@Melydo Je me permets de répondre car j'ai été adoptée quand j'étais bébé, quittant un pays asiatique pour l'Europe. Je ne peux évidemment pas parler au nom des autres adopté.e.s, mais pour ma part, c'était plus le manque de lien entre mon "ancienne" culture et ma "nouvelle" qui a pu me tracasser, plus que l'absence de liens avec ma famille d'origine. Mes parents n'ont jamais caché d'où je venais, ils ont toujours dit les choses telles qu'elles étaient mais ils ont eu la bonne idée/le bon sens de prendre beaucoup, beaucoup, beaucoup de photos et de notes durant leur voyage pour m'adopter. J'ai donc pu voir ce qu'était mon pays d'origine, les gens, la vie là-bas de par leur prisme et non par celui plus froid d'un documentaire ou un livre. Ca a été le plus important je trouve, au delà de savoir mes origines biologiques, et aujourd'hui je peux effectivement l'affirmer car une partie de ma famille biologique a tenté de reprendre contact avec moi, il y a deux ans.
Sur le coup, ça m'a fait du bien de pouvoir poser des questions (pas beaucoup cela dit, j'étais pas si curieuse que ça en fait...) et de voir qu'ils étaient encore en vie, que leur situation financière s'était améliorée. J'ai ainsi pu voir le visage de ma mère de naissance 20 ans après, celui de mes soeurs, de mes neveux et nièces, de mes grands-parents. Mais pour être franche... Si j'ai toujours voulu retourner dans mon pays d'origine pour m'imprégner de la culture des lieux, des rituels, des sensations, je ne pensais que très rarement à l'idée de revoir ma famille. Ce n'est pas quelque chose qui m'obsédait, sans doute parce que mes parents ont pris soin de nous expliquer tout ce qu'ils savaient sur la situation, donc il n'y avait ni secrets ni tabous.
Depuis deux ans, ma petite soeur qui a apparemment vécu avec le "spectre" d'une soeur partie en Europe, me réclame de venir leur rendre visite. Dans la théorie je ne suis pas contre. Mais j'avoue que ça ne m'excite pas plus que ça non plus. Je ne rejette pas cette famille, je ne considère pas que ma mère a été une horrible personne en me plaçant dans un orphelinat, pour autant je ne me sens pas liée à eux autrement que par le sang, et ça ne pèse pas bien lourd dans la balance. Ils me font l'effet du vieil oncle Bill, qu'on ne voit jamais, on sait qu'il existe et qu'il fait partie de la famille mais on ne se sent pas vraiment concerné par sa vie, son devenir.
Ce ne sont pas des inconnus mais ce ne sont pas des proches non plus. C'est assez bizarre à décrire... Mais on ne peut pas forcer des gens à s'aimer, c'est indéniable. Et du coup, pour répondre un peu plus précisément à la question, non, je n'ai jamais vraiment voulu savoir ce que ma famille d'origine était, devenait, ils se sont imposés à moi et j'ai décidé de les accepter dans une portion éloignée de ma vie. J'ai mis du temps à le comprendre et l'accepter mais je ne leur dois rien, ce n'est pas parce qu'ils sont "ma famille de sang" que je dois me sentir obligée de les aimer, de communiquer avec eux, de les comprendre. J'ai tendance à dire que les enfants adoptés, puis adultes qu'ils deviendront, pourraient mal le vivre si leur famille proche n'a pas fait la lumière sur la grande question "d'où je viens ?". Il faut pouvoir faire la paix avec son histoire. Je ne dis pas que je n'ai pas souffert de l'adoption, par moment j'ai eu des interrogations, des crises existentielles et quelque part ça continue de modeler l'individu que je suis, mais pour autant, je ne pense pas mal vivre le fait que je n'ai pas de lien avec cette famille. Ca n'a rien à voir avec leur présence ou non, mes blessures découlent plutôt du fait que je ne puisse pas avoir de repères de mon pays d'origine, que je suis "coupée" de cette culture qui pourtant fait partie de moi, que c'est ce manque qui revient quand quelqu'un dit "moi je suis originaire de x, toute ma famille a vécu ici depuis 5 générations, j'ai vu le jour dans cet hôpital !".
Ma réponse est hyper confuse et en plus j'ai mis aucun smiley, j'espère que ce n'est pas trop crade à lire :/
Mais mes réflexions sont permanentes à ce niveau donc je ne sais pas forcément comment expliquer/trier/hiérarchiser 20 ans de questions existentielles en seulement quelques paragraphes
Pardon...