@Imago
quand on parle de l'assistanat dans le langage courant, il y a une nette tendance à mélanger plusieurs choses différentes :
- les droits sociaux, acquis par des personnes du fait de leur participation au système sociale (cotisations). C'est notamment le cas du chômage : on n'est pas au chômage par charité de l’État, mais parce qu'on a cotisé pendant une durée suffisante pour prétendre à ces droits, et ces droits ne sont pas éternels. Ici, on n'est pas dans un système d'assistance mais d'assurance : on paye quand on peut pour être couvert dans les moments où on en a besoin.
- les mesures de solidarité nationale : qui sont des mesures qui ne s'adossent pas à une exigence de participation : par ex, le RSA, l'AME... Ces mesures peuvent relever de la sécurité sociale ou de l'action sociale de l'Etat. Dans un certain nombre de cas, ces mesures sont conditionnées : il faut remplir un certains nombres de critères qui justifient l'accession à ces aides (niveau de revenu, situation professionnelle, enfants à charge...). Et dans tous les cas, il faut faire la démarche pour les obtenir (rien n'est automatique). Comme le soulignait
@Anna Stesia , on peut penser qu'un grand nombre de personnes ne sollicitent pas les aides auxquelles elles pourraient être éligibles.
- les services de l'Etat et/ou des collectivités (éducation, services publics, transports en communs...) Qui peuvent offrir des facilités sous conditions.
- les organismes caritatifs, souvent d'initiative privée, mais soutenu partiellement par des aides publiques (de moins en moins, il faut bien le dire), de type resto du cœur, Emmaüs...
La question d'ordre morale est effectivement centrale : est-il moral de laisser d'autres être humains mourir de froid ou de faim sous prétexte qu'ils ne se bougent pas le cul pour trouver du boulot (raisonnement typique des personnes qui aiment utiliser le terme "assistanat", je précise que c'est de l'ironie) ?
Spoiler : la réponse est non. Laisser quelqu'un mourir n'est jamais moral. Laisser quelqu'un vivre dans des conditions insalubres et/ou indigne n'est jamais moral.
Une autre question est celle de la cohésion sociale : il n'y a pas d'intérêt social à avoir trop de personnes dans la misère dans un pays qui se veut développer. La puissance publique a intérêt que l'ensemble de la population du pays ait un niveau de vie minimal. Pourquoi ? Parce que les difficultés d'accès aux ressources favorisent le développement de stratégies alternatives : sortie des cadres de l'économie traditionnelle, travail au noir, corruption des fonctionnaires... De la même manière, renoncer à une couverture santé aussi étendue que possible (CMU et AME) pourrait avoir des conséquences graves en termes de santé publique : propagation des épidémies, retour de certaines pathologies éradiquées. Récemment, des hypothèses ont été formulées sur les risques du déremboursement des médicaments : recours au trafic, à la contrefaçon de médicaments, achats massifs hors des circuits de distribution traditionnels, baisse de l’activité pharmaceutique traditionnelle, démaillage du réseau des pharmacies... Les États développés ont intérêt à conserver un niveau de vie décent à leur population.
Enfin, dans l'imaginaire collectif, il y a cette famille (issue de l'immigration, bien entendu, autant aller jusqu'au bout dans l'abject), qui vit des allocations familiales, tout en fraudant la CAF, dont un au moins des parents ne travaille pas tout en bénéficiant d'un statut de personne handicapée (plus facile pour le parking et pour couper la queue à la caisse), avec une floppée d'enfants dont les plus âgés se livrent bien évidemment à du trafic de stup, qui peut se payer des Iphone neufs chaque année grâce à des circuits de revente, qui ne paye pas d'impôts sur le revenus, ni de taxe d'habitation (en même temps, rassurez-vous y'en a bientôt plus), qui vit en HLM, ne paye pas l'électricité, qui se paye un écran plat chaque année la fameuse allocation de rentrée scolaire, qui va aux restos du coeur tous les jours pour faire des réserves. Bref, des profiteurs, qui vivent bien du système sans rien branler.
Alors, je ne vais pas faire durer le suspens plus longtemps, mais cette vision relève du fantasme à 99.9% (je laisse 0.01% pour la mad qui a des voisins comme ça, pour la mad assistante sociale qui a eu des
clients comme ça, ou pour celle dont la famille est comme ça, bref pour le premier contre exemple qui pointera le bout de son nez).
Mais c'est un fantasme très facile à alimenter (on arrive en septembre, suivez bien les resucées de l'allocation scolaire) parce que c'est facile à voir. C'est plus simple de dire chaque année : "oh, regardez ces petits pauvres qui ont le dernier Iphone", plutôt que de se dire "oh, regardez tous ces testing au CV qui montrent bien qu'habiter certaines communes ou certains quartiers est un facteur de discrimination flagrant". Parce que c'est un fantasme qui se nourrit d'une situation idéalisée sans percevoir que cette situation n'est possible que sur un terreau de discriminations sociales et d'inégalités, qui sont, elles, le véritable problème.