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AnonymousUser
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Cynipoidea;1087637 a dit :Je suis SIDEREE par le nombre de personnes ici et ailleurs affirmant qu'autoriser la burqa ressort de la liberté individuelle. Comme si les filles des soixante-huitards n'avaient aucune conscience du combat contre l'aliénation par les règles traditionnelles qu'ont conduit leurs parents. Comme si les arrière-petites-filles des suffragettes avaient tout oublié des luttes de leurs aïeules pour obtenir ce droit fondamental que celui d'avoir LES MEMES DROITS que les hommes, dont celui d'avoir une volonté qui COMPTE AUTANT AUX YEUX DE LA SOCIETE que celle des hommes, une autorité identique à celle des hommes
En France les femmes ont les mêmes droits que les hommes, qu'elles soient en mini jupe ou en burqa. Si une femme en burqa décide de divorcer, de changer de style vestimentaire, de porter plainte contre son mari, de travailler ou que sais-je, elle en aura autant le droit qu'une femme sans burqa. Ce n'est pas parce qu'elle fait le choix d'être soumise, "cachée" ou que sais-je que l'Etat la considère ainsi. Parce que c'est une question de choix. Que ce choix se fasse sous des pressions, par ignorance, ou par simple volonté n'a aucune importance. Tant que sous le voile il y a un être humain, en France, cela signifie que cet être humain a fait un choix conscient et qu'il a autant de droits qu'un autre. Et ce choix-là l'Etat ne peut pas le contrôler. Et c'est précisément de cela dont il est question ici, ne t'en déplaise : est-ce que l'Etat peut faire une loi qui se base sur un ressenti subjectif, qui pénètre la sphère privée et qui interdit aux femmes de se vêtir comme elles le souhaitent ? Si tu réponds oui, sérieusement, je trouverais ça assez inquiétant. Et j'en ai marre de voir que cette politique de show l'emporte sur une politique de fond, qu'elle autorise certains à faire passer des lois choquantes et liberticides au lieu de s'attaquer au vrai problème. J'en ai également marre qu'au nom de la liberté de la femme on en vient à considérer la femme comme un être décérébré qui a besoin de la protection de l'Etat.
Sérieusement, si on veut utiliser l'argument de la liberté de la femme, on ne peut pas pointer la burqa du doigt et dire que c'est le problème. Le problème c'est l'éducation, c'est la montée de l'extrêmisme, c'est le manque de perspective qu'on offre à pas mal de jeunes femmes, c'est énormément de choses. Interdire la burqa sans s'attaquer aux problèmes de fond qui font que certaines jeunes femmes la portent, c'est une démarche idiote.
Tu cites les progrès que le féminisme a pu apporter. Mais ça n'a jamais été une question d'interdictions. Quand les femmes ont pu commencer à porter des pantalons, on n'a pas interdit à celles qui le souhaitaient de porter des jupes. C'est le choix qui fait la liberté, l'émancipation et non pas l'infantilisation. Quand en France on interdit le port de la burqa pour protéger les femmes et que dans un autre pays on force les femmes à porter la burqa pour les protéger du regard des hommes cela participe de la même démarche. On est en train de dire que la femme est un être fragile que l'Etat doit protéger contre elle-même et contre les hommes. On est également en train de dire que l'Etat sait mieux que l'individu ce qui est bon ou mauvais pour lui. Et même si je trouve que la burqa et le niqab sont effectivement un grand pas en arrière et qu'il est absolument terrible de voir des femmes les porter aujourd'hui en France, je ne peux pas cautionner ce type de démarche pour autant.
Et juste pour information, Cynipoidea, tu dis qu'une femme battue par son mec ça se passe aussi dans la sphère privée et tu mets les deux en relation. Déjà certes, mais généralement je rappelle que si la jeune femme ne porte pas plainte (par exemple si c'est à cause du bruit que les voisins ont appelé et pas elle) la police ne peut rien y faire. Donc déjà le respect de la sphère privée existe, tout de même, on ne protège pas quelqu'un "malgré lui".
Ensuite la différence entre les deux, c'est l'atteinte à la personne physique. L'atteinte à la personne physique peut être mesurée, évaluée, quantifiée. L'atteinte "psychique" (les pressions pour porter la burqa) dans le cadre privée ne peut pas être quantifiée de la même façon. Au-delà de ça, l'idée que l'Etat puisse décréter qu'unetelle est victime parce qu'elle a subi des pressions, qu'elle ne choisit pas, blabla, me semble inquiétant. Je ne crois pas (vraiment pas) que ce soit à l'Etat de nous protéger "psychologiquement" de cette manière, je ne crois pas qu'on puisse accepter cette déresponsabilisation, je ne crois pas qu'on puisse interdire la burqa pour protéger les femmes contre elles-mêmes. Et je trouverais dangereux de le faire.
Je trouve que beaucoup de gens ont tendance à ne voir que les progrès individuels, matériels, que cette interdiction pourrait apporter, mais il y a plus que ça qui se trame derrière, plus que la simple question de la burqa. C'est toute une vision de l'Etat, de ses responsabilités et de ses pouvoirs que cette proposition de loi illustre.
Après, je l'ai déjà dit, qu'on interdise la burqa pour des raisons de vie en société, de sécurité ou autre, me semble très souhaitable. Qu'on l'interdise au nom de la protection des individus, et on risque d'assister à un grand nombre d'autres dérives du même genre vu l'Etat dans lequel on vit.