On va les appeler Un, Deux, et Trois
Tous étaient complexés par leur apparence. C'était un peu plus important chez Un qui se sentait obligé de faire des exercices tous les jours, en parti parce qu'il était en surpoids dans son enfance et qu'il ne veut plus jamais revivre ça.
Un avait aussi de gros complexes et a priori sexuels. Un homme ça doit coucher, coucher souvent, et être dominant tu comprends. Ce qui est une des raisons qui font que notre relation est devenue violente. Ne pas coucher n'était pas acceptable et encore moins l'assumer publiquement...
Deux était complexé par sa maigreur mais sans plus. Il voulait aussi être quelqu'un d'autre, quelqu'un le plus différent de lui possible (il avait même pensé à se travestir, voir être opéré, mais uniquement pour être radicalement différent, pas parce qu'il se sentait mal à l'aise dans son identité, c'était une démarche assez unique), ce qu'il explique d'après ses propres dires parce qu'il a de lourdes pathologies psy qui font qu'il a fait des choses graves et qu'il a une image de lui qu'il déteste et qu'il veut être quelqu'un d'autre, n'importe qui mais pas lui.
A par ça, il n'est pas très touché par son éducation genrée et se fiche un peu des injonctions masculines. C'est plutôt des complexes personnels.
Trois est très très complexé par son apparence. Il est
très maigre (un IMC de 15) malgré sa nutrition trop riche, et il ne supporte pas qu'on en parle. Mais en même temps... dès qu'il a l'impression de prendre un tout petit peu de poids, il panique. Il ne veut pas être maigre, mais il a peur de changer quand même ^^ En plus de ça, il est sensible aux injonctions à la virilité, même s'il se moque des garçons qui y obéissent plus que lui. En fait il trouve ça ridicule mais ne peut pas s'empêcher d'y être sensible aussi.
Par contre, c'est pas tant une question de beauté comme nous. C'est une question de force. Être "pas beau" c'est pas hyper important pour lui, le plus important c'est qu'il a l'air "faible".
Mais l'injonction masculine qui les touche tous les trois et qui est extrêmement importante dans leur quotidien : c'est l'injonction a ne pas partager leurs sentiments. Ne pas dire quand on va mal, ne pas pleurer, ne pas souffrir, ne pas s'excuser,
ne pas paraître faible. Ça c'est vraiment très implanté dans leurs têtes, et même s'ils s'en rendent compte c'est très dur pour eux d'aller contre. Surtout Trois (qui en plus a un passif qui explique encore plus cette tendance). Du coup quand il va mal, il prend sur lui, encore et encore et encore et refuse d'en parler, jusqu'à ce qu'il explose et que ce soit la colère qu'il laisse exprimer (la colère c'est pas faible tu vois). Et même quand la tristesse réussit à passer, le lendemain faut pas en reparler et il a
honte.
Ça c'est vraiment un truc très fort et pesant chez les hommes que j'ai rencontré chez tous mes copains et la majorité de mes amis
C'est une des raisons majeures du fait que les hommes sont le plus haut pourcentage statistique des suicides accomplis.
Certaines femmes n'aiment pas non plus se montrer "faibles" (moi par exemple), mais nous si on se laisse aller, personne ne nous punira pour ça parce qu'on s'attend socialement à ce qu'une femme exprime ses sentiments. Par contre eux, la moindre larme, la moindre posture de fragilité, et c'est toute leur virilité qui est remise en question et un harcèlement très sévère peut commencer juste sur ça. Aucune pitié ne leur sera accordée. Un, Deux, et Trois m'ont tous fait des témoignages dans ce sens, et j'ai été témoin de certains en direct, y compris de la part de femmes. Comment on peut espérer qu'ils soient épanouis si on ne les laisse jamais être fragiles ? Et surtout... comment on peut espérer qu'ils ne trouvent pas en la violence leur seul exutoire. Ça c'est vraiment un truc que j'ai constaté chez tous : si t'es triste, frappe. Frappe un truc, frappe quelqu'un, hurle, casse des objets, insulte... défoule toi de manière virile et
ne. pleure. pas. C'est tellement toxique...
Par exemple Trois souffre très clairement d'alexithymie sévère maintenant. Il est
incapable de comprendre les émotions qu'il ressent et de les exprimer. Vraiment incapable. Il sait pas faire la différence entre la colère, la tristesse, l'amertume, l'anxiété, la honte... il sait juste faire la différence entre "positif" et "négatif", et ne peut même pas le dire à voix haute. Et il était pas comme ça avant, c'est venu peu à peu à l'adolescence à force de se fermer. C'est vraiment terrible. En ce moment il va mieux, mais à une période il avait régulièrement des pensées suicidaires et je ne pouvais
rien faire : il refusait complètement de parler, d'admettre qu'il allait mal, il était couvert de honte et de ce sentiment qu'il "faut" être au dessus, être fort.
On en a discuté un jour et il m'a dit texto : "je me trouve plus fort que toi parce que moi je pleure jamais et je sais ignorer les problèmes"
Je lui ai dit que "moi je me trouve plus forte que toi, parce que je n'ai pas peur de faire face aux problèmes et à ce que je ressens". Il a dit qu'il n'avait jamais vu les choses sous cet angle.
C'est quand même dingue...
Voilà, moi c'est cette grosse injonction, mortelle, que je retiens de mes discussions avec des hommes