J'ai eu peur aujourd'hui
c'était pas grave mais il m'a fait peur.
Je suis partie chercher une agence ce matin, parce que j'ai encore et toujours des problèmes avec l'administration; et j'avais perdu l'adresse mais j'avais en tête la localisation générale. J'ai donc commencé à marcher lentement et à regarder si je pouvais retrouver mon chemin toute seule plutôt que de téléphoner à Pineapple et lea déranger.
Et un monsieur m'a vue. Il m'a interpellée, m'a dit que la rue que je regardais c'était une impasse, trouvais que j'avais l'air perdue et a proposé de m'aider. J'ai bredouillé un merci, lui ai dit que je cherchais la CAF (une explication rapide pour répondre à ses questions) mais que c'était bon ça irait merci beaucoup - c'était gentil de sa part mais je ne voulais pas de son aide.
Et il a dit "mais non c'est bon" et pour me trouver mon chemin il a arrêté deux passants, et puis une facteure, en demandant si quelqu'un connaissait ce que cherchait la madame là, malgré mes "non mais ne vous en faites pas ça va aller merci" et autres demandes répétées pour qu'on lâche l'affaire; et voyant que personne ne connaissait la CAF il a dit qu'il fallait quelqu'un du coin et il a commencé à insister pour que je rentre dans un bar avec lui, en essayant de me retenir alors que je paniquais visiblement. J'ai fini par m'enfuir.
Ce genre de trucs ça m'arrive beaucoup plus souvent que d'habitude quand je suis stressée ou fatiguée - je crois que quand je ne le suis pas, j'arrive à être plus sûre de moi, à mieux m'affirmer, mais zut j'ai rien à me reprocher, j'ai fait toutes les formulations polies pour qu'il arrête, je lui ai littéralement dit "non c'est bon je n'ai pas besoin d'aide merci" et il n'en avait rien à faire.
Je sais pas ce qu'il avait comme intentions. Si ça se trouve il était réellement désireux de m'aider. Mais le fait est qu'il ne m'écoutait pas, qu'il n'en avait rien à faire, qu'il s'imposait dans ma vie - et ici, les bonjours polis c'était une technique comme une autre pour faire en sorte de me coincer, de m'empêcher de lui dire non, de retenir un certain contrôle : je peux pas gérer les gentils monsieurs un peu trop enthousiastes qui n'ont qu'un seul but c'est de m'aider parce qu'ils sont galants. Ils n'écoutent pas mes nons et dédaignent mes résistances, mais ils paraissent polis et serviables et pleins de bonnes intentions de telle sorte que la seule façon de les empêcher de me tenir la jambe, c'est d'être la première à paraître impolie (ce que j'arrive à faire quand je vais bien, mais là j'étais stressée, j'avais pas la force de lui tenir tête et de réfléchir à la stratégie à adopter face à ça). Il y en a qui sont sexistes sans le savoir, qui ont réellement envie d'aider et qui ne se rendent pas compte qu'ils écrasent l'autre en tentant d'imposer leur aide (ou leur présence, leur bonjour, leur désir d'entamer la conversation), cherchant par tous les moyens possibles de retenir l'attention de l'autre personne, parce que c'est l'éducation sexiste qui fonctionne comme ça, peut-être que c'était son cas, il y en a qui savent comment ça marche et qui font exprès d'être polis pour coincer les gens. Peut-être que c'était son cas.
Je déteste les bonjours polis. Je préfère encore les insultes lesbophobes, c'est beaucoup plus facile à gérer, je sais mieux me blinder face à ça. Je sais me battre, j'ai pas peur, et c'est quand même moins incongru de serrer les poings dans ses poches face à quelqu'un qui te traite de tapette ou de lesbienne bien fort, que face à quelqu'un qui est là mais madame je veux juste t'aider.
J'ai encore du mal à être royalement malpolie face à ces gens qui me disent bonjour (alors que ça fait plus d'un an qu'on m'appelle madame dehors dans la rue, je devrais avoir l'habitude maintenant, zut). Et puis bien sûr y'a des mecs qui comprennent pas pourquoi je snobbe leurs bonjour madame. Ils voulaient juste savoir l'heure. Y'en a peut-être même un ou deux qui étaient sincères.
C'est pas les mots qui font le harcèlement de rue. Bonjour, c'est une stratégie comme une autre, parfois. Le harcèlement de rue, c'est des hommes qui estiment avoir droit à ton temps, ou ton corps, ou à ton attention. Et moi je n'ai pas envie de chercher la limite entre le harcèlement et la drague - sur les forums madmoizelle ça va, mais en-dehors je trouve que c'est toujours très mal poser la question, et la discussion qui s'ensuit du coup, parce que j'ai toujours l'impression d'avoir affaire à des interlocuteurs qui sont plus préoccupés par l'idée de trouver la bonne façon d'agir pour arriver à leurs fins tout en restant dans les règles du jeu (bref comment chopper la princesse, quoi), plutôt que par se demander ce qui, dans leur comportement, ne traiterait pas les femmes comme leurs égaux dans l'espace public. La drague, c'est simple, ça se fait à deux - les deux personnes ont le contrôle de la situation, et des fois ça veut dire que malgré toutes ses estimables qualités le monsieur essuiera un refus.
(Je suis désolée du ton un peu énervé de mon post. Le reste de ma sortie a pas été très cool non plus. C'est vraiment pas contre vous.)