Je sais plus, à vrai dire j'ai du mal à me souvenir de comment était ma vie avant toi. Et puis pour moi ça ne compte pas vraiment, une vie sans toi j'veux dire.
Les gens me demandent toujours si on est ensemble toi et moi, ou alors quand on se décidera à se mettre ensemble ou bien s'il n'y a pas quelque chose, allez quoi, une petite attirance.
Je les déçois en disant que non, on est ami. Tu verrais leurs têtes, on sent la déconfiture, c'est vrai les ragots sur l'amour ça fait parler mais qui se soucie encore des histoires d'amitié ? Personne. Pour bien des gens l'amitié c'est le lot de consolation bien tiède de ceux qui attendent un cavalier qui les invitera à danser.
C'est qu'ils ne comprennent pas cette putain de tendresse qui n'a rien de fade et qui est sublime. Elle est sublime parce qu'elle te ressemble. Elle a tes traits et ton charme, de celui qui a bouffé la poussière mais ne s'est pas laissé dévorer par l'amer. Elle a tes yeux de gamins de divorcés comme il y en a des milliers, et qui essaient pourtant d'aimer en y croyant vraiment. Les cyniques, les blasés, les petits connards de salon qui trouvent ça plus classe d'avoir l'air blasé et de sourire qu'à moitié, tu finis toujours par te les mettre dans la poche, par les désarmer avec ton rire de gamin, la tête en arrière et la glotte bien offerte.
Comment tu fais, dis ? Pour avoir tellement confiance en la vie, comment t'as fait pour pas les laisser te changer en statue ?
J'ai pas su moi. Peut-être que je l'ai pas voulu assez fort. Et quand je sens que je me change en pierre, je n'ai qu'un seul antidote. J'arpente ces rues qui sont devenues les miennes parce que tu y habites. Je débarque une clope au bec, tu m'engueules parce que tu dis que tu viendras pas à mon enterrement si c'est comme ça, si je sais que raccourcir ce putain de cadeaux qu'on m'a donné. Je sais que tu le penses pas mais je promets quand même d'arrêter.
Je m'affale sur ton lit, tu dis qu'en y croyant très fort, les jours de brouillard par ta fenêtre on peut apercevoir le Taj Mahal. Je sais que c'est pas vrai mais parfois je le verrais presque.
Et de ta voix basse, presque inaudible, tu me dis ''On est bien là, on est tellement bien.''
Oui. Oui, on est bien, si bien. J'entendrais presque la mer.