Ça ne passe PAS. Je me sens nulle, incapable, naïve, et plus le temps passe, plus je me sens salie. Salie mentalement, manipulée, joyeusement manipulée. Je me mords les doigts de n'avoir pas écouté Albertine juste avant de prendre mon train il y a dix mois "Fais attention, surtout". Oui oui, j'ai répondu avec un grand sourire, sûre de moi. Quelle conne, oui.
Je passe par des périodes où tout va bien, je m'en fiche, la vie est belle, les oiseaux chantent, je me sens bien, je me sens belle, je me sens capable, battante. Et d'un fichu détail de rien, je descends en moins de deux au vingt-sixième sous-sol, je panique, je ressasse, je broie du noir (foncé, très foncé le noir), j'enchaine les crises de larmes, j'ai juste envie de m'endormir et de me réveiller sans me souvenir de rien, de lui, de ses gestes, de ses mots, tout me ramène à lui, putain. PUTAIN, je me souviens de tout, de chaque seconde ensemble, chaque détail reste là encré dans le fond de ma gorge et je suis incapable de m'en débarrasser. Sa respiration sous la douche à travers la cloison, ses bisous volés dans la supérette, son corps voûté devant le distributeur de billets, des CONNERIES, putain. J'en ai marre, je suis lasse. Je recule en un rien de temps les cents marches que j'ai réussi à gravir en des mois de "je prends sur moi, je nie avoir mal, je souris, tout va bien". D'un ridicule détail quotidien, mes pensées filent quoiqu'il arrive vers lui. J'ai l'impression que ça ne finira jamais.
Je sais que je devrai considérer ça comme de merveilleux moments, intenses mais courts, "ne pas considérer ça comme un échec, au contraire" et passer à autre chose, mais avec toute l'énergie du monde, j'y arrive pas.
Ce sera tout pour le moment.