@Ifri
Pour des raisons d'anonymat, je préfère ne pas dire ce que je fais. Toutefois, comme toi, j'associe épanouissement et travail. J'ai fait plusieurs boulots dans ma vie et immanquablement arrivait le moment où je me faisais chier. Soit parce que le boulot en lui-même n'était pas fou, soit parce que c'est ce que mes responsables en avaient fait qui le rendait nul alors qu'à la base ça aurait pu être cool. Et moi, faire un boulot où je m'emmerde, ça passe pas. Je suis une personne qui s'investie, consciencieuse, qui aime être utile, qui aime faire au mieux. Faire des trucs sans aucun sens ou être obligée de bâcler, ça me gave. Franchement, y a certains jobs, je me suis demandée comment les personnes qui faisaient ça depuis des années faisaient pour ne pas devenir folles alors que moi j'avais l'impression que ça tuait mon cerveau à petit feu.
Quand tu demandes si on est prête à accepter un boulot tant qu'il n'empiète pas sur la vie perso, oui et non. J'ai toujours voulu avoir du boulot. La peur du chômage est très ancrée en moi à cause de l'histoire de ma mère. Donc même quand je savais que je n'allais pas aimer un taff, je le prenais quand même. Ça faisait de l'argent et ça évitait un trou sur le CV, c'était déjà bien pour moi. Mais le côté empiéter sur la vie perso, ça ne joue pas car je n'ai jamais pu prétendre à des boulots où on avait besoin de moi en urgence à 3h du matin par exemple. Ni de faire des déplacements de 3 mois en Chine.
Là, je fais un boulot que j'aime. Je fais plein de trucs différents donc je ne m'ennuie pas, je fais des trucs que je trouve cool, j'ai des idées pour mon travail y compris le week-end ou pendant les vacances, je n'ai pas le blues du dimanche soir, je n'ai pas l'impression de perdre mes neurones.
Mais je sens que ma relation devient malsaine.
Mes conditions de travail se sont nettement dégradées depuis mars 2020, je suis censée en faire plus pour compenser le je m'en-foutisme de certains ou l'absence d'autres, sans que les moyens à ma disposition augmentent. Je fais parfois des semaines de dingue, je ne pose aucun RTT et ils finissent tous dans le Compte Épargne Temps. Le tout en étant la moins bien payée de mes collègues car "gneuh gneuh gneuh, eux ils sont là depuis 30 ans" mais bon, ils chauffent la chaise et ça suffit apparemment pour gagner sa croûte là où je suis. En plus, mon métier est un peu déconsidéré dans l'entreprise où je suis, certains pensent pouvoir le faire, l'improviser, sans avoir les compétences nécessaires. Donc on me dit que non, non, pas besoin de recruter, Truc Muche va le faire.
Quand t'es surchargée de taff, qu'on ne reconnait pas la complexité de ton métier à sa juste valeur, et que t'es payée 3 cacahuètes malgré la masse de travail que tu abats pendant que d'autres touchent plus que toi sans rien foutre sans un merci, bah c'est pas très épanouissant. On me dit parfois au boulot "Ouais mais y a plein de trucs bien quand même ici et l'herbe n'est pas plus verte ailleurs.". Non. Mais quitte à être exploitée, je préférerais être mieux payée. Pour l'instant, j'apprends encore des choses dans mon boulot donc je gagne en compétences, en expérience. Mais je réfléchis sérieusement à me barrer dans les 3-5 prochaines années, quand j'aurais tiré tout ce que je peux tirer de là où je suis.
En source d'épanouissement hors travail, j'ai des trucs plutôt simples : ma relation avec Monsieur Kaktus, le sport, les balades, la lecture, écouter de la musique en faisant du playback devant mon miroir (Don't judge me please
), le bénévolat, binge watcher des séries fantastiques. Je sens qu'il manque un gros truc : les voyages. Mais quand t'as pas l'argent et/ou le temps (ou qu'un coronavirus de mes deux fout le bordel sur toute la planète), c'est compliqué et franchement, ça me frustre d'avoir si peu voyagé dans ma vie.
Je n'ai pas l'intention de devenir le prochain prix Nobel, qu'on m'interview à la télé en tant qu'experte, ou d'écrire un best seller dans mon domaine. Mon épanouissement ne provient pas d'un seul truc en particulier ni d'un besoin de faire des choses exceptionnelles. C'est le cumul de plein de petites choses que j'aime.