Bon, désolée, je vais peut-être très vite me mettre à parler plus d'Orelsan en règles générales que de sa condamnation sur ces deux chansons précises. Que ce soit
Sale pute ou
Saint Valentin, je n'aime pas, et c'est pas cette facette-là de la musique d'Orelsan que j'apprécie. Et d'un œil extérieur, sans recontextualiser, je ne trouve pas ça scandaleux que ces deux chansons aient fait l'objet de poursuites. Je peux comprendre, parce qu'elles véhiculent un message ignoble. Mais ce qui m'étonne (attention, scoop de l'année), c'est qu'on assimile un peu trop vite le message de ces chansons et les idées du chanteur. Je sais, ça fait 8 pages qu'on ne parle que de ça, et pardon, je vais radoter, mais cette question m'a fait réfléchir...
Orelsan pousse un peu à son paroxysme le problème de la frontière entre fiction et réalité. Je suis d'accord que ses chansons ont un côté très déstabilisant parce qu'on ne sait jamais vraiment quand c'est lui qui parle ou quand c'est un personnage, et on ne sait jamais quand il se réfugie derrière un personnage ou quand il adopte réellement, le temps d'une chanson, des propos auxquels il n'adhère pas. Mais au fond, perso, je m'en fous.
@hawley, tu disais que soit il cautionne, soit il dénonce (désolée, je schématise un peu mais il est tard
). Je crois justement que tout le truc avec la musique d'Orelsan, c'est qu'elle ne dénonce rien, elle ne cautionne rien, parce que je pense que sa musique n'a pas de prétentions politiques. J'ai l'impression que ses messages jouent beaucoup plus sur la corde du sensible, de l'émotion, que sur la corde de l'intellectuel et du politisable. Je ne crois pas qu'il cherche à défendre des causes, je crois juste qu'il profite de la musique pour parler de lui, un peu comme il utiliserait un journal intime. (EDIT : Pardon, j'ai trop élargi et j'avais oublié
Sale pute et
Saint Valentin. Je suis d'accord avec toi, dans des cas aussi extrêmes, ça aurait mérité un minimum de justification. Même si j'imagine qu'il considère que le second degré est évident dans de telles chansons, c'est un peu facile).
Après, bien sûr, il ne maitrise pas la réception de son art (moi je trouve que c'est de l'art, après ça semble très discuté ici
disons que ça reste mon avis), et donc il prend aussi le risque que ses paroles soient mal interprétées. C'est pour ça que je trouve finalement assez normal qu'il soit jugé. S'il ne voulait pas avoir d'emmerdes, il pouvait être plus clair, quitte à enlever un peu de force à ses chansons.
Moi, les chansons d'Orelsan qui portent à polémique, elles me font l'effet du topic "Je m'en veux de penser ça, mais...". Sur le plan moral, il m'arrive souvent de ne pas cautionner ses paroles (quoi que, n'exagérons rien, si certaines chansons prêtent à polémique, d'autres n'ont pas besoin d'être aussi trash pour être transcendantes), mais sur le plan sensible, elles me soulagent terriblement.
En fait j'ai l'impression qu'il faut plutôt interpréter pas mal de ses chansons comme « les dérives d'un mec paumé qui en veut au monde entier et qui balance horreur sur horreur pour se défouler ». Il l'a dit lui-même
chez Ruquier ou dans une
interview pour Madmoizelle, la chanson
Suicide social par exemple (où, @winter-winds, il s'en prend sincèrement à tout le monde, et même à ceux sur lesquels il est très mal vu de taper) est inspirée du
monologue d'Edward Norton dans La 25ème heure. En gros, c'est une chanson dans laquelle il balance un tissus de clichés, de méchanceté gratuite et de violence, parce qu'il en veut à la terre entière. Alors lui, il justifie ça en disant qu'il se met dans la peau d'un mec qui va se suicider et qui déverse toute sa haine une derrière fois avant d'en finir. En gros, il jouerait un rôle (comme dans
Sale pute ou
Saint Valentin a priori).
Ok, mais je pense que pour les écrire, il a bien dû penser toutes ces choses au moins une fois dans sa vie. Le coup du personnage, là, j'ai l'impression que c'est une manière de se trouver une excuse pour s'autoriser à dire des choses moches. C'est un peu comme le coup du topic, c'est pour dire : « d'accord je l'ai pensé, mais je sais que c'est dégueulasse et blindé de clichés, donc ne m'en tenez pas rigueur ». Sauf que, pour continuer le parallèle, c'est un peu comme si il allait poster son message dans « Je ne supporte pas » au lieu d'aller directement dans « Je m'en veux de penser comme ça, mais »... Ben oui, parce que comme beaucoup l'ont souligné, à aucun moment il ne précise vraiment qu'il joue dans un rôle. Du coup, quand on écoute cette chanson, on est tenté de le prendre au premier degré, un peu comme si on lisait un message destiné à « Je m'en veux de penser ça mais... » dans « Je ne supporte pas ». Au fond, le message est le même, mais il passe beaucoup mieux dans le premier topic, parce que le contexte immoral est assumé et plus explicité.
Je pense que justement, lui, il veut jouer là-dessus. Il aime bien brouiller les pistes (peut-être parce que même dans sa tête, les pistes sont brouillées
), il ne veut pas expliciter les « données métatextuelles » de ses chansons (merci @greya pour l'expression), et il espère que la personne qui l'écoute aura assez de recul pour ne pas prendre tout ce qu'il dit au pied de la lettre. En gros, je pense qu'il postule beaucoup, et sûrement trop, sur la "subtilité" de son auditoire.
Je comprends que ça choque beaucoup de monde, parce que pour comprendre la complexité de ses textes et pour essayer de démêler le vrai du faux, même si on est doté de toute la subtilité du monde, il faut déjà connaître un minimum l'univers d'Orelsan. Et même en connaissant son univers, c'est dur de savoir sur quel pied danser avec lui.
Bon bref, du coup je suis assez mitigée moi aussi. Je comprends qu'il ait été condamné, parce que certaines de ses paroles sont d'une infinie violence et qu'elles sont mises sans mode d'emploi dans les mains de tout le monde. Mais je continue de me poser la question du rapport entre art et liberté d'expression. Je crois que dans le doute, ne sachant pas où veut en venir l'artiste, et quand je trouve que le résultat a un sens, je préfère toujours une trop grande liberté d'expression à une liberté d'expression trop faible. Perso, j'aime pas les deux chansons de l'article, mais j'aime l'univers d'Orelsan, donc je trouve que sa musique a du sens
Et surtout, je crois qu'à partir du moment où il y a un médium entre l'artiste et son public (le cinéma, la peinture, la musique... C'est des intermédiations), il devient très risqué et difficile de dire quelles étaient les "vraies" intentions du créateur, à moins de bien connaître l'artiste ou d'acheter un ticket pour un voyage dans son cerveau, et encore, pas sûr qu'on y trouve toujours la réponse
Edit : Pardon, c'est très long et confus
J'ai pas vraiment réussi à exprimer ce que je voulais dire...