Bon, je vais commencer par avouer un truc honteux : j'adore ce qu'il fait. Par contre, j'ai jamais été trop fan fan de cette chanson. Elle me déplaît esthétiquement et idéologiquement. Je peux comprendre qu'elle ait choqué et entraîné des poursuites (surtout qu'il s'en sort bien au final, pas cher payé le gros coup de pub).
Sans vouloir tracer de comparaisons entre les deux rappeurs et leur talent respectif, je voudrais en tracer une entre deux chansons, celle-ci et "Kim" de Eminem, qui a fait polémique dans le sens où il a mis en scène sa relation avec son épouse à l'époque, Kim : le pitch de la chanson, c'est qu'il découvre qu'elle le trompe, grosse dispute, puis il l'égorge avec forces hurlements et bruitages. Il faut rajouter que Kim a découvert cette chanson en live à un concert où il l'avait invité, puis a fait une tentative de suicide, a porté plainte pour diffamation et le couple s'est finalement séparé (super source : Wikipedia baby). Eminem n'a jamais subi une seule condamnation pour cette chanson, de la même manière qu'il n'a jamais été accusé de violence conjugale.
La justification des deux artistes est la même : le rappeur s'invente toujours un personnage (Eminem a de multiples identités, Slim Shady, Marshall...) qui lui permet une liberté quasi-absolue dans le sens où chaque chanson est une histoire où il se glisse dans la peau du héros. La première personne est toujours plus percutante et les deux rappeurs jouent souvent sur les limites entre fiction et réalité pour au final (à mon sens) mieux dénoncer : ici, l'objectification de la femme, la fadeur des rapports sexuels, là la violence conjugale...
Ce qui pour moi oppose par contre les deux chansons est lié au ton de ces artistes de manière générale : Eminem y a mis toute sa haine et toute l'authenticité du sentiment qu'il décrit, alors que Orelsan y a mis toutes ses bonnes vannes et ses punchlines. Ca donne deux résultats très différents, l'un est au premier degré le plus absolu, l'autre au quatre-vingt-douzième (environ). C'est ce qui fait aussi que des gens se soient sentis profondément offensés : c'est plus facile de trouver la morale de Kim que de déceler le message de St Valentin. Au fond, comme on n'est pas dans la tête des rappeurs, on ne peut pas savoir s'ils ont vraiment voulu transmettre une morale, un message. Mais c'est l'ambiguïté de la réception qui pose problème.
D'ailleurs, les petits gars qui écoutent Orelsan récitent régulièrement les paroles et eux sont parfaitement sérieux quant à la dégradation de la femme qui y est préconisée. Il est là le problème : on peut tourner en dérision ET en objet d'art des choses qui sont unanimement admises comme étant MAL (battre et tuer sa femme comme dans Kim), c'est toujours plus complexe de rire d'un sujet qui ne fait pas l'unanimité.
D'un certain côté, je suis contente de voir qu'on peut être puni pour ce type de propos, et en même temps, cette condamnation m'apparaît comme le produit d'une mauvaise conscience généralisée quant à la manière dont la société traite les thèmes de la culture du viol et du slut shaming (comme je l'ai vu dans les commentaires). Est-ce que ça fait vraiment avancer le schmilblick, ou est-ce que ça permet juste de dire aux féministes : "tenez, voilà, il a été puni, arrêtez de faire chier maintenant" ?
Peut-être... oserais-je... peut-être qu'Orelsan a plus fait pour le féminisme en écrivant cette chanson que la condamnation de celle-ci.
Enfin bref, j'arrête mon analyse à deux francs et je retourne écouter Le Chant des Sirènes
Kim de Eminem version non censurée : http://www.youtube.com/watch?v=Y4EItD1aOCI