J'ai discuté récemment de cet article de Madmoizelle avec une amie: J'ai 15 ans en 2016: mon quotidien, mes envies, mes peurs, et, au delà des trucs hyper généralisants (le passage sur New York
), il y a pas mal de choses qui m'ont fait penser à la VP Classisme (et non, c'est pas le fait que cet article soit un portrait de lycéenne aisée, si ça ne généralise pas à tous les jeunes de 15 ans à la rigueur on s'en fout, même si c'est assez révélateur du lectorat du mag).
Je pense surtout au passage en mode "je sais pas quoi faire de ma vie" suivi après d'une référence aux "écoles"... (et Sciences Po Paris cité à la fin). Je trouve ça quand même révélateur d'un certain milieu socio-culturel: le fait que, même si tu sais pas ce que tu veux faire de ta vie, ce qui plane, c'est "les écoles".
Perso durant tout mon collège comme mon lycée c'est une idée qui ne s'est jamais présentée, quelque chose dont juste personne nous parlait, je pense aussi à la prépa: vers la fin de mon année de terminale ma prof de litté m'a dit: "mais, vous avez pas fait de dossier pour une prépa?!", et moi en mode "bah non'. L'aurait peut-être fallu qu'on m'en parle avant... Je savais que ça "existait" mais j'ai jamais pensé que c'était "pour moi", faut dire que je savais tout simplement pas (et je sais encore pas, je me suis jamais penché dessus) à quoi ça menait. Aux "Grandes Écoles", ok, mais concrètement qu'est-ce que c'est, mmmh, no idea. Enfin si, la représentation que j'en avais à l'époque, c'était prépa = élèves poursuivant en "grandes écoles" pour finir hauts-fonctionnaires comme papa-maman.
Du coup quand ça causait ici prépa ça m'a fait réfléchir (et grandement fait bizarre
) quand est sortie l'idée d'absence de reconnaissance, que les prépas litté seraient quelque chose de mal considérées, j'étais un peu en mode
Et si je comprends bien l'idée que ça peut être mal considéré par rapport à des prépas et écoles encore plus prestigieuses, mais vu le pourcentage d'étudiants dans ces filières par rapport aux étudiants en général, et par rapport au nombre total de jeunes dans cette tranche d'âge, ça m'interroge vraiment ce type de perception
(ou en tout cas sur quelles classes sociales ont ce type de représentation, donc ça m'interroge de manière général sur l'espèce de fossé qu'il y a au niveau de ce type de représentation).
Sur ce topic ça parlait élèves boursiers en prépa et Écoles etc etc et je trouve ça très bien, mais du coup ça me refait poser le problème du capital culturel: l'ambition et le manque d'ambition au niveau des études. Pas que je pense que l'ambition soit forcément un truc positif ou quoi, ni que je lies forcément l'ambition à de "grandes études" mais il y a vraiment un souci au niveau du manque de choix dans notre société, financier bien sûr mais au niveau aussi des représentations de ce qu'on PEUT faire.
J'en ai discuté il y a peu avec une collègue à moi, qui vient un peu du même milieu que moi, et on parlait des amis du collège, et, à une vingtaine d'années de différence (elle est plus âgée que moi) on faisait le même constat sur le nombre de personnes de notre connaissance (du collège et du lycée) qui aient fait des études, qui soient "sorties" du village (spoiler: très peu). Par manque de moyens pour un certain nombre, certes, mais aussi (et surtout?) par manque d'idée qu'on "peut faire autre chose".
La reproduction sociale a encore de très beaux jours devant elles
Je pense aussi aux parcours des élèves de mon lycée qui comme moi ont poursuivi après leurs études (quel type d'études, etc) et ça me rappelle ma tête en mode WTF quand j'ai lu le détail des classements des meilleurs lycées, le pourcentage de mentions au bac, de reçus en prépas / à Sciences Po / etc (et tout simplement de gens qui pensent à y aller) mais aussi la conception de ce que c'est qu'une "bonne note au bac" / une "mauvaise note au bac" et d'autres trucs du genre dans d'autres articles et commentaires sur le net. J'avais vraiment l'impresison de lire la description d'un autre monde, par contre là où j'ai pas été étonnée c'est en voyant où étaient situés et comment s'appelait les lycées en question.
J'avais beau être déjà bien consciente des inégalités sociales dans les études mais ça m'a fait tout bizarre de recroiser encore cet espèce de représentation complètement différente qu'on peut avoir d'un lycée / d'un milieu social à l'autre de ce qu'est la réussite et la définition de bonnes études / d'études "à faire"
Pour illustrer je reviens sur l'exemple de la représentation dans la tête des gens de la prépa littéraire qui m'a fait réfléchir: dans certains milieux de ce que j'ai donc lu c'est donc visiblement considéré comme un truc pas très bien considéré, qui manque de crédibilité, alors que dans d'autres, comme dans les classes moyennes que je connais, bah c'est vraiment très très très bien vu niveau future carrière j'ai l'impression, et dans les classes populaires ça me semble être vu pareil mais avec en plus une idée de filière réservée à l'élite (comprendre: pas pour soi, pas pour ses enfants, dans le sens où on t'en parle même pas tellement le truc est un impensé).
J'ai aussi franchement du mal avec cette idée de "mérite", comme espèce d'antidote magique à la panne globale d'ascenceur sociale, et aussi parce que j'ai l'impression que cette idée est souvent utilisée pour ne pas interroger le système. En gros je me demande: c'est quoi, le mérite?
C'est un comportement que j'ai souvent croisé quand je discutais avec des gens de mon âge issus de milieux relativement aisés (classes moyennes supérieures et plus): le fait de reconnaître les inégalités, la reproduction sociale, mais en même temps, m'assurer bien que "je suis conscient de ça par contre moi je mérite ma place, j'ai beaucoup travaillé, j'ai du mérite bla bla".
Et ça m'interroge toujours, car ce "mérite", il s'inscrit dans quel contexte? C'est quoi, dans l'absolu, "avoir du mérite"? Travailler dur? Travailler plus que machin à côté de moi? Travailler pareil mais venir d'un milieu moins aisé que machin à côté de moi?
Je trouve que cette idée de "mérite" est souvent utilisée pour ne pas reconnaître ses privilèges de classe (attention attaque de gros concepts
). Alors que ben, c'est pas grave de venir d'un milieu plutôt aisé
Au contraire, c'est plutôt cool
(disons que ça fait une écharde de moins dans le pied). Venir d'un milieu aisé ne veut pas dire que la personne ne travaille pas, ne se bat pas pour décocher une meilleure place, etc.
Par contre remettre le "mérite" dans le contexte, avec le capital culturel (j'y met dedans aussi l'ambition, l'information à disposition, des parents bienveillants vis à vis de l'école voire qui poussent à la réussite, etc) et le capital financier me semblerait plus sain.
Enfin tout ça pour dire que ça m'irrite un peu cette histoire de mérite, protéiforme, jamais défini, rarement remis en contexte, car à chaque fois que j'en ai entendu parler c'était:
- de la part de "transfuges de classe" en mode "quand on veut on peut", regardez-moi j'ai réussi, bougez-vous le cul bande de moule, la reproduction sociale? Ch'ai pas ce que sait.
- de la part de personnes issus de milieux plutôt aisés qui trouve que la reproduction sociale ça existe et c'est pas cool mais hola attention ça s'arrête aux barrières de leur cas personnel, attends eux "ils ont du mérite" (pas les autres, les méchants des classes aisés dont ils ne font bien évidemment pas partie...)
Et ça m'interroge autant que ça me dérange


Je pense surtout au passage en mode "je sais pas quoi faire de ma vie" suivi après d'une référence aux "écoles"... (et Sciences Po Paris cité à la fin). Je trouve ça quand même révélateur d'un certain milieu socio-culturel: le fait que, même si tu sais pas ce que tu veux faire de ta vie, ce qui plane, c'est "les écoles".
Perso durant tout mon collège comme mon lycée c'est une idée qui ne s'est jamais présentée, quelque chose dont juste personne nous parlait, je pense aussi à la prépa: vers la fin de mon année de terminale ma prof de litté m'a dit: "mais, vous avez pas fait de dossier pour une prépa?!", et moi en mode "bah non'. L'aurait peut-être fallu qu'on m'en parle avant... Je savais que ça "existait" mais j'ai jamais pensé que c'était "pour moi", faut dire que je savais tout simplement pas (et je sais encore pas, je me suis jamais penché dessus) à quoi ça menait. Aux "Grandes Écoles", ok, mais concrètement qu'est-ce que c'est, mmmh, no idea. Enfin si, la représentation que j'en avais à l'époque, c'était prépa = élèves poursuivant en "grandes écoles" pour finir hauts-fonctionnaires comme papa-maman.
Du coup quand ça causait ici prépa ça m'a fait réfléchir (et grandement fait bizarre



Sur ce topic ça parlait élèves boursiers en prépa et Écoles etc etc et je trouve ça très bien, mais du coup ça me refait poser le problème du capital culturel: l'ambition et le manque d'ambition au niveau des études. Pas que je pense que l'ambition soit forcément un truc positif ou quoi, ni que je lies forcément l'ambition à de "grandes études" mais il y a vraiment un souci au niveau du manque de choix dans notre société, financier bien sûr mais au niveau aussi des représentations de ce qu'on PEUT faire.
J'en ai discuté il y a peu avec une collègue à moi, qui vient un peu du même milieu que moi, et on parlait des amis du collège, et, à une vingtaine d'années de différence (elle est plus âgée que moi) on faisait le même constat sur le nombre de personnes de notre connaissance (du collège et du lycée) qui aient fait des études, qui soient "sorties" du village (spoiler: très peu). Par manque de moyens pour un certain nombre, certes, mais aussi (et surtout?) par manque d'idée qu'on "peut faire autre chose".
La reproduction sociale a encore de très beaux jours devant elles

Je pense aussi aux parcours des élèves de mon lycée qui comme moi ont poursuivi après leurs études (quel type d'études, etc) et ça me rappelle ma tête en mode WTF quand j'ai lu le détail des classements des meilleurs lycées, le pourcentage de mentions au bac, de reçus en prépas / à Sciences Po / etc (et tout simplement de gens qui pensent à y aller) mais aussi la conception de ce que c'est qu'une "bonne note au bac" / une "mauvaise note au bac" et d'autres trucs du genre dans d'autres articles et commentaires sur le net. J'avais vraiment l'impresison de lire la description d'un autre monde, par contre là où j'ai pas été étonnée c'est en voyant où étaient situés et comment s'appelait les lycées en question.
J'avais beau être déjà bien consciente des inégalités sociales dans les études mais ça m'a fait tout bizarre de recroiser encore cet espèce de représentation complètement différente qu'on peut avoir d'un lycée / d'un milieu social à l'autre de ce qu'est la réussite et la définition de bonnes études / d'études "à faire"

Pour illustrer je reviens sur l'exemple de la représentation dans la tête des gens de la prépa littéraire qui m'a fait réfléchir: dans certains milieux de ce que j'ai donc lu c'est donc visiblement considéré comme un truc pas très bien considéré, qui manque de crédibilité, alors que dans d'autres, comme dans les classes moyennes que je connais, bah c'est vraiment très très très bien vu niveau future carrière j'ai l'impression, et dans les classes populaires ça me semble être vu pareil mais avec en plus une idée de filière réservée à l'élite (comprendre: pas pour soi, pas pour ses enfants, dans le sens où on t'en parle même pas tellement le truc est un impensé).
J'ai aussi franchement du mal avec cette idée de "mérite", comme espèce d'antidote magique à la panne globale d'ascenceur sociale, et aussi parce que j'ai l'impression que cette idée est souvent utilisée pour ne pas interroger le système. En gros je me demande: c'est quoi, le mérite?
C'est un comportement que j'ai souvent croisé quand je discutais avec des gens de mon âge issus de milieux relativement aisés (classes moyennes supérieures et plus): le fait de reconnaître les inégalités, la reproduction sociale, mais en même temps, m'assurer bien que "je suis conscient de ça par contre moi je mérite ma place, j'ai beaucoup travaillé, j'ai du mérite bla bla".
Et ça m'interroge toujours, car ce "mérite", il s'inscrit dans quel contexte? C'est quoi, dans l'absolu, "avoir du mérite"? Travailler dur? Travailler plus que machin à côté de moi? Travailler pareil mais venir d'un milieu moins aisé que machin à côté de moi?
Je trouve que cette idée de "mérite" est souvent utilisée pour ne pas reconnaître ses privilèges de classe (attention attaque de gros concepts



Par contre remettre le "mérite" dans le contexte, avec le capital culturel (j'y met dedans aussi l'ambition, l'information à disposition, des parents bienveillants vis à vis de l'école voire qui poussent à la réussite, etc) et le capital financier me semblerait plus sain.
Enfin tout ça pour dire que ça m'irrite un peu cette histoire de mérite, protéiforme, jamais défini, rarement remis en contexte, car à chaque fois que j'en ai entendu parler c'était:
- de la part de "transfuges de classe" en mode "quand on veut on peut", regardez-moi j'ai réussi, bougez-vous le cul bande de moule, la reproduction sociale? Ch'ai pas ce que sait.
- de la part de personnes issus de milieux plutôt aisés qui trouve que la reproduction sociale ça existe et c'est pas cool mais hola attention ça s'arrête aux barrières de leur cas personnel, attends eux "ils ont du mérite" (pas les autres, les méchants des classes aisés dont ils ne font bien évidemment pas partie...)
Et ça m'interroge autant que ça me dérange

