Alors, ce n’est pas tant un « je ne comprends pas » car je le comprends, mais plutôt un « je m’interroge sur »
C’est à propos des élections aux USA, je ne veux pas voir Trump passer, pas du tout. Je sais que les États Unis sont (je crois) la première puissance mondiale, que c’est un pays, si ce n’est LE pays, que le monde entier connaît et sait placer sur une carte. Je comprends donc que le.a président.e de ce pays joue un rôle majeur niveau mondial. (et Trump, étant ce qu’il est, et les risques s’il revient, je comprends qu’il fasse parler de lui)
Cependant j’ai du mal à comprendre ce gros investissement des médias étrangers à propos des élections américaines
à chaque élections présidentielles des USA, pas uniquement quand Trump est candidat, les médias en parlent énormément et relativement en avance, font des éditions spéciales, se mettent « à l’heure américaines » avec le drapeau en arrière plan, suivent à la minute ce qui se passe ...
Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, c’est intéressant, mais pourquoi uniquement pour les USA ?
Je n’ai pas souvenir que les médias français fassent des éditions spéciales pour les élections ... russes ? Chinoises ? Sud coréenne ? Allemandes ?
Ils en parlent oui, heureusement ! Mais je n’ai pas souvenir que ça ait été autant investi que pour les USA.
Donc mon questionnement est ; pourquoi autant pour eux et pas pour les autres ?
Je pense qu'il y a plusieurs facteurs qui expliquent ça. D'abord, c'est vrai que le président américain peut avoir un impact géopolitique assez inégalé sur le monde, donc ça nous concerne un peu tous finalement, même si en Europe, l'Union européenne nous permet d'absorber certains de ces impacts, ça peut quand même beaucoup déstabiliser nos partenaires et donc troubler notre propre politique. Peu de pays peuvent avoir un tel impact global. Le Président américain, au-delà de la géopolitique, jouit aussi d'une très forte attention internationale donc par exemple, le discours d'extrême-droite de Trump a très largement nourri l'extrême-droite mondiale, et sa réelection risque donc de nous impacter jusque dans notre débat national sur différentes questions sociales.
Il me semble d'ailleurs que le référendum sur le Brexit avait bénéficié d'une couverture assez importante lors qu'il s'agissait d'un vote anglais, car c'était susceptible de nous impacter fortement. Et si les journalistes avaient pris plus au sérieux le risque de Brexit, je pense que la couverture aurait été très similaire à celle de la Présidence américaine.
Après, il y a aussi le format "présidentiel" qui est plus spectaculaire. Beaucoup de pays élisent des députés parmi lesquels est ensuite choisi un leader. Ce n'est pas un vote tout à fait direct de la population pour le leader en question, même si c'est généralement convenu que le chef du parti victorieux deviendra premier ministre/chef du gouvernement. Ce processus prend un peu plus de temps, une grande partie est gérée au sein du parlement plus que directement par le peuple, donc je pense que ça se prête moins à une couverture médiatique en temps réel avec décompte des voix. Car dans ce type de régime démocratique, il n'est pas inhabituel que les votes ne désignent pas un vainqueur hyper clair et qu'il faille ensuite que les partis nouent des alliances pour choisir leur leader, etc., ce qui donne un effet médiatique plus dilué qu'une présidentielle. Et certains résultats sont obtenus sans grande surprise, comme Angela Merkel qui est chancelière allemande depuis presque 15 ans (quatre mandats).
Dans les régimes parlementaires, les nouveaux leaders sont d'ailleurs souvent députés depuis plus longtemps, donc au fond, l'effet "nouveauté/surprise" est bien moindre que dans un régime présidentiel puisque les nouveaux chefs de gouvernement étaient déjà dans le paysage parlementaire bien avant leur nomination (Angela Merkel siège au Parlement depuis 30 ans par exemple) et ils peuvent parfaitement changer sans que de nouvelles élections générales aient lieu (exemple des Premiers ministres britanniques qui se sont succédés dans le cadre du Brexit : le nouveau chef de parti prenait automatiquement la place du chef de parti démissionnaire avant que de nouvelles élections soient organisées).
Et puis dans pas mal de régimes parlementaires, il y a plus de deux partis majeurs, donc c'est moins binaire qu'aux Etats-Unis et qu'en France jusqu'à Macron. Il n'y a pas clairement "un gagnant" et "un perdant", car même "les perdants" peuvent négocier une place au gouvernement, et le gagnant n'a pas forcément beaucoup de latitude. Souvent les systèmes binaires avec un parti au pouvoir vs un parti d'opposition créent aussi un sentiment plus fort de "clash" entre partis comme aux US et en France avec le clivage gauche/droite représentés de chaque côté par un parti majeur (jusqu'à Macron), ce qui est plus médiatique que des alliances et des tractations discrètes entre différents partis.
Il y a aussi l'effet "sans surprise" qui fait qu'une couverture médiatique en temps réel n'a pas beaucoup de sens pour certains pays. Par exemple, tu cites le Président russe. Il faut quand même rappeler qu'il n'y a eu que 3 Présidents russes depuis la chute de l'URSS il y a 30 ans et que Medvedev, le troisième président, était largement considéré comme l'ombre de Poutine qui se présentait uniquement pour permettre à ce dernier de contourner la limite constitutionnelle des deux mandats successifs (Medvedev l'a nommé Premier Ministre en attendant qu'il puisse se représenter le mandat suivant). Le suspense électoral était donc très limité dans ce pays depuis la première élection de Poutine, même si la Russie est techniquement une démocratie.
Idem pour des élections comme la Chine où puisqu'il ne s'agit pas d'une démocratie, il n'y a pas vraiment d'enjeux à couvrir les élections.
Je pense d'ailleurs qu'en France, les élections britanniques sont plus fréquemment couvertes intensément que d'autres pays car : c'est un de nos voisins dont les choix peut nous impacter fortement, l'alternance entre deux partis majoritaires (Travaillistes/Conservateurs) y est plus forte et généralisée que dans d'autres pays avec régimes parlementaires, un peu à l'instar des Etats-Unis donc il y a un potentiel clash plus fort et un potentiel "clarté" plus important dans la couverture médiatique, les sondages sont plus serrés donc on a plus de surprises...
En fait, en France, on a l'habitude des résultats électoraux un peu théâtraux avec des surprises et des clivages, car on a un régime présidentiel et deux "camps" majeurs, comme aux US. Donc je pense aussi que c'est plus facile pour un Français de comprendre les grandes lignes de l'élection présidentielle américaine que celles de l'élection suisse, belge ou allemande, même si bien sûr certains trucs américains sont aussi différents (les grands électeurs, etc.), et ça fait du coup une couverture méditatique plus "intéressante" pour un lecteur/spectateur français qui s'y retrouve plus facilement.
Bref, peut-être un peu de fascination pour les US effectivement, mais je crois que c'est quand même beaucoup lié à la fois à la place des USA dans le monde et au format électoral des présidentielles américaines!