samburu;4199882 a dit :
Navrant de confondre souverainisme et nationalisme. Il n'y a pas de démocratie sans souveraineté populaire. Et, jusqu'à présent en tout cas, cette souveraineté ne s'incarne pas ailleurs que dans la Nation. Souveraineté et démocratie sont les deux face d'une même pièce.
L'Euro n'est pas, comme tu sembles le penser, une idée sacrée qui porte en elle l'idée de progrès et d'amitié entre les peuples. C'est un outil.
Et cet outil ne marche pas. C'était une bêtise, qui ne peut et ne pourra fonctionner à l'heure d'aujourd'hui, qui a été utilisé pour imposer à l'Union européenne un fédéralisme pour lequel elle n'était pas prête. La zone euro n'a aucune des caractéristiques requises pour être une zone monétaire optimale : pas de marché du travail commun, pas de budget fédéral, pas d'homogénéité économique.
Pour prendre l'exemple le plus parlant pour nous, les situations économiques et sociales de la France et de l'Allemagne sont trop hétérogènes pour que nous puissions appliquer les mêmes politiques économiques et donc les mêmes politiques monétaires: démographie, industrie, culture, situations économiques divergent.
Quand la France a gagné 5 millions d'habitants depuis l'an 2000, l'Allemagne en a perdu 500 000.
Aujourd'hui, l'Allemagne aurait besoin d'une monnaie plus chère pour rééquilibrer sa balance commerciale, alors que la France bénéficierait d'une monnaie plus faible qui lui permettrait d'exporter d'avantage.
Comme l'a montré Krugman, paradoxalement, la monnaie unique a tendance à faire diverger les situations économiques.
Sortir de l'Euro ne signifie pas se replier. L'une des hypothèse est d'ailleurs l'établissement d'une monnaie commune permettant la possibilité d'ajustement de change sans l'instabilité d'un système de monnaie séparées.
Il faut se rendre à l'évidence, l'Europe fédérale ne se fera pas. Il n'existe pas de peuple européen. Ni l'Allemagne, ni les Pays-Bas, ni la Norvège ne sont prèts à conseder des transferts de l'ordre de 10% du PIB pendant au moins 10 ans pour permettre de faire fonctionner une union monétaire.
La seule autre alternative, si on récuse la sortie de l'Euro, c'est la dévaluation interne, c'est-à-dire la compression des coûts salariaux et in fine le transfert de la richesse des salariés vers les rentiers. Cela me semble être la voie la plus courte pour ouvrir les portes au FN.
Je ne sais comment tu tentes d'éviter le pire mais tu me semble tout faire pour y plonger la tête la première.
Bon le menu est copieux
- Je parle bien du souverainisme, pas de souveraineté.
Souverainisme, c'est le vocable utilisé par les nonistes de gauche et de droite (de Chevènement à de Villiers en passant par les seguinistes) pour qualifier leur rejet commun du projet fédéral européen. Le Front national ayant accaparé fort logiquement le terme nationalisme.
Le peuple souverain, détenteur de la souveraineté, n'est pas nécessairement souverainiste.
En 1992, il s'est prononcé par référendum en faveur du traité de Maastricht, alors que les souverainistes comme les nationalistes du Front étaient évidemment contre.
En 2005, il s'est prononcé par référendum contre le traité établissant une Constitution pour l'Europe comme le souhaitaient les souverainistes et les nationalistes du Front.
- l'Euro pour moi n'a rien de sacré (je suis athée, le sacré je connais pas). L'Euro est l'une des étapes sur le long chemin de la construction européenne, ni plus ni moins. Il n'est pas une fin en soi. Il appelle de nouvelles étapes de délégation de souveraineté pour aller vers une Europe fédérale ou confédérale que perso j'appelle de mes voeux.
- Ce qu'on appelle aujourd'hui comme une évidence la "nation française" n'est pas née en un jour. Avant 1789, Alsaciens, Lorrains, Bretons, Corses, Basques etc.. avaient en commun un roi, mais ils s'exprimaient au quotidien dans leurs langues respectives. La fiscalité était bien loin d'être unifiée, les statuts politiques différents d'une province à l'autre.
La révolution a accéléré le processus d'unification qui ne s'est pas fait sans douleur (il a fallu quelques décennies aux hussards noirs de la République pour laminer les langues locales par exemple).
Y-a-t-il plus de différences entre un Français et un Allemand d'aujourd'hui qu'entre un Alsacien et un Corse de 1789 ? Pour moi la réponse est non.
- La monnaie commune : Alors là, il faut m'expliquer. Si nous décidons de quitter l'Euro, quel sera l'intérêt des Allemands, qui seront alors seuls leaders en Europe centrale, en Europe de l'Est et en Europe du Nord (leurs sphère d'influence traditionnelle) mais aussi auprès de ceux des pays du sud qui choisiront de conserver l'Euro, de nous tendre une béquille ? Sérieux ? On quitte l'Euro, on dévalue dans l'espoir de leur piquer des parts de marché et on les prie de bien vouloir créer une monnaie commune pour réduire les risques liées à nos initiatives aventureuses. Et eux ils acceptent. Voilà. Hop. Sont bien braves.
- Pourquoi l'Allemagne chercherait-elle à rééquilibrer sa balance commerciale ? En 2012 l'Allemagne a engrangé 188 milliards d'Euros d'excédents commerciaux (la France 67 milliards de déficit).
- J'ai travaillé à Berlin où j'ai dirigé des équipes allemandes pour le compte d'une multinationale française. Je connais bien ce pays. Je n'ai ni fascination, ni complexe, ni frustration à l'égard de nos cousins germains, à la différence de beaucoup de nos dirigeants politiques ou économiques (le récent "personne n'a envie d'être Allemand" de Mélenchon est un exemple saisissant de l'inculture crasse et des préjugés rassis qui servent de boussole à une large fraction de nos élites auto-proclamées).
Le Français que je suis ne se résigne donc toujours pas à penser que nous sommes collectivement définitivement incapables de nous organiser pour profiter nous aussi, aux côtés de notre partenaire allemand, de la mondialisation en cours.
Mais bon, si tu penses que cette ambition est la voie la plus courte pour ouvrir les portes au FN, on a donc devant nous soit le FN soit le décrochage et le déclin. Ptin, ça donne envie !