'ai trouvé que l'aide-soignante qui était avec moi n'était pas toujours aimable. Avec ma naïveté de débutante, j'ai dû penser que je serai capable de plus d'amabilité. Quelques heures plus tard, je reconsidérais mon jugement: avec des patients à peine conscients, à peine capables de saluer ou de sourire, il est fortement désagréable de ne passer dans leur chambre que pour nettoyer leur cul et les déplacer d'un côté à l'autre du lit pour changer les draps. Au bout du quinzième patient comme ça en l'espace d'une heure, je comprends finalement que l'amabilité en prenne un coup: y'a plus agréable.
De plus, il est regrettable je trouve d'arriver dans le service et de s'entendre dire: "dis-, tu veux pas descendre en neurologie chercher des pansements américains? ... oh pis y'a plus de couches roses non plus..." tandis que l'aide-soignante du service d'à côté débarque dans notre service pour dire: "on n'a plus de serviette éponge, c'est possible que vous nous en dépanniez?".
Les services manquent de matériel, c'est dommage. Comment garantir les meilleurs soins alors qu'on est déjà obligés de courir à travers l'hosto pour tout avoir? Je suis sceptique.
Bref, la semaine prochaine j'ai accepté de faire une après-midi en Soins Palliatifs... en tant qu'étudiante, je suis heureuse, j'ai un aperçu de tous les services de l'hôpital, et en tant que futur médecin je suis contente aussi, mon sens critique s'affine.
Je soutiens pleinement votre mouvement et votre beuglante, même moi qui n'assiste à ça qu'occasionnellement, je peux voir tout ce que vous dénoncez. Cela veut tout dire.