Hello à toutes !
Je vous mets en copie les propos de M. Satrapi (l'auteure de la BD Persépolis), que je trouve très inspirants. Ces propos sont extrait d'une interview réalisée pour Le Monde en octobre 2020 (article payant).
"Le français en guise de passeport ?
Et d’ouverture sur une autre façon de penser. Si tu parles une deuxième langue, me disait ma mère, tu es deux personnes. Si tu en parles trois, tu es trois personnes, et ainsi de suite. Il s’agissait de m’armer pour affronter la vie avec un maximum d’atouts et partir en Occident, terre de démocratie, le plus vite possible.
Et c’était incroyablement généreux, quand on y pense, car j’étais sa fille unique. Mais elle considérait que je ne lui étais « confiée » que pour un certain temps et qu’ensuite je devrais m’envoler. « Pars ma fille. Pars loin, et vis ce que tu as à vivre. » Seule une très bonne mère est capable d’un tel discours. Pas le genre à faire du chantage affectif ni à me faire croire que la maternité était la meilleure chose au monde. Au contraire ! Elle me disait : « J’ai été intelligente, je n’ai fait qu’un gosse. Si tu es très intelligente, tu n’en feras pas du tout. » Je n’en ai pas fait. Je chéris trop la liberté. Le moindre compromis m’aurait rendue malade.
Ce n’est pourtant pas évident de résister à l’injonction de la maternité…
Une injonction croissante, extravagante, insupportable ! Comme si l’utérus des femmes ne leur appartenait pas mais appartenait à la société, puisqu’elles doivent perpétuer la race humaine. Odieux. Combien de fois ai-je entendu : vous n’êtes pas une femme complète tant que… Eh bien si ! Je suis femme, complètement femme, sans connaître l’enfantement. Et je ferai des expériences que d’autres ne connaîtront jamais. Je n’ai nullement besoin d’être « complétée » par un homme ou par un enfant. Je me suffis amplement. Les autres, c’est la cerise sur le gâteau. Mais le gâteau à la crème, c’est moi.
Votre mère au caractère si trempé avait-elle été influencée par des lectures ?
Elle avait lu Simone de Beauvoir mais c’était spontanément une rebelle. Mon premier souvenir d’elle remonte à mes 2 ans et elle tabasse un mec qu’elle a surpris en train de regarder par la serrure la bonne qui fait pipi. Elle avait la morphologie d’une brindille, mais elle le tenait par la peau du cou en lui fichant des claques et en criant en persan : « Dis que tu bouffes ta merde ! »
Son message n’a jamais varié : « Si un homme te touche, Marjane, tu frappes ! » Je ne vous raconte pas le nombre de coups de poing que j’ai donnés dans le métro lorsque je suis arrivée à Paris. A la moindre main aux fesses, je cognais, interloquée par le regard désapprobateur des autres passagers. « C’est lui l’agresseur, je ne fais que me défendre ! », ai-je dû souvent me justifier. En Iran, toute la population me soutiendrait. Eh bien à Paris, le public reste inerte et c’est la femme agressée qui prend une mine honteuse. C’est incroyable !"
Cette femme géniale et sa mère devraient toutes nous inspirer...