J'ai écrit ça il y a quelques temps. C'est sûrement un peu hors sujet, parfois, mais je le poste ici malgré tout.
"C’est ma première fois. J’ai toujours dit que je n’aimais pas ça, alors que je n’y ai jamais gouté. J’ai commandé un café sucré. J’ai tourné la cuillère une fois, dans le sens des aiguilles d’une montre. Il fait froid, pourtant ils ont sortis les radiateurs. J’ai posé ma cuillère sur la coupelle pour coller ma main contre la tasse, mais mes doigts gelés m’ont empêché de sentir la brûlure en train de former des tas de petites cloques sur ma peau. J’ai fini par retirer ma main en poussant un cri étouffé, j’ai regardé partout autour de moi comme pour vérifier que personne ne m’ait entendu, et j’ai bêtement soufflé sur ma paume, comme si ça allait tout arrangé. C’est dingue comme on peut avoir des réactions étranges face à la douleur, des fois. Regarde, tu me tues, à chaque regard, et pourtant, là, je t’attends. J’ai continué de vider mes poumons, puis j’ai reposé ma main sur la table. Sur mon portable, il est 14h21. On avait dit 14h30. Ca fait 17 minutes que je suis assise ici. Je me suis sentie obligée de commander après que le serveur soit venu deux fois me demander si je comptais consommer. Ca ne devait pas être son jour, à lui non plus. Preuve que certains le cachent mieux que d’autres. Mais j’avais autre chose à penser que l’amertume de ce serveur. Est-ce que tu allais venir ? Est-ce qu’on allait parler de la dernière fois ? … 14h23. C’est quand tu veux. J’ai sorti mon miroir de poche pour vérifier que mon liner n’avait pas coulé. Il n’a pas bougé, mais j’ai le nez tout rouge, j’ai vraiment froid. J’aurais peut être du me mettre à l’intérieur. Sauf que si j’avais fait ça, non seulement je ne t’aurais pas vu arriver, mais en plus tu n’aurais pas pu fumer tes cigarettes et ça t’aurais contrarié. 14h24. Et puis, est-ce que j’aurais encore des papillons dans le ventre en te revoyant après ces longs mois sans nouvelle de toi ? Est-ce que tu seras déçu de ce que tu retrouveras en face de toi dans 6 minutes ? 14h25. Je t’attends, je ne sais faire que ça, de t’attendre. J’ai le ventre noué, la gorge sèche, j’ai bu un peu, juste à peine, pour ne pas m’enlever ce rouge à lèvre que j’ai bien mis dix minutes à choisir avant de venir. Je me suis brûlée la langue, j’ai ouvert la bouche en suffoquant. J’ai guetté la rue du coin de l’œil. Je te cherchais au milieu des passants. Je tournais la tête à gauche, puis à droite, puis à gauche, on aurait pu croie que je regardais un match de tennis, ça en était ridicule. 14h32. Évidement, il ne fallait pas que je m’attende à te voir en avance. J’ai repris ma cuillère, mélangé mon café en huit, puis en cœur, puis une croix. La tasse n’est plus brulante, je l’ai prise entre mes deux mains, et j’ai bu gorgée par gorgée, petit à petit. 14h38. Est-ce que c’est toi, là, à trente mètres sur le trottoir d’en face ? Mon dieu, tu es toujours aussi beau. Je vais exploser. J’ai reposé ma tasse, ne serait-ce que pour éviter de la lâcher bêtement en entendant ta voix. J’ai croisé ton regard, t’ai fait un sourire, tu y as répondu, avec le même sourire de toujours. Bizarrement, je n’ai pas eu ce pincement au cœur « habituel ». Tu t’es assis en face de moi, on a parlé, de tout, de rien. Tu as commandé un café, j’avais quasiment fini le miens. Je n’en ai pas repris, je n’avais pas spécialement soif. Tu ne m’en as pas proposé non plus, ce n’est pas dans tes habitudes. Tu n’as pas changé. Bizarrement, ça me dérange. Ca fait un an qu’on ne s’est pas vu. Et tu n’as pas changé. Qui ne change pas en un an ? N’as-tu donc pas grandi ? N’as-tu donc pas changé d’avis, d’ambition, de mode de vie, de manière de voir les filles, de me voir moi, de nous voir nous ? Je t’aimais tellement, tu sais. Mais tu n’étais pas prêt à concentrer ton amour en une seule femme. Tu aimais les femmes, toutes, tu n’aurais jamais pu me consacrer autant d’adoration que ce que tu vouais à tous ces corps avec les quels tu partageais tes draps. On a rit, on a parlé de rien, on aurait dit de vieux amis. On avait froid tous les deux, mais pas une seule fois l’idée de nous étreindre n’a semblé te traverser l’esprit. Tu m’as demandé ce que je devenais, et tu m’as dit que tu avais faim. N’allions nous pas parler de cette dernière fois ? On en a déjà parlé par messages, oui d’accord. Mais ça n’a rien à voir. Je t’ai attendu pendant des mois et tu n’es jamais venu. Il a fallu que je finisse par tourner la page pour que tu me proposes de te revoir. Je pensais retrouver mon coup de foudre, je pensais vraiment retomber dans tes bras. Mais non. Tu es mignon, tu es sympathique, tu es marrant, mais tu n’es plus celui que j’attendais. Où sont les papillons au fond du ventre ? Pourquoi mon cœur ne bat-il pas à 200 à l’heure ? Ma tasse est vide. Je n’aime pas le café, vraiment. J’aurais du prendre un chocolat chaud. 16h47. Ca doit bien faire 12 minutes qu’on ne se dit plus grand-chose. Je le sais, j’ai regardé l’heure quand tu étais au téléphone. Une fille, encore. Je ne sais pas qui c’est, ce n’est sûrement qu’une amie, mais je ne peux m’empêcher de croire qu’elle aussi, tu l’as eu le temps d’une nuit. N’as-tu donc pas muri à ce sujet non plus ? 16h53. Tu as récupéré ton paquet de tabac sur la table, et m’as dit que tu avais des trucs à faire. « Peut être à bientôt, ça sera avec plaisir ! » J’ai acquiescé avec le sourire. On s’est levés, tu m’as fait la bise. Pour la première fois depuis bien longtemps. On ne s’est pas embrassé, on ne s’est pas pris dans les bras, on a juste collé nos joues l’une contre l’autre, deux fois. Et tu es parti, sans te retourner une dernière fois. Rien, il n’y avait pas de papillons dans le fond de mes entrailles. Plus rien. On s’est souris avant que tu te retournes, et puis tu as disparu. J’ai un goût amer qui traine dans ma bouche. Je ne sais pas si c’est le café, ou si c’est toi. Peut être un peu des deux. J’ai aimé te revoir, même si j’aurais aimé te retrouver. On se recroisera sûrement, mais aujourd’hui je suis sûre que nos chemins ne le feront plus. Adieu, mon amour, aujourd’hui je sais que tu n’es pas celui que j’attendais. C’est fini ce petit espoir, on ne m’y reprendra plus. Ni dans tes bras, ni plongée dans cette immonde tasse de liquide noirâtre."