@-Jeanne- Personnellement, je vois tout à fait de quoi tu veux parler et je suis plutôt d'accord avec toi. À mon avis, ce n'est pas tant une question de juger du degré de douleur qu'autrui doit ressentir ou non face à la mort de quelqu'un de son entourage. Mais on peut pas nier que le tragique exerce parfois une forme de fascination, surtout sur les esprits les plus impressionnables. Quelqu'un qui meurt jeune, c'est inattendu, c'est dramatique. Et certaines personnes sont attirées plus que de raison par cet aspect de l'existence. C'est pas faire preuve de présomption ou manquer de compassion que de dire qu'il existe des gens qui trouvent quelque chose d'excitant dans les histoires atroces : les curieux qui ralentissent pour observer un accident de la route, les récits bien détaillés de faits divers horribles, l'intérêt pour les témoignages de victimes d'affaire glauques, etc. Pensez au succès des émissions du type Faites entrer l'accusé ! On est tout un peu comme ça quelque part, mais chez certaines personnes, c'est plus prononcé. Et elles peuvent se laisser absorber dans le côté grandiloquent des évènements en oubliant que des vraies personnes sont concernées et que pour elles, c'est pas juste une histoire un peu croustillante qu'on se raconte pour se donner des frissons le dimanche soir.
Dans le cas de ton camarade, c'est vrai que c'est un peu différent parce qu'il connaissait la personne concernée. Donc sa peine a pu être tout à fait sincère par ailleurs. Mais ça n'empêche pas : il peut avoir été réellement affecté par cet évènement tout en se l'étant approprié de manière indécente. C'était peut-être même pas conscient, d'ailleurs. Je doute qu'il ait posté tous ces hommages et ces textes larmoyants en se disant "chouette, ça va me rendre populaire !". Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y avait tout de même pas une forme de recherche d'attention là-dedans. Il y a parfois quelque chose de l'orde de la complaisance dans l'idée du malheur, de la tragédie, quand on est pas directement concerné mais suffisamment pour se sentir touché. Surtout à l'adolescence quand on s'enflamme facilement face aux émotions fortes. Vous n'avez jamais connu ces personnes qui semblent prendre un peu trop d'intérêt dans les malheurs des autres, qui reviennent régulièrement sur tel ou tel évènement dramatique qui a eu lieu dans leur entourage sans les toucher directement ? Qui se livrent avec délices à l'évocation des détails alors même que les principaux concernés aimeraient ne plus en parler ? Parce que moi, oui. Et je ne pense pas qu'en disant ça je m'octroie le droit de décider de la légitimité de la souffrance qu'elles peuvent ressentir. On peut reconnaître l'existence de personnes qui fonctionnent de la sorte sans que ça veuille dire qu'on voit le mal partout